Au moment où on aborde la dernière ligne droite de la campagne électorale, il nous semble opportun de donner notre point de vue sur l’idéal d’un projet de vivre ensemble-harmonieux. Les questions d’intégration professionnelle des personnes immigrantes sont éclipsées dans le débat électoral laissant ainsi la place aux problématiques liées à la corruption ou à l’économie ou les deux selon la vision politique. La question référendaire qui fait les manchettes depuis le face à face entre Pauline Marois et François Legault, sur les ondes de TVA, met à l’avant-scène la dualité Canada-Québec. La problématique de l’identité, un marqueur social important dans la vie d’une nation, est tout à la fois un sujet de cohésion et de tension sociale.
Le débat sur l’identité québécoise aurait fait plus l’unanimité si et seulement si ceux et celles qui l’agitent prenaient le soin de l’aborder de manière constructive, pédagogique et inclusive. L’historien, philosophe et écrivain français, Ernest Renan, avait raison de ne pas répondre à la question Qu’est-ce qu’une nation?” (1882), à partir uniquement des marqueurs comme la langue, la « race », la religion, l’économie, un passé commun (une défense commune) etc. mais aussi en insistant sur la volonté de vivre ensemble pour perpétuer l’héritage de souvenirs communs. Dans cette volonté de vivre ensemble, les personnes immigrantes font donc partie intégrante de ce projet de société de la nation québécoise.
L’identité culturelle qui est un processus en évolution constant établit un contrat social au sens de Jean-Jacques Rousseau entre la société d’accueil et le Québécois d’adoption. La personnalité culturelle québécoise se base sur la langue et l’histoire. L’avenir de la défense de la langue française au Québec dépend du degré d’intégration par l’emploi en français des personnes immigrantes.
À la mort du cinéaste Pierre Falardeau, le 25 septembre 2009, le Réseau de l'information (RDI), une chaîne de télévision d'information continue de la Société Radio-Canada, passait en boucle le 26 septembre un de ses films avec Elvis Gratton. Il s’agit d’une scène, dans l’avion qui amenait ce dernier en Floride. Le personnage Elvis Gratton (Julien Poulin) tentait de définir ce qu’est un Québécois, à la suite d’une question qui lui a été posée par un passager « Ben, on est des Canadiens francophones, non non-non on est des Québécois, on est des Américains français de langue seconde, on est des… ».
Ceci traduit la difficulté des Québécois d’origine canadienne-française (environ 77%) à se définir eux-mêmes. Ils sont à la recherche permanente de leur identité qui évolue heureusement. Les immigrants aussi disent qu’ils ne peuvent s’identifier à un peuple qui ne connait pas son identité. Nous applaudissons des deux mains, en disant que c’est parce que ce peuple intègre les autres dans sa quête de recherche identitaire que tout le monde y trouve sa place.
La définition: qui est québécois, qui ne l’est pas et quand le devient-on?
De prime abord certains indicateurs nous font penser à des éléments très simples : • parler français,
_ • prendre l’accent québécois ou l’accent régional ou l’accent du terroir, utiliser le vocabulaire codé ou les expressions québécoises,
_ • manger la poutine (un mets québécois traditionnel),
_ • fredonner la chanson du monument de la poésie et la chanson québécoise qui a fêté ses cinquante ans de carrière en juillet 2010, Gilles Vigneaut (84 ans) : « Mon pays ce n’est pas un pays, c’est l’hiver »
_ • supporter un hiver rude, puisque comme disent les Québécois, il «fait frette en hiver»,
_ • jouer au hockey ou inscrire son enfant au hockey, regarder les matchs du Canadien (équipe de hockey montréalaise) à la télé en buvant de la bière,
_ • aller à la cabane à sucre.
Les immigrants sont confrontés à une dualité Québec-Canada et sont porteurs de plusieurs identités: identité d’origine, québécoise, canadienne, montréalaise ou régionale, territoriale, internationale, sociale, professionnelle. Une identité qui est, par définition, évolutive. Les immigrants, qui construisent leur identité au fil des années, sont confrontés à l’épineuse problématique: celle du comment parvenir à faire la symbiose identitaire.
