Grève étudiante: le vote qui a donné le ton

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Que vise La Presse avec ce rappel ?

(Montréal) À pareille date l'an dernier, le Québec était en effervescence, à l'aube d'une grève étudiante qui allait être la plus longue de son histoire. Le Collège de Valleyfield a été le premier cégep à se prononcer en faveur de la grève. Un an plus tard, La Presse est retournée sur place pour revivre, à travers les yeux du directeur général et des élèves, les premières heures de la grève et les semaines qui ont suivi.
Douze petits votes ont probablement changé l'histoire. Si les tenants de la grève ne l'avaient pas emporté par 12 voix au Collège de Valleyfield, il y a fort à parier que le mouvement de grève générale illimitée au Québec aurait été différent.
Le Collège de Valleyfield ne devait pas être le premier cégep à se prononcer sur la grève. La mobilisation n'était pas à point, selon la CLASSE.
Le cégep devait voter dans la deuxième vague, une fois que le Vieux Montréal, Marie-Victorin, Saint-Laurent et les autres auraient lancé le bal.
Quand des cégépiens opposés à la grève ont exigé que le vote de grève se tienne le 7 février - au lieu du 21 -, ce fut la catastrophe pour les militants en faveur de la grève.
Il n'y avait plus que quatre jours de classe pour mobiliser les élèves. « C'était la panique totale », se souvient Justin Arcand, coordonnateur de l'Association générale étudiante du Collège de Valleyfield.
La CLASSE a dépêché ses ressources. Il fallait poser des affiches, distribuer des tracts et préparer l'assemblée pour avoir réponse à toutes les questions des élèves.
L'association étudiante a acheté un vieux canapé à 45 $. Des militants l'ont installé devant le local étudiant. C'est là qu'ils ont accueilli les cégépiens qui faisaient la file pour discuter avec eux de leurs inquiétudes. Le canapé est toujours là, symbole de la grève.
La veille de l'assemblée générale, l'anxiété était à son maximum. La réunion a fini à 4 h du matin.
Il y avait un enjeu politique, se rappelle Maxime Larue, alors secrétaire des affaires internes de la CLASSE. « On se demandait quelle légitimité on allait avoir si l'une de nos porte-parole n'était pas en grève », dit-il en faisant référence à Jeanne Reynolds.
Le vote
Le 7 février à midi, plus d'un millier de cégépiens se présentent à l'assemblée générale. La salle peut en contenir un peu plus de 800. Les élèves sont assis par terre dans les allées, sur la scène derrière le président, partout où ils le peuvent.
L'ambiance est lourde. « C'était horrible », se souvient Mélanie Ederer. Les militants de la CLASSE sont extrêmement organisés. Ils ont préparé un argumentaire que deux équipes présentent au micro, chacune à une extrémité de la salle. Entre les interventions, les élèves s'envoient des messages textes.
Le comité de direction de la CLASSE est sur les dents. Si le vote ne passe pas, c'est toute la stratégie de grève qui risque de battre de l'aile. « On se disait juste qu'il ne fallait pas que ce soit trop catastrophique comme défaite pour qu'ils puissent reprendre un vote deux ou trois semaines plus tard », se remémore Maxime Larue.
La salle refuse le vote secret. C'est à main levée que les cégépiens se prononcent. L'assemblée est clairement divisée. « Le décompte a été interminable », se rappelle Justin Arcand.
Le président annonce finalement que le oui l'emporte par 12 voix. Des cris éclatent dans la salle. L'ambiance est chaotique. Certains hurlent leur joie, d'autres quittent la salle en masse. La grève sera déclenchée le 20 février.
Retour en classe forcé, raté
Le 10 avril, le Collège de Valleyfield est en grève depuis sept semaines. Justin Arcand reçoit un appel. La direction lui annonce que les cours reprennent le 12 avril, grève ou pas. « J'étais hors de moi qu'ils veuillent forcer un retour en classe », lance-t-il.
Une dizaine d'autobus remplis de militants sont dépêchés à Valleyfield. Dès 4 h du matin, des élèves bloquent les entrées de l'établissement. Au petit matin, ils forment une chaîne humaine. La tension est vive. Sous haute surveillance policière, des carrés verts et des carrés rouges s'invectivent.
