Des allégations de fabrication de preuve visent l’UPAC

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L'UPAC se retrouve sur le banc des accusés : Lafrenière dans de sales draps


Le Directeur des poursuites criminelles et pénales a entre les mains un témoignage dévastateur sur la conduite des enquêtes à l’Unité permanente anticorruption (UPAC).


Si elles étaient avérées, ces informations pourraient avoir un impact majeur sur plusieurs enquêtes amorcées par l’UPAC entre 2012 et 2018, selon les informations obtenues par notre Bureau d’enquête. 


En d’autres mots, des enquêtes de corruption pourraient tomber à l’eau notamment parce que des éléments de preuve auraient été fabriqués et des techniques d’enquête douteuses auraient été utilisées. 


Le témoignage-choc en possession du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) est celui de l’ancien directeur des opérations de l’UPAC, André Boulanger. Il se serait vidé le cœur pendant plusieurs heures, sous serment, à l’automne 2018. 


Boulanger a été le bras droit du directeur de l’UPAC Robert Lafrenière jusqu’en avril 2018. Le 1er octobre 2018, jour de l’élection provinciale, Lafrenière a quitté son poste par surprise. 


Boulanger aurait livré des confessions compromettantes sur la façon dont ont été menées plusieurs enquêtes de l’UPAC. 


Parmi celles-ci, on trouve le fameux « Projet A », le nom de code donné à l’enquête lancée par l’ex-patron Lafrenière pour trouver l’auteur de fuites d’informations internes de l’UPAC dans les médias. 


C’est cette enquête qui a plus tard mené à l’arrestation du député Guy Ouellette, en octobre 2017. Ouellette n’a finalement été accusé de rien. En fait, c’est lui qui poursuit maintenant le gouvernement du Québec pour atteinte à sa réputation. 



L’inspecteur André Boulanger (à gauche sur la photo), directeur des opérations de l’Unité permanente anticorruption (UPAC), en compagnie de son patron Robert Lafrenière, directeur de l’UPAC, lors d’un point de presse en octobre 2017.

Photo d'archives, Pierre-Paul Poulin

L’inspecteur André Boulanger (à gauche sur la photo), directeur des opérations de l’Unité permanente anticorruption (UPAC), en compagnie de son patron Robert Lafrenière, directeur de l’UPAC, lors d’un point de presse en octobre 2017.





Une saga policière


Cette affaire est en train de devenir une saga policière sans précédent au Québec. 


C’est le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) qui mène maintenant le fameux « Projet A » ainsi que l’enquête baptisée « Serment » sur la façon dont ont été menées les enquêtes de l’UPAC. 


Les informations fournies par André Boulanger et d’autres témoins dans le cadre de l’enquête Serment seraient d’une telle qualité qu’elles auraient permis au BEI et au DPCP de travailler sur un projet d’accusations criminelles concernant plusieurs employés de l’UPAC. 


Si des accusations étaient un jour déposées, Boulanger serait un témoin principal de la Couronne. Sa crédibilité et ses gestes posés alors qu’il supervisait les enquêtes de l’UPAC seraient alors scrutés à la loupe. 


Muets


Rappelons que le 15 mars, notre Bureau d’enquête révélait que c’est dans le cadre de l’enquête du BEI que le directeur de la Sûreté du Québec, Martin Prud’homme, a été suspendu le 7 mars


Les enquêteurs croient que messieurs Lafrenière et Prud’homme auraient eu des communications inappropriées pendant l’enquête Serment, ce qui a mené à la suspension de Martin Prud’homme. 


Lafrenière et Prud’homme sont restés silencieux depuis cette décision-choc annoncée par la ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbeault. 


André Boulanger n’a pas répondu à notre invitation à émettre des commentaires. 


Petit lexique des acronymes dans cette saga 


UPAC


C’est l’organisation créée en février 2011 pour lutter contre la corruption au Québec. Elle est devenue un corps de police à part entière le 14 février 2018 et a été dirigée par Robert Lafrenière jusqu’en octobre 2018. 


BEI


C’est l’organe qui enquête depuis 2016 sur le travail des policiers, pour éviter que la police enquête sur elle-même. 


DPCP


C’est le groupe qui mène les poursuites criminelles au nom de l’État québécois. C’est lui qui décide si les enquêtes policières sont suffisamment solides pour porter ou non des accusations. 


SQ


C’est la police nationale du Québec. Elle a prêté de nombreux enquêteurs à l’UPAC depuis sa création, dont André Boulanger. Son directeur Martin Prud’homme est actuellement suspendu en lien avec l’enquête Serment du BEI. 


Nombreux rebondissements 


►4 mai 2017


À l’Assemblée nationale, Robert Lafrenière déclare qu’il veut trouver le « bandit » qui aurait transmis aux médias des informations concernant des enquêtes de l’UPAC. Il a mis sur pied une enquête baptisée « Projet A » dans l’espoir d’y parvenir. 


►25 octobre 2017


Le député Guy Ouellette est arrêté dans le cadre du Projet A. Il ne sera jamais accusé. 


►19 janvier 2018


Deux rapports rendus publics par Québec font état d’un climat de travail très difficile à l’UPAC. Selon nos informations, ce climat de travail s’est beaucoup amélioré depuis quelques mois. 


►Fin septembre 2018


André Boulanger se met à table et fournit au DPCP des informations potentiellement embarrassantes pour son ex-patron Robert Lafrenière, notamment sur la manière dont a été mené le Projet A. 


►1er octobre 2018


Robert Lafrenière démissionne le jour de l’élection générale. 


►25 octobre 2018


Le ministère de la Sécurité publique retire le Projet A des mains de l’UPAC et le confie au BEI. Le ministère mandate aussi le BEI pour enquêter sur la façon dont a été mené le Projet A. 


►22 novembre 2018


Guy Ouellette poursuit le gouvernement du Québec pour 550 000 $. Il allègue que l’opération de l’UPAC à son endroit était « gravement fautive et affectée d’une incontestable incurie ». L’affaire n’a pas encore été jugée. 


►6 mars 2019


La ministre de la Sécurité publique Geneviève Guilbault suspend le patron de la SQ, Martin Prud’homme, en raison d’une « allégation relative à des infractions criminelles ». 


►15 mars 2019


Notre Bureau d’enquête révèle que Martin Prud’homme a été suspendu parce que les enquêteurs croient qu’il aurait eu des communications inappropriées avec Robert Lafrenière pendant l’enquête du BEI.