Gouvernance souverainiste et affirmation nationale

Si les indépendantistes ne sont pas capables de préparer un terrain où le Fédéral ne pourra pas installer des balises rouges à volonté, ils sont nuls, qu’ils soient du PQ ou d’un autre parti.

Chronique d'André Savard

Selon la grille d’analyse communément admise, les indépendantistes sont divisés en deux, les pressés et les pas-pressés. Les pressés devraient enseigner aux pas-pressés ce qu’il faut être et ce que l’on doit être. Cette grille d’analyse passe comme du beurre dans la poêle. On pense chez les indépendantistes que cette grille possède en soi une distance critique qui permet de débusquer les erreurs commises, ces erreurs expliquant le retard de l’accession du Québec à la souveraineté.
Le mouvement indépendantiste se butte à un adversaire qui peut allumer des balises rouges à volonté. Plus le mouvement indépendantiste est fort, plus les balises rouges s’allument. Plus il est faible, plus on reste dans une trêve apparente, la provincialisation du Québec. Alors l’instinct de survie dicte aux Québécois d’éviter un champ d’action plus miné que le statu quo.
Les Québécois, en majorité, ne souhaitent pas un référendum. Ils ont au moins l’instinct de reconnaître les possibilités globales du présent contexte et ce qui menace de fragiliser davantage le Québec. Comme les indépendantistes font les matamores contre les « pas-pressés », ils ne restent plus aux Québécois que l’esquive dans des chemins de traverse.
Dans le cas d’une élection référendaire, il est très facile pour le Fédéral d’installer des balises rouges. Les obstacles peuvent se multiplier à loisir et la question du transfert des compétences entre un Etat et un autre n’en est qu’un exemple. Si les indépendantistes ne sont pas capables de préparer un terrain où le Fédéral ne pourra pas installer des balises rouges à volonté, ils sont nuls, qu’ils soient du PQ ou d’un autre parti.
Il est absurde de penser que des gens militent pour empêcher la cause ou qu’ils en retarderaient l’accomplissement parce que la fin du combat marquerait le terme de leur carrière. Pourquoi l’accession à l’indépendance marquerait-elle la fin de leur carrière. La vie publique n’a pas à arrêter comme ça.
Ce qui se passe, c’est que les Québécois n’ont pas de choix réel possible. Le mouvement politique est bloqué et la politique québécoise tourne en roue libre, incapable de donner à son regard de myope l’exercice de la distance. Que le mouvement indépendantiste se rabatte toujours sur l’hypothèse des « pas-pressés », présence dépressive, cause du retard, leur permet de se rassurer dans leurs ornières de combattants lyriques.
L’impossibilité de l’indépendance n’est qu’apparente si on adopte la grille. La puissance des pressés n’a juste pas été canalisée. Les énoncés contre l’indolence des « Pas-pressés », leur carriérisme, leur bourgeoisie, repose sur une énorme déjà-dit et paraissent d’emblée efficaces comme une bonne chanson. Il y une voie express. On va fait faire ça à main levée, l’indépendance. La force de la volonté appelle la force de la volonté et le peuple éclairé se ralliera.
Il n’y a pas de problème, juste des pas-pressés qui aiment ça rester bloqués dans un embouteillage. C’est une très mauvaise manière, un raccourci trompeur, qui sert à éviter le problème. Aujourd’hui, le Québec à titre de gouvernement national doit avoir un rapport d’équivalence en ce qui touche par exemple la citoyenneté.
Il faut que le gouvernement national québécois fonctionne selon ses propres règles et qu’il ait un système d’indications toutes prêtes et à part par rapport à la Constitution canadienne. Pour le moment, il y a une loi qui fait du citoyen canadien l’unique sujet de la synthèse nationale et qui a préséance sur tout. Facile, il n’y a pas d’autre code de citoyenneté que le sien. Le premier référendum, les unitaristes disaient que l’indépendance n’était pas négociable. Au prochain référendum, ils diront que le Fédéral représente la discontinuité des communautés culturelles et des individus au Québec comme ailleurs au pays.
Dans un des meilleurs articles écrit sur la gouvernance souverainiste et que J-C Pomerleau a intitulé « le difficile changement de paradigme », celui-ci écrit: “Donc pour contrer la Constitution Canadienne, il nous faut, au nom du principe de l’équivalence (doctrine d’Etat) adopter en grande priorité une Constitution de l’État du Québec, Constitution d’Etat et non de province »... et l’auteur précise qu’Il faut y inclure un code de citoyenneté.
Les indépendantistes accuseront toujours leur parti, peu importe le nom du véhicule, d'être une trêve dans un univers dangereusement en paix. Ce n’est pas le véhicule qui fait problème. Le Parti Québécois a eu raison de promouvoir la gouvernance souverainiste.
L’heure est grave et demande un rajustement de la lorgnette. Le fait que plusieurs confondent affirmation nationale et gouvernance souverainiste montre qu’ils sont incapables d’analyser le cours du combat et qu’ils le réduisent à une réactivation des tensions internes à leur mouvement.
C'est normal dans la mesure où il n'y pas de choix réel possible et que la présence du mouvement souverainiste ne fait qu'endormir les soupçons sur les limites réelles imposés par le régime canadien. Les purs et durs qui disent que le seul ressort dont on doit se soucier est la souveraineté populaire ne font qu’endormir les soupçons. Si on continue de se raconter qu’on a qu’à se laver les mains devant les mécanismes d’intimidation et à faire preuve d’un indépendantisme supérieur par rapport aux « pas-pressés », on s'enlise dans la puissance symbolique.
Les Québécois peuvent bien se glorifier de ne pas célébrer la journée du Canada et de déménager cette journée-là. Tous les autres jours, ils laissent l’appareil canadien faire ce qu’il veut. Les purs et durs joignent leur club. Ces derniers ont quand même l’avantage de se prendre pour des héros qui remportent une victoire ultime sur les « pas-pressés ». Au fond, c’est peut-être tout ce qui compte à leurs yeux.
André Savard


