Revue de presse

Diversité et accommodements

Une école publique non confessionnelle de la région torontoise, mais dont plus de 80 % des étudiants sont musulmans, permet la tenue de la prière du vendredi dans la cafétéria et à un imam de la guider.

Actualité québécoise 2011


Une école publique non confessionnelle de la région torontoise, mais dont plus de 80 % des étudiants sont musulmans, permet la tenue de la prière du vendredi dans la cafétéria et à un imam de la guider. L'affaire a été ébruitée cette semaine et a fait des vagues, car la religion n'est plus présente dans les écoles publiques ontariennes depuis des décennies (sauf dans le réseau catholique, mais c'est une longue histoire). Le sujet peut être explosif en Ontario. Lors de la dernière campagne électorale provinciale, le chef conservateur, John Tory, a mordu la poussière pour avoir suggéré de subventionner, un peu comme au Québec, les écoles privées confessionnelles.
Certains, par contre, aimeraient que l'enseignement religieux et la prière aient leur place à l'école publique. Lui-même chrétien pratiquant et conservateur, Jerry Agar, du Toronto Sun, trouve raisonnables les raisons de sécurité invoquées par l'école. Sans cet accommodement, les étudiants quitteraient l'école pour se rendre à la mosquée. Agar espère voir d'autres confessions religieuses demander le même traitement du Toronto District School Board. «Il serait intéressant de voir si la commission scolaire et le public toléreraient pour la majorité le même genre d'accommodement offert à la minorité», écrit-il, avant d'afficher son irritation devant un «système scolaire agnostique» et ce qu'il présente comme l'intransigeance des tenants de la laïcité. Il offre quelques explications étonnantes, dont celle-ci: «Peut-être est-ce parce que la religion nous enseigne qu'un gros gouvernement n'est pas notre sauveur et parce que nous apprenons que la charité personnelle est plus aimante et efficace que des programmes gouvernementaux lourds, indifférents et gaspilleurs.»
Kelly McParland, du National Post, aborde la chose sous un autre angle. Il approuve l'école par simple gros bon sens. Il note que les parents supervisent le travail de l'imam, que l'école ne débourse pas un cent, que le personnel ne s'en mêle pas, mais que la vie de tout le monde s'en trouve facilitée. Cela dure depuis quelques années sans qu'aucune plainte ait été déposée auprès de l'école. Mais des membres de la communauté hindoue ont récemment protesté. «Le Canada est censé être l'endroit où les gens sont fiers d'être raisonnables. Le compromis est notre fétiche national. Une des principales raisons qui attirent les gens vers notre pays est sa volonté d'accommoder différents peuples et cultures, tout en ignorant les différences sans importance, parce qu'on croit qu'il est préférable de bien s'entendre.» La résistance au compromis offert par l'école découle, dit-il, de cette conviction que les droits individuels de chacun ont préséance sur ceux des autres, sans égard aux inconvénients causés à autrui. McParland rappelle aussi qu'il y a toujours eu des tensions entre musulmans et hindous et il se demande si cette dynamique lointaine n'est pas en train de se reproduire à l'échelle d'une petite école. «Peu importe la raison, personne n'en bénéficie et nous nous approchons un peu plus d'un pays dirigé par les commissions des droits de la personne et autres fouineurs, plutôt que par des gens qui se servent de leur tête.»
Jeunes musulmans
Cette affaire est survenue alors que le Globe and Mail consacrait son dossier hebdomadaire aux jeunes musulmans canadiens. Dans ce cadre, le quotidien a publié un texte fort intéressant de la journaliste Natasha Fatah dans lequel elle raconte les désirs de «démocratie, de liberté, de stabilité, de modernité» qui ont poussé tant de musulmans à quitter leur pays depuis 50 ans, dont ses parents, venus du Pakistan il y a 24 ans. Selon elle, les Canadiens se trompent lorsqu'ils croient que tous les parents musulmans tiennent à maintenir conservatisme et traditions dans leur famille, à l'encontre de leurs très modernes enfants. «Beaucoup de nos parents qui ont immigré de pays musulmans [...] l'ont précisément fait par respect pour les valeurs occidentales. Les musulmans âgés peuvent être modestes et socialement conservateurs dans leur vie personnelle, mais dans l'ensemble, les parents de foyers musulmans canadiens adhèrent aux valeurs centrales de cette société.» Selon Fatah, ce sont les enfants de ces immigrants qui, «dans une recherche désespérée d'identité», se tournent, pour réponse, «vers un islam conservateur, dur et politisé», un courant qui a alimenté la violence dans bien des coins du monde. Il y a de nombreuses exceptions, convient-elle, mais elle voit aussi de nombreuses jeunes femmes opter pour le voile que leurs mères ont rejeté. Elle rencontre des parents qui ne reconnaissent plus leurs enfants ou les ont carrément perdus aux mains des extrémistes. L'islam est une religion qu'on peut choisir de pratiquer de façon stricte ou non, dit Fatah. L'islamisme, en revanche, est une doctrine qui utilise l'islam comme une idéologie et c'est ce qui attire les jeunes, explique-t-elle. Elle l'a constaté en fréquentant deux universités torontoises. Les associations étudiantes musulmanes exigeaient des femmes qu'elles s'assoient derrière les hommes et recommandaient le port du voile. Ce n'est pas, dit-elle, la modernité et la liberté que ses parents recherchaient en venant au Canada. Elle a quitté ces associations, espérant que d'autres en feront autant.


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