C'est le premier collège qui tente d'ouvrir malgré la grève. En vain. Les carrés rouges remportent cette bataille.
Des mois de tension
Les semaines filent. Des divisions se font sentir entre les mouvements étudiants. C'est particulièrement difficile entre la CLASSE et la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ), se rappelle Maxime Larue.
La CLASSE accuse la FECQ d'être surtout occupée à mettre de l'avant son leader, Léo Bureau-Blouin. La FECQ accuse la CLASSE de faire du maraudage en pleine crise. « Ils ne faisaient pas assez de mobilisation sur le terrain », affirme aujourd'hui Maxime Larue.
Des tensions éclatent aussi au sein de la CLASSE. En assemblée, des débats sur la place des porte-parole, Jeanne Reynolds et Gabriel Nadeau-Dubois, supplantent souvent les véritables enjeux de la grève. « Ils avaient énormément de pression. Ils devaient constamment se justifier », indique Justin Arcand.
La fatigue se fait sentir. Les arrestations se multiplient. L'émeute de Victoriaville est marquante. Encore aujourd'hui, les élèves sont secoués quand ils en parlent. Ils ont eu peur. « Quand j'ai vu Maxence Valade [un élève du cégep de Saint-Laurent qui a perdu un oeil dans l'émeute de Victoriaville], j'ai presque pleuré. Je ne pleure jamais », dit Justin Arcand.
Aujourd'hui
Un an plus tard, ils conservent un souvenir exalté de cette période. Ils y croient toujours. « Ce sont les moments où j'ai joué le rôle le plus pertinent de ma vie », affirme Maxime Larue, persuadé que la grève de 2012 restera un exemple de mobilisation.
Pour Justin Arcand, la grève a été plus dure que toutes les compétitions de haut niveau auxquelles il a participé plus jeune, en kayak de vitesse. « Jamais je n'ai été nerveux comme je l'ai été avant l'assemblée générale du 7 février. Jamais je n'ai dépensé autant d'énergie que j'en ai dépensé pour organiser certaines choses. »
Guillaume Proulx, le plus jeune du groupe, n'oubliera jamais le jour de ses 18 ans, date du dépôt de la loi d'exception. « Cette grève a changé ma vie », dit-il.
Un an jour pour jour après l'assemblée fatidique du 7 février 2012, les élèves sont toujours à l'oeuvre. Lors de notre visite, ils installaient des affiches dans le collège, pour inviter les cégépiens à une grève à l'occasion du Sommet sur l'enseignement supérieur des 25 et 26 février.
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CHRONOLOGIE DU CONFLIT
Nuit du 12 au 13 février, minuit une
L'Université Laval lance le bal. Un millier d'étudiants en service social et des cycles supérieurs, ainsi que ceux de l'Association des chercheurs-étudiants en sociologie, déclenchent la grève.
13 février
Les étudiants en arts lancent le mouvement de grève à l'Université du Québec à Montréal. Ils seront aussi parmi les derniers à retourner en classe.
14 février
Les associations des étudiants en sciences humaines et en science politique et droit de l'UQAM emboîtent le pas. Plus de 10 000 étudiants sont en grève au Québec.
16 février
Le cégep du Vieux Montréal tombe en grève. Craignant que la direction bloque l'accès aux locaux, un groupe de militants organise un sit-in. Les policiers interviennent. Le cégep sera totalement fermé pendant plusieurs semaines.
20 février
Les votes continuent d'être tenus. Quelque 35 000 élèves sont en grève.
22 mars
Plus de 100 000 personnes déferlent au centre-ville de Montréal.
5 avril
Le gouvernement, qui refuse de discuter de droits de scolarité, annonce qu'il va implanter un système de remboursement des prêts étudiants proportionnel au revenu.
4 mai
Émeute à Victoriaville au conseil général du Parti libéral du Québec pendant qu'une séance intensive de négociation se tient entre Québec et les étudiants. L'entente sera rejetée.
14 mai
La ministre de l'Éducation, Line Beauchamp, démissionne.
18 mai
Le gouvernement Charest fait adopter une loi d'exception qui limite le droit de manifester. Les trimestres d'hiver sont abrogés jusqu'en août.
28 au 31 mai
Nouvelle ronde de négociations qui achoppe.
Août
Les associations votent tour à tour un retour en classe.


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