Faut-il réduire le pouvoir des vérificateurs généraux ?

Commentaire sur la chronique d'Alain Dubuc publiée le 11 juin dernier dans La Presse

Tribune libre 2010


Commentaire sur la [chronique d'Alain Dubuc publiée le 11 juin
dernier dans La Presse
->http://www.cyberpresse.ca/chroniqueurs/alain-dubuc/201006/10/01-4288809-les-nouveaux-gourous.php]
C'est vrai, comme l'a écrit Alain Dubuc, les vérificateurs généraux
font la manchette. C'est également vrai qu' « ils jouent un rôle essentiel
pour déceler des erreurs et des irrégularités, …, pour recommander
des procédures et des pratiques comptables, pour améliorer la reddition de
comptes ». Mais vont-ils trop loin ? Je ne le pense pas.
Les vérificateurs généraux ne sont pas les « détenteurs d'une vérité unique
et absolue » et ils ne sont pas des gourous. Leurs observations peuvent
être contestées. En fait, souvent dans leurs propres rapports, ils donnent
l'opportunité à ceux qui sont les sujets de leurs vérifications de
commenter leurs observations. En tous temps, les gouvernements peuvent
publier un rapport pour présenter un autre point de vue que celui exprimé
par les vérificateurs généraux. Les gouvernements peuvent même couper
l'herbe sous les pieds des vérificateurs généraux en faisant eux-mêmes, une
reddition de comptes de qualité des projets et programmes qu'ils gèrent.
Contrairement à ce que dit Alain Dubuc, le mécanisme de contrepoids existe.
Les vérificateurs généraux commentent très rarement les choix
gouvernementaux quant à la mise en place de politiques publiques. Par
contre, ils vont commenter certaines étapes dans le processus de mise en
place, comme le décompte des coûts, la sécurité de l'information, la
reddition de comptes…
Prenons l'exemple du Registre des armes à feu du Canada. La vérificatrice
générale du Canada n'a jamais dit que c'était une bonne ou une mauvaise
décision de mettre en place un tel registre. Par contre, elle a dénoncé
fortement l'absence d'un décompte des coûts du projet et l'information
incorrecte donnée sur ceux-ci, tant au Parlement canadien qu'au public
canadien.
Dans la même veine, plusieurs des observations faites par le Vérificateur
général du Québec sur les états financiers du Québec ces dix dernières
années n'avaient pas pour objectif de dire au gouvernement quoi faire et
quoi ne pas faire en termes de politiques budgétaires, mais de l'inciter à
adopter les normes comptables généralement acceptées permettant une
meilleure évaluation de la situation financière du gouvernement et de
meilleures comparaisons avec les celles des autres gouvernements
provinciaux et du gouvernement fédéral.
De fait, les rapports des vérificateurs généraux qui ont le plus attiré
l'attention du public ont démontré que les administrations publiques ont
fait des manquements graves au suivi des règles de base de la bonne gestion
et de la bonne reddition de comptes. Ces manquements reflètent, dans une
certaine mesure, l'échec des autres systèmes internes de contrôle
(gestionnaire, contrôle financier et vérification interne). Ces systèmes de
contrôle sont sujets à un plus faible niveau d'indépendance que les
vérificateurs généraux. Ce constat confirme le manque de support des
dirigeants politiques pour ces systèmes de contrôle, la force des pressions
politiques sur ceux-ci et donc l'importance de l'indépendance des
vérificateurs généraux.
Finalement, ces manquements n'ont, en soi, rien à voir au fait que les
gestionnaires doivent opérer dans l'incertitude du futur et prendre des
risques. Par contre, ils sont reliés au fait que les dirigeants
politiques, qui ont volontairement ignoré certains risques associés à un
projet pour le faire approuver et pour avoir le support du public, n'ont
pas voulu informer par la suite le public des implications négatives de ces
risques lorsqu'ils se matérialisent.
Dans un environnement, où l'idéologie semble prendre le pas sur les
analyses coûts-bénéfices de qualité et où les dirigeants politiques mettent
énormément de poids sur des considérations de court terme, les
vérificateurs généraux ont de plus en plus un rôle important à jouer.
Auteur : Jean-Pierre Aubry

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Économiste avec plus de 35 ans d’expérience dont 30 ans à la Banque du Canada. Membre du Comité des politiques publiques de l’Association des économistes québécois Fellow associé du CIRANO





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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    18 juin 2010

    Merci M. Aubry pour ce court exposé sur les vérificateurs généraux. Aurait-on oublié qu'ils (ou elles) sont les derniers remparts qui nous restent pour savoir ce que font nos gouvernements qui ont tous une propension vicieuse à la dissimulation et à la malhonnêteté, particulièrement Charest et sa clique.
    Je suis très surpris que Charest, Harper et autres malfaiteurs de même acabit, n'aient pas aboli ce poste pourtant essentiel comme vous le démontrez. Le fait que nous vivions dans une soi-disant démocratie ne nous protège en aucune façon. La réelle démocratie n'existe, à ma connaissance, nulle part. Les USA utilisent ce mot pour envahir le monde avec leurs multinationales défendues par leur armée précédée de leur organisation criminelle, la CIA. Le Chili en est un exemple probant.
    Dans une prochaine république Québécoise, il serait impératif je crois, d'avoir un loi qui puisse permettre à une entité politique, de désister un gouvernement plus voleur que les citoyens qu'il emprisonne, une sorte d' »empeachement » à l'américaine. À la base nous retrouverons toujours ces si essentiels dénonciateurs, les vérificateurs (trices) généraux.
    Que leur indépendance soit protégée.
    Ivan Parent