Entente avec les Cris

Gouverner ensemble

Actualité québécoise


À quelques jours d’un possible marathon électoral, des dossiers d’une importance infinie malgré leurs enjeux complexes se dénouent sous les applaudissements. Ainsi en est-il de cette imposante entente avec les Cris qui consacre un mode inédit de gouvernance faisant des autochtones des partenaires à part entière. Première d’une série d’ententes ?
Le chef du chantier du Plan Nord, le premier ministre Jean Charest, laissera son nom sur cette entente « historique » signée cette semaine avec le grand chef du Grand Conseil des Cris, Matthew Coon Come. Il peut soupirer d’aise : il vient d’adoucir une avenue raboteuse, car sans la garantie d’une certaine mainmise sur un développement aussi ambitieux que celui promis au nord du 49e parallèle, les Cris n’auraient pas offert une collaboration gratuite, annonçant plutôt un certain tapage. De quoi déranger quiconque espère une réélection installée sur les promesses du Plan Nord…
Même si ce geste semble emballé dans du papier électoral, l’essence même de l’entente est remarquable ; elle offre une structure de gouvernance faisant des autochtones et des allochtones des décideurs égaux les uns devant les autres - un moment inédit après les demandes répétées des Premières Nations pour une autonomie réelle.
C’est le troisième jalon d’un lest de pouvoir entrepris en 1975 sous Robert Bourassa, avec la Convention de la Baie-James et du Nord québécois. Pour pouvoir réaliser son « projet du siècle », l’aménagement des cours d’eau de la baie James, Québec régla avec cette convention une portion des revendications territoriales, en créant une catégorisation des terres formant cet axe gigantesque de 400 000 km2. Des compensations financières de 225 millions de dollars furent versées, et un premier pas franchi dans les relations entre autochtones et allochtones de la région.
Un deuxième morceau porte la signature de Bernard Landry qui, en 2002, a lui aussi utilisé cette étiquette d’« historique » pour la bien nommée « Paix des braves », à travers laquelle le droit de regard des nations cries sur les terres visées s’est élargi. On se rappellera l’ampleur des compensations versées - plus de 4 milliards de dollars sur cinquante années - et toujours, en toile de fond, un projet de développement forçant l’entente : l’accord permettait à Hydro-Québec de construire le projet hydroélectrique Eastmain-Rupert, près de la baie James, au grand dam des écologistes.
La boucle est bouclée avec Jean Charest qui, en paraphant l’Entente sur la gouvernance dans le territoire d’Eeyou Istchee -Baie-James, donne un sens véritable aux ambitions de gouvernance des Cris dans cette portion du territoire. En lieu et place de la municipalité de Baie-James, une nouvelle structure de pouvoir régional bipartite sera créée. Les Cris et les dirigeants allochtones de l’endroit (étonnamment peu nombreux cette semaine au moment de la signature) devront discuter des enjeux de développement et décider, ensemble. Le défi est immense, car d’imposantes considérations économiques et sociales y sont associées.
C’est le sacre de la politique de l’inclusion, après des décennies d’exclusion et d’indifférence. Et si les Cris y ont accès avant toutes les autres nations qui observeront ce modèle avec attention, c’est en raison d’une structure organisée et efficace. Voilà l’ombre derrière cette grande nouvelle : il y a de nombreuses nations exclues qui n’ont pas mis le pied encore dans la ronde des négociations. Leur tour doit venir.


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