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5 commentaires

  • Bruno Deshaies Répondre

    5 juillet 2011

    Quel genre de pays sera le Québec indépendant
    2011-07-04 Bruno Deshaies
    Je comprends votre rhétorique mais elle tourne en rond. Elle reflète merveilleusement la pensée des souverainistes lucides qui aimeraient avoir une constitution québécoise avant d’avoir fait un seul pas dans la direction de l’indépendance nationale du Québec-Français. Les pressés ou les pas-pressée, c’est de la foutaise. Le même discours qu’Alain Dubuc ou d’André Pratte. Quant au PQ…
    Jusqu’ici, les programmes péquistes sont trop longs, embrouillés et l’objectif national est obscurci par des finalités multiples de gouvernement dit souverainiste. En plus, les souverainistes se complaisent à s’embrouiller entre eux avec des programmes de gouvernement qu’ils élaborent sans tenir compte réellement de la réaction du ROC. Raisonner la souveraineté dans le cadre conceptuel du fédéralisme, c’est donner inconsciemment dans le fédéralisme. C’est ce que vous faites depuis des années. Pour s’en sortir, il faut choisir l’optique indépendantiste.
    La doctrine de l’indépendance nationale du Québec n’est pas dans un programme de gouvernement provincial mais dans la compréhension de l’indépendance elle-même, ce qu’elle est essentiellement, soit un État national souverain à l’interne et à l’externe. Voilà la vraie souveraineté et la vraie nation souveraine. Ce sont les vrais fondements d’un pays national français québécois. L’unité québécoise est à ce prix, son indépendance nationale en est la conséquence et la culture doit refléter majoritairement le Québec-Français. Et qu’on comprenne que « le pays concret et emballant » n’est pas qu’« une affaire de cœur ou de raison » mais une affaire surtout de pragmatisme politique qui place l’indépendance nationale du Québec-Français au cœur même de l’action nationale de la population québécoise.
    Les québécois doivent s’entraîner à penser et à raisonner selon le cadre conceptuel de l’indépendance. Nos assises doivent être claires, précises et explicites, car les vrais programmes de pays naîtront de notre indépendance nationale effective et non à la suite de réformettes ou de projets de société ou de pays à répétition. Les indépendantistes ont compris depuis le temps. La voie des réformettes est sans issues. Il faut radicalement faire autrement. Les choses que nous faisions avant et que nous continuons, par entêtement, à faire sans une évaluation critique sérieuse demeure sans effets pratiques. Commençons par FAIRE l’indépendance nationale du Québec et le « genre de pays » suivra à l’image que NOUS lui donnerons.
    C’est la raison pour laquelle nous invitons vos lecteurs à consulter l’hyperlien du manifeste « Un seul objectif : Cap de l’indépendance nationale pour le Québec. » ICI :
    http://blogscienceshumaines.blogspot.com/2010/10/mettre-le-cap-sur-lindependance.html

