Corruption et collusion à Laval: pas de «cote», pas de contrat

La nausée...

L'organisation qualifiée de criminelle dans les actes d'accusation et démantelée par l'UPAC à Laval était non seulement bien organisée, mais surtout intraitable, y compris avec les entreprises en difficultés financières. La règle était simple: pas de «cote», pas de contrat avec la Ville, pas d'extras autorisés, révèlent des documents de l'enquête «Honorer» obtenus en exclusivité par La Presse.
Le volumineux dossier présenté l'automne dernier par les policiers à un juge en appui à leur demande d'autorisation de perquisitionner, en particulier chez l'ex-maire Gilles Vaillancourt, recèle le cas troublant d'une firme lavalloise forcée de payer pour travailler à Laval.
Sous serment, une employée a raconté aux enquêteurs qu'un jour, son patron «est venu la voir dans son bureau et lui a remis une enveloppe brune scellée d'environ cinq pouces par sept pouces et d'un demi-pouce d'épaisseur, contenant [caviardé] en argent comptant».
Suprise, elle a demandé à son patron «pourquoi elle devait remettre» cette somme alors «qu'elle avait de la difficulté à payer les employés de chantier». La réponse a été «qu'il n'avait pas le choix s'il voulait des contrats avec la Ville».
Le rapport d'enquête précise qu'à peine 20 minutes après cette discussion, un jeune homme «début vingtaine, 5'6'', cheveux châtains s'est présenté à la réception» pour récupérer l'enveloppe remplie d'argent.
Celui-ci aurait dit à l'employée à qui il allait la remettre.
Les policiers ont en main des «témoignages confirmant l'existence d'un système de collecte» à Laval. Système qui passait par les firmes de génie-conseil. Parfois, peut-on lire, un «haut placé mandate son employé pour faire la collecte et évite, par ce «firewall» de s'exposer directement avec les entrepreneurs tout en gardant le mérite de la livraison» !
Collecteurs stressés
Au quotidien, être collecteur, défini aussi comme «dépositaire», semblait loin d'être une sinécure. L'un d'eux a confié avoir été stressé par «l'énorme responsabilité» qu'on lui mettait «sur les épaules». Il était chargé de «recueillir» dans son bureau «les enveloppes des entrepreneurs». La crainte du vol semblait bien présente aussi.
Plusieurs témoignages s'attardent aussi sur le cas d'un mystérieux Patrick, d'une firme dont le nom est caviardé. Il aurait fait des pressions insistantes sur un entrepreneur ayant eu la mauvaise idée de venir soumissionner à Laval pour la première fois.
Ce témoin a expliqué que Patrick l'avait rencontré dans un bar une semaine après qu'il était allé chercher les documents de soumission à l'hôtel de ville. Patrick lui aurait fait comprendre qu'il devait «embarquer» dans la combine sinon «cela allait changer ses plans».
Nullement impressionné, le témoin a «décidé de déposer sa soumission sans tenir compte des indications de Patrick de la compagnie [...]» écrivent les enquêteurs.
Ceux-ci ont aussi en main le récit d'un autre entrepreneur qui a refusé de «souscrire à la collusion organisée».
Les cas de collusion et corruption au sein de l'administration lavalloise se multiplient tout au long de ce dossier de plusieurs centaines de pages, rédigé par les enquêteurs de l'escouade Marteau plusieurs mois avant les 37 arrestations de jeudi dernier.
Déjà à l'époque, les enquêteurs affirmaient que le «projet Honorer a permis de relier Gilles Vaillancourt à un système de redevances de 2% à la suite de l'octroi de contrats de la Ville de Laval avec diverses compagnies de construction et d'ingénierie.»
«Il a existé jusqu'à tout récemment un groupe [caviardé] de firmes de construction en infrastructure, choisies et choyées par l'administration Vaillancourt, qui se partageaient la tarte des travaux municipaux majeurs», lit-on plus loin dans le même document consulté par La Presse.
«Ingénieur de connivence»
Pour que le système fonctionne, de l'avis d'un ingénieur interrogé par deux enquêteurs de Marteau, il fallait qu'«au moins qu'un ingénieur soit de connivence, car il faut connaître tous les petits trucs de paquetage de job».
Selon certains témoignages, le 2% était dû à la Ville seulement «lorsque les contrats étaient arrangés, car cela produisait des profits de [caviardé].»
Un autre témoin a déclaré sous serment, en échange de l'immunité sauf parjure, avoir «été informé que pour avoir le droit à des extras à Laval, il fallait payer une cote qui allait directement à [caviardé]». Lorsque le cas s'est présenté, ce témoin a «remis l'argent comptant dans une enveloppe, tel que convenu».
Il y avait parfois du sable dans l'engrenage de cette organisation bien huilée. Par exemple, dans une section qui s'attarde à Claude Deguise, alors directeur du génie, on évoque une personne dont le nom est biffé qui, en plus du 2% usuel, «demandait également un surplus pour lui-même. Il collectait [caviardé] pour lui-même et/ou sa compagnie».
Son appât du gain a provoqué alors une avalanche de plaintes des entrepreneurs auprès de la Ville. Il «a perdu son emploi, car il était devenu trop gourmand sur le plan monétaire», lit-on aussi.


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