Le proverbe « À Rome, on fait comme les Romains » penche plus vers la « québécisation » des valeurs. La cohabitation harmonieuse des citoyens de toutes origines suppose que les personnes vivent avec leurs ressemblances tout en ne niant pas leurs particularismes. L’individu est le produit de plusieurs identités.
Boucar Diouf en est un exemple palpable. Il incarne à la fois une identité régionale rimousquoise tout en jouant le rôle d’un mentor, ou d’un ambassadeur à l’échelle de tout le Québec. Nous le citions en modèle aux immigrants quand nous voulions donner une visibilité au programme de régionalisation de l’immigration. Boucar Diouf fait preuve d’humilité et fait passer son intelligence à travers l’humour. Ceux qui regardent ses spectacles mais aussi lisent les contes destinés aux enfants - puisque le Québec de demain se bâtit dès le jeune âge - ne me démentiront pas.
Personne ne peut nier que Boucar Diouf est un Québécois. L’humoriste, conteur, chroniqueur scientifique (depuis 2006) et co-animateur (depuis 2007) de l'émission Des kiwis et des hommes de Radio-Canada a conquis le cœur de la population québécoise par sa simplicité et sa personnalité exemplaire. Le chargé de cours au Département de biologie, de chimie et de sciences de la santé de l’Université du Québec à Rimouski est un modèle valorisant pour la communauté sénégalaise mais aussi africaine. Son intégration prouve que la diversité est effectivement une richesse. Dans une entrevue accordée à Jean-François Cyr du journal 24 heures en date du 7mai 2009, l’un des porte-parole de la 175e édition de la fête nationale du Québec déclarait ceci : « Je suis pure laine à 100%, malgré le fait que j’ai grandi au Sénégal. Je suis un vrai Québécois et mon fils aussi. » Et, faisant référence à la sagesse africaine, il poursuivait: « Mon grand-père raconte parfois que l’oiseau se doit de chanter les louanges du pays où il a passé la saison chaude. » Nous souscrivons intégralement à cette idée. C’est pourquoi nous revendiquons aussi notre appartenance à cette société québécoise en nous définissant comme Québécois d’origine sénégalaise. Cette fierté d’appartenir à cette belle société trouve aussi son explication par notre intégration rapide sur le marché de l’emploi. Ceci nous a également permis de découvrir cette société sous toutes ses facettes et d’être plus réceptif au projet de société.
L’identité personnelle et sociale influe également sur le comportement de l’individu dans sa société d’accueil. Le concept d’identité qui est polysémique se résume à la question principale « qui suis-je? ». Dans son livre intitulé « La Commission Boucar pour un raccommodement raisonnable », Boucar Diouf, qui a reçu en 2006 le prix Jacques-Couture du gouvernement libéral du Québec, pour sa contribution à la promotion du rapprochement interculturel dans la catégorie « personnes physiques » y définit ce qu’il entend par identité :
« L’identité d’un individu ne tient qu’à ses racines. Personnellement, je me définis en tant qu’Africain et Québécois ou Afro-Québécois, même si ce dernier qualitatif sonne comme « affreux Québécois » aux oreilles de certains. Mais ma définition préférée reste, de loin, « Québécois pure laine vierge de mouton noir minoritaire visible le jour et invisible la nuit. »
***
Pour lire l’intégralité du texte, cliquer sur le lien ci-dessous :
http://doudousow.wordpress.com/2012/08/28/devenir-quebecois-cest-quoi-au-juste-par-doudou-sow/
L’auteur est sociologue-blogueur et conférencier. Il est aussi auteur du livre « Intégration professionnelle des personnes immigrantes et identité québécoise : une réflexion sociologique » qui paraîtra en février 2013. Ce texte est extrait du prochain livre cité-ci-dessus.
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Doudou Sow26 articles
Sociologue de formation, spécialisé en Travail et organisations, l’auteur
est actuellement conseiller en emploi pour le projet Mentorat
Québec-Pluriel au Carrefour jeunesse-emploi Bourassa-Sauvé
(Montréal-Nord).
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