  • Archives de Vigile Répondre

    4 juillet 2011

    "Il faut que le gouvernement national québécois fonctionne selon ses propres règles et qu’il ait un système d’indications toutes prêtes et à part par rapport à la Constitution canadienne."
    Oui et qu'est-ce qui arriverait dans l'éventualité où une loi ou un règlement provincial issue de la gouvernance souverainiste venait à être contesté par la coure suprême du Canada ? Est-ce que notre armée d'opérette pourra faire maintenir la suprématie de la Constitution québécoise sur celle du Canada ?
    Non, M. Savard, les pas-pressés trouvent utile leurs comportement et leur programme pour camoufler leur incompétence et, pire encore, leur lâcheté sur le geste ultime et radical qu’il faut faire collectivement : proclamer la souveraineté du Québec !
    Vous avez raison, cela tourne en rond parce que ça ne tiens pas debout.

  • Henri Marineau Répondre

    4 juillet 2011

    Si je traduis votre pensée, près de quarante-cinq ans d'un cheminement tortueux ayant abouti à la situation que l'on connaît vous permettent de conclure que les tenants d'une stratégie conduisant à l'indépendance du Québec, dans les meilleurs délais, doivent être catalogués dans la catégorie des "pressés"! En ce sens, je dois admettre que nous divergeons, vous et moi, sur la notion de "pressés" et que je me considère plutôt dans la catégorie des "patients"!
    En ce qui a trait à Mme Marois, je crois que vous allez être d'accord avec moi pour la classer dans le clan des "pas-pressés"! Toutefois, compte tenu de son allergie à prononcer le mot "indépendance", se pourrait-il qu'on puisse la classer dans la catégorie des "pas-intéressés"?

  • Archives de Vigile Répondre

    4 juillet 2011

    À quelques centaines de mètres de l'Assemblée nationale du Québec, le Fédéral promet l'amende ou la prison à quiconque aurait l'outrecuidance d'aller nager dans le fleuve, qui baigne pourtant les murs du Vieux-Québec.
    Pourtant, en 50 ans d'existence du Parti Québécois, personne ne s'est soucié de cette situation hormis Mme Agnès Maltais, députée du comté de Taschereau et fervente avocate du "retour au fleuve" pour l'ensemble des Québécois.
    Alors, en ce qui a trait à "l'affirmation nationale", il y a des gens qui ont encore des croûtes à manger.

  • Archives de Vigile Répondre

    3 juillet 2011

    Bravo M. Savard!
    C'est ce que je dis à tous les gens depuis quelques années. Le mouvement souverainistes est divisés. Et cela est de plus en plus vrai depuis l'arrivée de QS. Pourtant, il y a bel et bien une coliation et c'est le PQ. Pierre Bourgault qui était tout un orateur a bien compris cela en mettant fin au RIN.
    Ces purs et durs se disent souverainistes mais ils sont toujours entrain de casser leurs oeufs sur le PQ. Je ne dis pas qu'il ne faut pas critiquer ce parti mais j'ai l'impression qu'ils se font une joie de frapper continuellement sur le PQ au lieu de s'attaquer aux fédéralistes. S'ils passaient leurs temps(100%) à attaquer les vrais ennemeis soit les Fédéralistes, ce serait plus sain de leur part.