Louis-Philippe Savoie - Président de la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ) - Une rencontre des partenaires en éducation a été convoquée par le gouvernement Charest lundi 6 décembre prochain. Au menu: hausse des droits de scolarité! Une fois de plus, le gouvernement du Québec s'entête à prendre une voie qui nous dirige tout droit contre un mur.
Tous s'entendent pour dire que l'éducation universitaire est une nécessité pour affronter les défis des prochaines années: 70 % des emplois d'ici 2015 vont exiger un diplôme d'études postsecondaires. De plus, chaque dollar investi dans un diplôme universitaire va rapporter 5,30 $ à l'État québécois, simplement en taxes et en impôts supplémentaires.
Le Québec ne peut se passer des diplômés universitaires. Ce sont eux qui vont payer les retraites et les services publics des trente prochaines années. Réduire l'accès aux études universitaires, c'est s'aveugler sur la réalité et sabrer les revenus de l'État des prochaines années.
Pas une option
Citons une étude faite pour le compte du ministère de l'Éducation en 2007: «Sans surprise, les droits de scolarité ont un effet négatif sur la probabilité de s'inscrire» (Valérie Vierstraete, Les frais de scolarité, l'aide financière aux études et la fréquentation des établissements d'enseignement postsecondaire: comparaison à l'échelle internationale et étude de scénarios pour le Québec). Aujourd'hui, dans le document d'appui tout juste publié en prévision de la Rencontre de lundi, il clame plutôt que «les données disponibles n'établissent pas de lien direct entre les droits de scolarité et la fréquentation universitaire». Qui dit vrai?
Rappelons-nous les faits. Être un étudiant universitaire à temps plein, c'est vivre en moyenne avec 13 330 $ pour un an. C'est s'endetter de 14 000 $ en moyenne pour 61 % des étudiants. C'est devoir cumuler études, travail et famille et mettre en danger sa réussite scolaire pour payer l'épicerie. Pour donner une image: les étudiants de premier cycle traînaient une dette accumulée de 1,27 milliard de dollars en 2009! En plus de l'endettement qui atteint des niveaux inégalés, les étudiants québécois n'ont jamais autant travaillé: le quart des étudiants à temps plein doivent travailler plus de vingt heures par semaine pour arriver à boucler leur budget.
Certains ont blâmé les parents. Il est vrai que seuls trois parents sur cinq aident leurs enfants dans leurs études universitaires de premier cycle. Ce n'est pas par mauvaise volonté. Ils n'ont pas les fonds pour payer une facture qui frôle souvent les 3500 $ pour une année d'études — leur contribution médiane est plutôt de 2600 $.
En somme, hausser les droits de scolarité, c'est choisir l'endettement et le décrochage scolaire comme projet de société...
Financer de manière durable
Il faut que le Québec se dote des moyens de ses ambitions. Premièrement, il faut arrêter la hausse des droits de scolarité et bonifier, pas juste indexer, l'aide financière aux études. À titre d'information, les étudiants auront donné aux universités plus de 597 millions de dollars en surplus dans les budgets des universités en 2012, si l'on cumule la hausse des droits depuis le dégel, l'augmentation des frais récurrents et les hausses imposées aux étudiants étrangers. Ce sont 211 millions de dollars récurrents. C'est une contribution immense.
Cet investissement important nous amène à nous interroger sur la reddition de comptes des universités. Qu'ont-elles fait avec l'argent supplémentaire que les étudiants leur ont donné? Qu'ont-elles fait avec l'argent supplémentaire que le gouvernement — et donc les contribuables — leur a donné? On doit mettre en place des balises afin d'empêcher les dérives et les gaspillages d'une concurrence interuniversitaire rendue hors de contrôle. Il faut s'assurer que tous aient leur mot à dire dans le fonctionnement de nos universités — et, d'abord et avant tout, ceux qui la vivent au quotidien.
Troisièmement, il faut que ces balises découlent d'une vision claire du développement universitaire par une politique québécoise des universités. La dernière date de plus de dix ans. Cette politique fixerait des objectifs réalistes, mais ambitieux comme société, pour, par exemple, lutter contre le fléau du décrochage scolaire, renouveler et bonifier notre corps professoral ou investir en recherche.
Finalement, lorsque nous aurons arrêté de pelleter le fardeau sur le dos de ceux qui ne peuvent pas se le permettre, après avoir examiné notre réseau et nous être dotés d'une vraie politique des universités, le temps sera venu de réinvestir. Ce n'est pas dans une très brève rencontre des «partenaires» en éducation que ce travail pourra être effectué, mais dans le cadre d'états généraux.
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Louis-Philippe Savoie - Président de la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ)
Financement des universités
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