PLAN NORD

Embûches financières pour Mine Arnaud

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Plan Nord, plan mort !

Présenté comme un projet phare de la relance du Plan Nord libéral, Mine Arnaud se butte à de sérieuses embûches financières. Le Devoir a appris que le seul partenaire financier du gouvernement Couillard, Yara International, achètera au mieux la moitié de la production de la mine. Québec a pourtant toujours affirmé que la multinationale s’était engagée à acquérir la totalité de celle-ci. Pendant ce temps, l’État québécois cherche encore une entreprise pour exploiter la mine et participer au financement de celle-ci, une facture qui dépasse les 850 millions de dollars.

L’actionnaire majoritaire de Mine Arnaud, Investissement Québec, a confirmé au Devoir que l’entreprise norvégienne Yara International « prévoit d’acheter entre 40 % et 50 % de la production » de concentré d’apatite produit par ce qui serait la plus grosse mine à ciel ouvert en milieu habité dans la province.

« Il existe une entente qui régit nos relations actuelles avec Yara concernant le développement du projet, dont l’achat de la totalité de la production de Mine Arnaud », affirmait pourtant Investissement Québec en juin. « Nous avons une assurance que le minerai sera acheté par Yara », avait aussi précisé la société d’État en juillet, dans une réponse transmise par courriel au Devoir.

Au moment d’annoncer le feu vert à ce « bel exemple de projet » en mars dernier, le ministre responsable du Plan Nord, Pierre Arcand, avait également soutenu que la chose était acquise. Il faut dire que Yara, une entreprise reconnue coupable de corruption en 2009 en Libye, en Inde et en Russie, est le premier producteur mondial d’engrais (l’apatite est composée de phosphate).

Des tonnes d’apatite

Cette « entente » avec l’entreprise norvégienne ne tient visiblement plus. Or, cette imposante mine doit produire, pendant 31 ans, un maximum de 1,25 million de tonnes de concentré d’apatite chaque année. Cela signifie que le promoteur devra trouver un nouvel acheteur pour acquérir, au maximum, entre 625 000 et 750 000 tonnes chaque année. Est-ce qu’Investissement Québec a trouvé preneur ? « D’autres acheteurs ont manifesté de l’intérêt pour la partie restante de la production de la future mine. Nous ne pouvons pas donner plus de détails pour des raisons de confidentialité et de compétitivité », a indiqué la porte-parole, Chantal Corbeil.

Investissement Québec refuse en outre de dire à quel prix sera vendu le concentré extrait à Sept-Îles, jugeant que ces informations « sont confidentielles ». La Banque mondiale prévoit que les prix du phosphate continueront de reculer au cours des prochaines années. Selon un rapport publié en juillet, les prix, actuellement situés à 110 $ la tonne, devraient poursuivre leur recul, pour atteindre 90 $ la tonne en 2025. Or, selon Mine Arnaud, le seuil de rentabilité du projet se situerait à environ 120 $.

Quel partenaire ?

Au moment de lancer Mine Arnaud, le gouvernement Couillard avait aussi indiqué qu’il injecterait 120 millions de dollars de fonds publics dans le projet. Une tranche de 120 millions devait provenir de Yara. Québec cherche également un partenaire qui devrait exploiter la mine et s’engager à investir 160 millions. Un prêt contracté auprès d’institutions financières devrait permettre d’aller chercher 400 millions supplémentaires.

Puisque Yara souhaite acheter au mieux la moitié de la production, cela pourrait modifier ses engagements financiers dans le projet. Investissement Québec n’a cependant pas voulu donner de précisions à ce sujet. « Le niveau de participation est présentement en discussion puisque nous sommes à la recherche d’autres partenaires, a répondu Mme Corbeil. Donc, on ne peut pas confirmer le montant de chaque partenaire. »

Mine Arnaud est par ailleurs toujours à la recherche d’un partenaire privé qui exploiterait la mine et y investirait 160 millions. « Nous sommes toujours en discussion avec des partenaires potentiels pour l’exploitation de la mine », a précisé Investissement Québec, sept mois après l’annonce gouvernementale.

En plus des 854 millions d’investissements nécessaires pour la mine, il faudrait construire un quai où serait chargé le concentré pour être exporté. La société d’État dit examiner plusieurs scénarios à ce sujet, dont l’utilisation des anciennes installations de Cliffs. Impossible, pour le moment, de chiffrer les coûts.

Refus de Québec

Pendant que le promoteur se montre actif sur le front financier, le gouvernement du Québec continue de refuser d’aller rencontrer les citoyens de Sept-Îles pour répondre à leurs inquiétudes par rapport au projet.

Il faut dire que le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) avait publié un rapport très sévère en février 2014. Le document relevait plusieurs lacunes touchant notamment les risques environnementaux et pour la santé publique, mais aussi la gestion des résidus miniers et même la viabilité économique du projet. Le rapport du BAPE constatait aussi « l’absence d’un consensus social et la polarisation de la population septilienne ».

Devant composer chaque jour avec cette réalité, le maire Réjean Porlier a envoyé une première demande de rencontre au ministre du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MDDELCC), David Heurtel, le 25 mars. Mais depuis, toutes les demandes sont restées lettre morte, a indiqué mercredi M. Porlier. « Il me semble qu’après un rapport du BAPE qui jugeait le projet inacceptable et après les négociations avec le promoteur, il serait tout à fait normal de venir expliquer la situation aux citoyens », a-t-il fait valoir.

Au cours de sa durée de vie, la mine d’apatite générera des centaines de millions de tonnes de résidus en raison de l’extraction du minerai d’une fosse qui atteindrait une longueur de 3700 mètres et une largeur de 800 mètres. Une butte-écran de plus de 40 mètres de hauteur serait aussi construite du côté sud de la fosse. Ce serait la plus grande mine à ciel ouvert à être exploitée en milieu habité au Québec.


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