Élection partielle dans Outremont: langue et signes religieux s’invitent dans la bataille

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Malheureusement, Singh est tellement mauvais que Trudeau pourrait gagner un siège


Julia Sanchez, candidate du Nouveau Parti démocratique (NPD) à l’élection partielle de lundi à Outremont, soutient que les résidants de sa circonscription lui parlent des changements climatiques, de l’inégalité de la richesse et parfois… du turban porté par le chef du parti.


Le chef du NPD, Jagmeet Singh, est sikh et porte un turban, ce qui le rend ostensiblement religieux dans une province fortement laïque. Son français est également plus faible que ses deux prédécesseurs à la tête du NPD, ce qui complique sa tâche de séduire les électeurs québécois.


Même dans l’arrondissement multiculturel d’Outremont, au coeur de l’île de Montréal et au sein de l’une des plus grandes communautés juives ultraorthodoxes en Amérique du Nord, le turban de M. Singh préoccupe certains électeurs.


En entrevue récemment à la suite d’un débat entre les candidats dans la circonscription, Mme Sanchez a reconnu l’existence de ces préoccupations, disant que la question fait surface à l’occasion dans le porte-à-porte, mais que ce n’est « certainement pas la principale chose que les gens soulèvent ».


Ayant assisté à ce débat, Kathryn Furlong a dit avoir voté pour Mme Sanchez, une économiste ayant l’expérience de l’action humanitaire et du militantisme pour le climat, lors du vote par anticipation. La femme de 43 ans a indiqué avoir voté pour le Parti libéral du Canada (PLC) par le passé, « mais jamais par conviction », et « parfois » pour éviter que les conservateurs ne prennent le pouvoir.


Elle estime triste que quiconque puisse avoir un problème avec l’expression de la foi du chef du NPD, et ajoute croire que les partis politiques au Québec exploitent cette question à des fins partisanes.


Outremont est représentée par le NPD depuis la victoire lors d’une partielle en 2007 de l’ancien chef du parti, Thomas Mulcair, dans ce qui était depuis longtemps une forteresse libérale.


M. Mulcair a démissionné en août dernier et est maintenant professeur invité à l’Université de Montréal et commentateur politique. Le NPD se situe actuellement au quatrième rang de sondages au Québec, loin de ses sommets lorsque Jack Layton a aidé le parti à remporter la majorité des sièges de la province en 2011.


Charles Taylor sur la popularité de Jagmeet Singh


Le philosophe à l’Université McGill Charles Taylor, partisan de longue date du NPD qui a fait campagne avec Mme Sanchez avant l’élection partielle, soutient que la tiède réception à l’endroit de M. Singh jusqu’à présent au Québec est due au fait qu’il n’a pas encore de siège au Parlement. M. Singh est le candidat à l’une des deux autres élections partielles lundi, dans la circonscription de Burnaby Sud, en Colombie-Britannique.


Selon M. Taylor, une fois que le chef aura obtenu un siège à la Chambre des communes et sera plus régulièrement devant les caméras, les Québécois apprendront à l’aimer, car actuellement il est très investi, mais n’est pas souvent à la télévision.


La Coalition avenir Québec (CAQ) a remporté les élections provinciales de l’automne dernier avec la volonté affichée d’interdire à certains travailleurs du secteur public, y compris les enseignants, de porter des symboles religieux au travail. Mais M. Taylor affirme que M. Singh fera valoir le fait qu’une personne « peut porter ce genre de vêtements et être parfaitement raisonnable », et estime que les Québécois sont disposés à entendre un tel discours.


L’importance d’Outremont pour les libéraux


Bien qu’une défaite du NPD lundi dans Outremont accablerait encore davantage le parti dans la province, les libéraux de Justin Trudeau ont sans doute plus en jeu.


Le PLC a présentement 39 sièges au Québec et 179 au niveau national. Des sondages indiquent que l’appui des libéraux a diminué partout au pays depuis le vote de 2015 et que M. Trudeau espère faire des gains au Québec afin de maintenir la majorité de son parti lors des élections générales de l’automne prochain.


Outremont — où 36 pour cent des résidants sont des immigrants et 66 pour cent des personnes sont bilingues —, est le genre de circonscriptions sur lesquelles les libéraux doivent miser pour conserver leurs bons résultats au Québec.


Rachel Bendayan, avocate et ancienne chef de cabinet, a terminé deuxième derrière M. Mulcair en 2015. Son parti mène régulièrement les sondages dans la province depuis les dernières élections. Toutefois, au cours des dernières semaines, des controverses ont été soulevées au sujet d’allégations selon lesquelles le cabinet du premier ministre aurait indûment fait pression sur l’ancienne ministre de la Justice, Jody Wilson-Raybould, pour qu’elle aide le géant SNC-Lavalin à échapper aux poursuites au criminel.


La société établie à Montréal est accusée de corruption et de fraude dans le cadre de ses transactions en Libye. Une condamnation pourrait entraîner des pertes d’emplois et la rendre vulnérable aux prises de contrôle par des étrangers.


Mme Bendayan soutient que ce sont des journalistes, et non les personnes qu’elle rencontre quand elle frappe aux portes dans la circonscription, qui posent des questions sur SNC-Lavalin.


Tom Boushel, 72 ans, bénévole libéral qui conduira des aînés à des bureaux de vote lundi, dit croire que l’enjeu sur SNC-Lavalin n’aurait pas autant d’impact au Québec qu’ailleurs au pays. « Les Québécois sont sensibles au risque de perte d’emplois », affirme M. Boushel, ajoutant que les Montréalais apprécient le prestige d’une entreprise d’envergure mondiale ayant son siège social dans leur ville.


L’élection partielle dans Outremont constitue aussi le premier test pour le Bloc québécois sous la gouverne de son nouveau chef, Yves-François Blanchet, qui a été élu par acclamation en janvier. Le Bloc espère que son candidat, l’auteur Michel Duchesne, aidera le parti à redevenir un joueur de premier plan dans la circonscription.


Jasmine Louras, une étudiante en droit de l’Université d’Ottawa, représente les conservateurs, tandis que James Seale, un ancien combattant des Forces armées canadiennes, se porte candidat pour le Parti populaire du Canada de Maxime Bernier.




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