Est-ce le bon temps pour réduire le taux d'imposition sur les entreprises?

Cela veut dire que presque l’ensemble du secteur canadien des ressources naturelles n’a aucunement besoin d’avoir une baisse du taux d’imposition sur les profits de ses entreprises.

Actualité québécoise 2011

Si le Canada faisait face à un problème global de compétitivité sur la scène internationale, avec un dollar canadien en forte chute et avec une montée de son taux de chômage, il serait souhaitable d’envisager une réduction du taux d’imposition sur les entreprises canadiennes, surtout si ce taux était relativement élevé par rapport à celui de ses concurrents.

Cependant, la situation présente est tout autre. Le prix des matières premières (que nous produisons) est en forte hausse et il en est de même pour le dollar canadien dont la valeur a avoisiné dernièrement 1,05 $ ÉU par dollar canadien. Ce taux de change est de 7% supérieur à la prévision incluse, il y a à peine quelques semaines, dans le Plan budgétaire 2011 du gouvernement fédéral. Dans son dernier Rapport sur la politique monétaire, la Banque du Canada, nous disait à la mi-avril que cette situation ne serait pas éphémère et qu’au contraire elle devrait marquer notre conjoncture économique à moyen terme puisqu’elle est liée à la forte croissance des économies émergentes.

Cela veut dire que presque l’ensemble du secteur canadien des ressources naturelles n’a aucunement besoin d’avoir une baisse du taux d’imposition sur les profits de ses entreprises. Les investissements et l’emploi seront, sans elle, à un niveau élevé. L’économie canadienne a toujours bien performé dans les périodes où le prix relatif des matières premières était élevé. On parlait alors de « commodity boom ». En fait, la baisse du taux d’imposition impliquerait la perte d’une opportunité de collecter collectivement une plus grande rente sur nos ressources naturelles. Nos gouvernements devraient même envisager de réduire de nombreuses subventions accordées à ce secteur. L’aide gouvernementale sous forme d’incitations fiscales ou de subsides ne devrait être la même si le prix du baril de pétrole est à 50 $, à 100 $ ou à 125$
Les modèles d’analyse économique souvent utilisés pour justifier la baisse du taux d’imposition ne tiennent pas compte d’un contexte où le prix des matières premières est élevé et ne sont pas équipés pour tenir compte de la capture de la rente économique sur les ressources naturelles. Ce type de modèle d’analyse est mieux équipé pour les situations où il y a beaucoup de concurrence, une forte de mobilité des entreprises sur le globe et aucune rareté planétaire des facteurs de production. Dans un tel environnement, il est très important d’avoir un taux de taxation relativement bas pour être plus compétitif.
La hausse du dollar canadien qui accompagne la hausse du prix des matières premières sera par contre fort contraignante pour d’autres secteurs qui ne font pas face à une hausse de la demande et du prix de leurs produits. Pensez au secteur manufacturier. Plusieurs entreprises des secteurs exposés à la concurrence internationale ne pourront pas bénéficier pleinement de la baisse du taux d’imposition, parce qu’elles auront peu ou pas de profits. Il faudra par contre que nos gouvernements prennent une partie de leurs revenus pour aider ces secteurs et leurs travailleurs ainsi que pour redistribuer entre les diverses régions du Canada la hausse de la richesse nationale venant de la hausse du prix des matières premières..

Le gouvernement fédéral devrait réévaluer sa décision de baisser le taux d’imposition des entreprises de 18% à 15% afin de considérer plus globalement la situation économique et, en particulier, la tendance à la hausse du prix des matières premières. Il devrait également envisager la possibilité de modifier ses subsides explicites et implicites offerts aux entreprises des différents secteurs de notre économie. Cette approche plus globale a été fortement soutenue par les membres de l’Association des économistes québécois (voir les résultats du dernier sondage http://www.asdeq.org/media/manchettes/Communique16mars11.pdf , tableaux 4 et 5).

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Jean-Pierre Aubry
_ Économiste
_ Fellow associé du CIRANO
_ Membre du Comité des politiques publiques de l’Association des économistes québécois

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Économiste avec plus de 35 ans d’expérience dont 30 ans à la Banque du Canada. Membre du Comité des politiques publiques de l’Association des économistes québécois Fellow associé du CIRANO





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