Courriels de cette semaine à Madame Beauchamp

Tribune libre

Parce que mes courriels sont restés comme lettre-morte...

Il y a maintenant 200,000 étudiants en grève. Le budget Bachand vient de sortir aujourd'hui. On annonce une nouvelle subvention pour les minières, de $4 milliards. L'IRIS a estimé plus tôt cette semaine que le coût total à la population sera de $8 milliards. Je me suis déjà exprimée là-dessus. Et non, ça ne fait toujours pas de sens.

Pendant ce temps, nos enfants sont dans la rue et dans le bureau de Line Beauchamp. Sa secrétaire est sur le "gros nerf". Lorsque je lui ai parlé, plus tôt aujourd'hui, elle a été très brève. "Je ne prends pas les messages de plainte." Avouez qu'une secrétaire qui ne prend pas les messages... Alors, elle m'a donné son adresse courriel et je lui ai écrit.

Je vous mets ici copie de cette lettre. Qu'elle puisse vous inspirer la vôtre; sinon, la mienne est vôtre! Ce qui importe, c'est d'appeler. Même si la secrétaire ne prend pas les messages. Vous prendrez note de l'adresse courriel, patiemment, comme si vous ne l'aviez pas lue ici. On me dit même que c'est subtil :)

D'abord, son téléphone:

1 418 644-0664

La secrétaire vous offrira le numéro de fax (que je n'ai pas pris en note, désolée!) que vous noterez patiemment. Puis, elle vous donnera cette adresse courriel:

line.beauchamp@mels.gouv.qc.ca

Bon, elle pourrait être retravaillée, mais j'ai une demande de subvention à rédiger...


Lettre à Madame Beauchamp, prise un
Bonjour Madame Beauchamp,

Vous et moi sommes du même âge; nous avons donc, comme notre génération, bénéficié de tarifs abordables pour nos études. Ou presque. Je n'ai jamais pu terminer mon Diplôme d'artiste, ni entreprendre mon doctorat, parce qu'à $4000/an, c'était devenu hors de mes moyens.

Mais vous! Vos prêts et bourses ne vous ont pas étranglée à la fin de vos études. Vous avez trouvé du travail et avez fait une brillante carrière, même si celle-ci s'achèvera bientôt dans la plus totale disgrâce. Vous ai-je entendue dire que vous n'alliez pas négocier avec nos enfants, parce que l'un d'entre eux aurait brisé les lunettes de votre secrétaire?

Vous êtes-vous seulement demandée ce que cet étudiant faisait dans votre bureau, plutôt que d'être en classe?

Madame, en tant qu'artiste, on s'attend à ce que je doive remplir d'interminables demandes de bourses; c'est mon lot. Mais pourquoi avoir un comportement, et je parle du vôtre, si répréhensible, qu'il force les étudiants à prendre les rues et votre bureau, dans l'espoir de se faire entendre, de vous ramener à la raison?

L'éducation est un droit fondamental, la gratuité en assurant l'accès. Vous le savez autant que moi, parce que nous sommes de cette génération. Même si la gratuité était loin d'être une réalité pour moi, en musique. Mais ça, on pourra en reparler une autre fois.

Veuillez vous asseoir avec nos enfants, avant que ce soient ceux de maternelle qui sortent dans la rue. Veuillez écouter leurs demandes et y obtempérer. Il ne faut pas que cette disgracieuse situation entache leur avenir et le vôtre. Il faut savoir garder une certaine élégance.

Merci de votre attention,

LM


Pour nos enfants, leurs amis, leur future progéniture.

Merci.

(Texte du courriel envoyé à Madame Beauchamp, mardi, le 20 mars 2012; courriel publié sur la page Facebook de Lucie Mayer)
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Lettre à Madame Beauchamp, prise deux.
line.beauchamp@mels.gouv.qc.ca

Chère Madame Beauchamp,

Je vous ai déjà écrit, hier, pour solliciter votre sens du bon et du droit, en vous demandant d'écouter les revendications des étudiants et d'y obtempérer.

Je récidive aujourd'hui avec un texte publié sur FB par une enseignante de 6è année. Parce que je vous demandais aussi de ne pas attendre que ce soient les maternelles qui prennent la rue...

Cordialement,

LM

Je recopie un post d'une enseignante du primaire (Sarah Valiquette) qui raconte une anecdote inspirante sur le débat de la hausse des frais de scolarité pour que ça touche plus de monde :

À lire pour un sourire (chers grévistes) !!! Une anecdote touchante et véridique arrivée aujourd’hui dans ma classe de 6e année. Alors que nous parlions d’actualité comme à tous les matins, une de mes élèves me demande pourquoi à la télévision elle entend toujours parler de manifestations. Heureuse d’enfin pouvoir aborder le sujet avec eux, je leur pose quelques questions pour savoir ce qu’ils connaissent sur le sujet et leur explique de façon brève (et très objective) pourquoi des étudiants vont dans les rues manifester et comment le gouvernement veut augmenter les frais de scolarité. Je leur explique aussi que dans quelques années, quand eux voudront aller à l’université, leur session va leur coûter beaucoup plus cher que le prix que moi j’ai payé et que c’est pour eux que les étudiants manifestent et portent un carré rouge. Les élèves s’énervent un peu et lèvent tous leur main pour commenter… Mon élève qui habituellement est le plus turbulent en classe me dit : « Madame, le gouvernement est stupide d’essayer d’aller chercher de l’argent en nous faisant payer pour aller à l’école, ce n’est pas la bonne façon de remplir leur portefeuille, ils devraient plutôt penser à aller chercher de l’argent en augmentant le prix des cigarettes. Au moins là, il y aurait moins de gens qui fumeraient et ce n’est pas nous les enfants qui aurions à payer pour les dettes.» Puis, une autre de mes élèves d’ajouter : «Si je comprends bien, cela veut dire que si je n’ai pas assez d’argent pour payer mon université, ça ne me sert à rien d’être intelligente et de me forcer à l’école parce que de toute façon il y a juste ceux qui ont beaucoup d’argent qui vont pouvoir y aller.» Finalement, j’ai écouté attentivement leurs commentaires, tous aussi constructifs les uns que les autres, surtout pour des enfants de 12 ans, sans jamais leur donner mon opinion sur la chose, puis nous sommes partis à la récréation. À mon retour et à ma grande surprise, ils avaient tous, de leur plein gré, découpé dans du carton, des petits carrés rouges qu’ils avaient collés sur leur chandail avec du papier collant.

