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«Fier: Qui a un vif sentiment de sa dignité, de son honneur. Qui a des sentiments élevés, nobles.»
(Le Petit Robert)
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[Une autre proposition de texte que Le Devoir n'aura pas cru pertinente pour ses propres pages...]
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(Dérisoire) contribution à la mémoire du professeur Pierre Demers, décédé à Montréal, à 102 ans, le 29 Janvier dernier
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«Je voulais que ce soit un bel objet que les gens seraient fiers de porter», nous raconte, dans Le Devoir du 4 Février, le jeune entrepreneur Christian Houle, de la firme Phazon, à propos d’oreillettes de sa conception.
Il ne s’agit pas, prenons-en acte, de se montrer satisfait d’avoir conçu, tout humblement, un «produit» pénétré de cette qualité qui est celle de se révéler utile ou appréciable en quelque façon auprès d’un certain public – quand bien même ce serait à petite échelle et/ou dans l’ordre du superflu, ou en tout cas du non-nécessaire (pourquoi pas, en effet). Car enfin, nul n’est tenu à faire de lui-même un Aristote, un Goethe, une Thérèse d’Avila, un Pasteur, une Marie Curie, une Rosa Luxemburg, un de Gaulle ou un Léonard de Vinci.
Eh non. Même pas. Il s’agit d’abord et avant tout – formidable ambition d’un individu cherchant à apporter son écot personnel à l’Humanité, voire, donner sens à sa propre existence... ??? – d’être comblé par une babiole dont les gens seraient «fiers»...
Fier d’une réalisation hors du commun (la mise au point d’un médicament éradiquant définitivement le virus ebola de l’interminable colonne des souffrances humaines, par exemple)? Non point. Fier d’avoir élaboré une théorie économique de redistribution des richesses de la Société de manière à vaincre partout la déchéance et la pauvreté? Non point. Fier d’être parvenu - contre toute attente - à faire de ses enfants des adultes sains et équilibrés? Non point. Fier d’avoir réalisé un noble projet que tous jusque-là avaient échoué à concrétiser (un Jean-François Lisée au lendemain de la déclaration d’Indépendance du Québec, par exemple)? Non point. Fier d’une performance intellectuelle de haut niveau dans les créneaux de la Science, de la Médecine, du Droit, de la Philosophie ou des Arts? Non point.
Fierté du politique d’envergure, enfin, ayant réussi à convaincre tous les Trump de la Planète de troquer le profit immédiat - homicidaire de l’Humanité - pour l’action intelligente et concertée en faveur de la préservation du Nid du vivant, et sans laquelle préservation tout «profit» participe de l’aveuglement le plus primaire (à savoir: s’empresser de remplir de billets verts son propre cercueil que l’on sait par ailleurs devoir mettre sous terre dans les quarante-huit heures...)? Non point. Non plus.
Fier de ce que je suis? Fier, ainsi paraphrasant Jean-Paul, d’avoir fait quelque chose de ce que l’on a fait de moi? Mieux: Fier d’avoir fait quelque chose «avec» ce quelque chose que l’on a fait de moi? En un mot: Fier d’avoir contribué, si modestement que ce fût, à la beauté ou à l’intelligence du monde. Point du tout.
Juste fier de porter un objet. Oui, M’dame...
Comme un adolescent (de quatorze, trente ou cinquante-trois ans, peu importe) - métaphoriquement démuni jusque-là - sera «fier» («J’ai, donc je suis», ou, variante ponctuelle: «Je porte, donc je me porte bien») d'enfiler un jeans de la marque X ou une paire de chaussures, voire de chaussettes, de la griffe Y. Les génies de la publicité ayant convaincu celui-ci (quitte à taxer le compagnon de classe si maman ou papa ont l’outrecuidance de refuser l’essentiel à leur progéniture) que la vie ne valait pas la peine d’être vécue dans l'insupportable état de «manque» d’une pareille nécessité vitale.
Sans chercher d’aucune manière à stigmatiser ledit entrepreneur, au moins autant victime que «coupable» de réverbérer pareil discours, forme d’automatisme mental soumis à ce que j’appellerai - Ô Baudrillard, sors de ce corps! - le radicalisme politique de l’objet (banal chaînon au fond – comme tout un chacun sans doute, à des degrés divers, y compris le soussigné lui-même à l’occasion – de la reconduction systématique de l’acte consommériste de tout, et plus encore du rien, mais en permanence), reste que nous avons là, sous les yeux, comme en abrégé, dans une courte phrase, quasi-anodine, la promotion décomplexée, quoique certainement involontaire, sinon inconsciente, d’un authentique «essentiel» de notre temps en mode post-vérité.
J’ai nommé la vacuité.
Jean-Luc Gouin
LePeregrin@yahoo.ca
Québec, 7 Février 2017
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