Société

Des aînés traités comme de «vieilles chaussettes» dont on se débarrasse

Aide médicale à mourir: un choix personnel

Tribune libre

Aussi longtemps que je me souvienne, j’ai toujours éprouvé une colère viscérale eu égard aux sévices inhumains, voir barbares, subis par les aînés dans notre monde qui se proclame «civilisé». Dans cette foulée, on apprend que plus de 2500 locataires ont été évincés de leur résidence privée pour aînés (RPA) en un an au Québec. Selon les médias, on compte 88 fermetures de RPA entre le 1er octobre 2022 et le 1er septembre 2023, dans l'ensemble du Québec.

«Il est inacceptable que nos aînés vulnérables et parfois aux prises avec des problèmes de santé se retrouvent sans logement. La ministre responsable de l’Habitation doit inclure une clause dans son projet de loi 31 qui interdit les évictions en résidences privées pour aînés», soutient le président provincial de l’Association québécoise des retraité(e)s des secteurs public et parapublic (AQRP), Paul-René Roy.

Pour sa part, le cabinet de la ministre de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, a tenu à «corriger que dans le cas de fermeture ou de conversion de RPA, il ne s’agit pas d’évictions». Comme gymnastique verbale, difficile de trouver mieux! Si nous revenions à la triste réalité: éviction ou non, de nombreuses personnes âgées se retrouvent à le rue chaque fois qu’une RPA met la clé sous la porte. Et, toujours eu égard à la réalité, la crise du logement sévit dramatiquement.

De son côté, le cabinet de la ministre responsable des Aînés, Sonia Bélanger, se dit préoccupée par les fermetures de RPA et a rappelé que des mesures importantes, dont des aides financières, ont été mises en place pour freiner ces fermetures. Or, selon toute évidence, ces subsides ratent leur cible, et, encore une fois, les aînés sont traités comme de «vieilles chaussettes» dont on se débarrasse sans coup férir.

Aide médicale à mourir: un choix personnel

L’aide médicale à mourir (AMM) souffre encore de tabous bien ancrés chez une partie de la société. J’ai livré plusieurs batailles au cours de ma vie professionnelle et, lorsque je m’engageais dans une bataille, c’était parce que je croyais que j’avais une chance de la gagner. Comme la plupart des gens que je qualifierais d’ordinaires, je me suis toujours dit que le cancer n’arrivait qu’aux autres

Or, aujourd’hui, je suis devant un adversaire invincible, un cancer de stade 4 incurable. Aussi ai-je décidé de lui concéder la victoire avant de me lancer inutilement dans un combat impossible à gagner, et de laisser les traitements retarder l’échéance.

En prenant la décision de demander l’aide médicale à mourir lorsque la vie ne m’apportera que souffrances, je pense d’abord à mon épouse et à mes deux filles à qui je désire éviter des moments de tristesse et de douleurs qu’elles n’ont aucune raison de supporter. Ainsi, elles garderont de moi le souvenir d’un époux et d’un père qui a choisi de mourir près d’elles dans la dignité.

Certes, le sujet sort de l’ordinaire. Enfin, que je me suis dit, des centaines de millions de personnes ont reçu ou recevront au cours de leur vie un diagnostic de cancer. Certaines en guériront, d’autres malheureusement en mourront. Le passé ne m’appartient plus et le futur ne m’appartient pas. Seul le présent m’appartient et c’est avec lui que j’ai décidé de continuer ma vie, entouré de mes proches. J’aime me rappeler que les marées basses de notre vie nous invitent à marcher à la recherche de coquillages, ces merveilles de la mer si convoitées par les enfants.

Malgré les moments pénibles que l’avenir me réserve le jour où mes forces s’effriteront et que mon esprit s’égarera de plus en plus souvent, je conserve encore en moi le goût de mordre dans la vie à l’image des oiseaux qui ne semblent pas préoccupés par demain, ou du sourire d’un enfant qui fait ses premiers pas et qui nous enseigne qu’il faut aller de l’avant avec confiance.


Henri Marineau, Québec


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Henri Marineau2089 articles

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Né dans le quartier Limoilou de Québec en 1947, Henri Marineau fait ses études classiques à l’Externat Classique Saint-Jean-Eudes entre 1959 et 1968. Il s’inscrit par la suite en linguistique à l’Université Laval où il obtient son baccalauréat et son diplôme de l’École Normale Supérieure en 1972. Cette année-là, il entre au Collège des Jésuites de Québec à titre de professeur de français et participe activement à la mise sur pied du Collège Saint-Charles-Garnier en 1984. Depuis lors, en plus de ses charges d’enseignement, M. Marineau occupe divers postes de responsabilités au sein de l’équipe du Collège Saint-Charles-Garnier entre autres, ceux de responsables des élèves, de directeur des services pédagogiques et de directeur général. Après une carrière de trente-et-un ans dans le monde de l’éducation, M. Marineau prend sa retraite en juin 2003. À partir de ce moment-là, il arpente la route des écritures qui le conduira sur des chemins aussi variés que la biographie, le roman, la satire, le théâtre, le conte, la poésie et la chronique. Pour en connaître davantage sur ses écrits, vous pouvez consulter son site personnel au www.henrimarineau.com





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2 commentaires

  • Henri Marineau Répondre

    15 janvier 2024

    Merci beaucoup, M, Champoux, pour votre empathie fort réconfortante!


  • François Champoux Répondre

    13 janvier 2024

    Re-Bonjour M. Marineau,



    Comme vous l’avez presque dit, nul ne peut s’engager dans un combat en sachant d’avance qu’il le gagnera : nous nous engageons toujours dans la foi en soi, la seule qui doit nous donner l’énergie à agir. C’est un peu cette volonté de puissance qui est en chacun de nous, jusqu’à mort s’en suive.



    J’ai eu la chance de participer à l’éveil de nous tous à cette aide médicale à mourir il y a maintenant plus de 15 ans. L’évolution des mentalités humaines à cette réalité avance et j’en suis fort heureux. Ce combat ne fut pas gagné d’avance et il ne l’est pas encore.



    Bon cheminent et bonne lecture à cette fin.



    François Champoux, Trois-Rivières