Ils ont 12 ans. Ils ne viennent pas d’un milieu riche, ni d’un milieu très pauvre. Ce sont des enfants brillants qui malgré leur jeune âge sont conscients des inégalités de ce monde et veulent eux aussi une justice. Ils ont comme objectif d’aller à l’université un jour. C’est eux, ces enfants qui décident pendant la récréation de se créer d’eux-mêmes des carrés rouges pour supporter le mouvement étudiant, pour reconnaître les efforts qui sont faits pour eux, pour signifier à leur façon qu’ils comprennent et que eux non plus ne sont pas d’accord … c’est à eux qu’on va limiter l’accès aux études supérieures ! Ces petits génies pleins d’ambition … c’est pour eux que l’on doit se battre ! La vérité sort de la bouche des enfants dit-on … écoutons-les eux aussi … ouvrez vos oreilles Madame la ministre, on a toujours des choses à apprendre ! C’est notre avenir à tous qui est en jeu …
Texte du courriel envoyé à Madame Beauchamp, mercredi, le 21 mars 2012; publié sur la page Facebook de l'auteure.
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Lettre à Madame Beauchamp, prise trois
Mes deux courriels précédents n'ayant pas reçu de réponse, je publie ici le troisième courriel envoyé à la dame.

Bonjour Madame Beauchamp,

Voilà que je vous écris pour une troisième fois cette semaine. Que vous n'ayez pas daigné me répondre ne me surprend pas. Vous aurez d'autres chats à fouetter. Ou d'autres publicités mensongères à réserver.

Quelque chose dans votre regard, dans votre attitude, me dit que vous n'êtes pas aussi corrompue que ne l'est votre parti. L'avenir nous dira si j'ai vu juste. En tout cas, le dernier coup bas (non, je ne parle pas du budget), celui de reporter le vote sur la motion de Monsieur Aussant à un moment où les députés plus progressistes seront absents de l'AssNat pour aller prêter main-forte aux manifestants, crée une nouvelle balise sur le chemin de la bassesse, sur lequel le gouvernement libéral s'est engagé.

"Le Parti libéral reporte à demain, jour de la grande manifestation du 22 mars, le vote sur la motion de Jean-Martin Aussant sur le droit de manifester pacifiquement... Sale méthode pour s'assurer que les députés qui y sont favorables ne votent pas!"

J'ai failli m'étouffer quand j'ai entendu votre patron, celui qui s'assoit sur la chaise du premier ministre, mais qui n'en tient pas l'emploi, dire à la télé que l'écart entre les riches et les pauvres s'était rétréci depuis 2003. C'est probablement parce que la classe moyenne s'est appauvrie, ce qu'il a omis de préciser. Chez nous, c'est ce qui est arrivé. Notre fils de 8 ans a maintenant un avenir universitaire improbable, vu nos finances et vos hausses. Dommage, c'est un enfant brillant.

Si, en effet, il vous reste un peu d'innocence, veuillez écouter les étudiants et obtempérer. Ils sont notre avenir. Quand vous et moi, nous sommes du même âge, je vous le rappelle, serons à chambrer dans un CHSLD, qui prendra soin de nous? Il faudrait peut-être y penser avant de les priver d'une éducation libre de frais et donc, libre d'accès.

Osez, Madame Beauchamp, l'honnêteté si inconnue à votre parti.

Cordialement,

LM
Texte original du courriel envoyé à Madame Beauchamp, jeudi, le 22 mars 2012; publié sur la page Facebook de l'auteure.


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4 commentaires

  • Lucie Mayer Répondre

    25 mars 2012

    Cher Monsieur Goyette,
    je trouve votre commentaire tout à fait savoureux et je vous en remercie!
    Amitiés,
    LM

  • Lucie Mayer Répondre

    25 mars 2012

    Bonsoir Monsieur Vincent,
    Merci pour votre commentaire, qui me laisse pourtant un peu perplexe... J'ai bien signalé à l'administrateur que la photo qu'il avait jouxtée à mon article n'était pas moi, et il me semble que cette correction tarde à venir. Mais à part ce fait, je nage. Éclairez-moi, svp?
    Pendant que vous y êtes, vous auriez un commentaire sur le contenu de l'article?
    Ce n'est pas ma première publication ici, mais votre accueil me paraît sympa, alors je vais faire celle qui n'a rien vu :)
    Ensemble, contre la hausse!
    Lucie Mayer

  • Archives de Vigile Répondre

    23 mars 2012

    La Ministre Lyne Beauchand vient de dire que les étudiants ont quitté la salle de négociation l’an dernier et qu’ils ont chosi la politique de la chaise vide.
    Probablement que les étudiants ont constaté qu’il était impossible de remplir une cruche avec le bouchon dessus.

  • Archives de Vigile Répondre

    23 mars 2012


    Bravo pour votre première intervention sur ce site. À voir le nombre de photos de vous dans la colonne de «tribune libre », le moins que l'on puisse dire est que vous avez fait une entrée fracassante :-)
    André Vincent