Le gouvernement et la police étaient complices, selon Desjardins

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La police au Québec est-elle politique ? Ce n'est pas une question légère

Les événements du printemps 2012 n’auraient pas eu lieu si Québec avait accepté de dialoguer avec les étudiants dès leur première mobilisation en 2011. Pire, le gouvernement aurait agi de connivence avec la police pour que les manifestations tournent mal et retournent la population contre les étudiants.
C’est ce que l’ex-présidente de la Fédération étudiante universitaire (FEUQ), Martine Desjardins, a laissé entendre lundi au cours de son témoignage devant la commission d’examen des événements du printemps 2012. Présidée par l’ancien ministre de la Sécurité publique, Serge Ménard, la commission commençait ses audiences publiques qui se poursuivront cette semaine.
Une manifestation en particulier, qui a eu lieu à Québec, a convaincu Mme Desjardins de cette hypothèse. Le rassemblement bon enfant, sans aucun grabuge — où un manifestant s’était même « déguisé en banane » —, avait été dispersé par la police selon la méthode de la souricière et plusieurs personnes avaient été arrêtées. « C’est une arrestation qui était faite ce soir-là pour miner les négociations ou encore pour montrer au public à quel point les étudiants ont été vraiment dans la violence et l’intimidation, ce qui donnait le gros bout du bâton au gouvernement sur la table des négos », a dit Martine Desjardins, qui a eu l’impression que ce n’était « pas du tout apolitique » comme arrestation.
L’ex-présidente de la FEUQ, aujourd’hui chroniqueuse à Bazzo.tv, se demande même si la sécurité entourant le congrès du Parti libéral à Victoriaville le 4 mai, où une manifestation a dégénéré en émeute, n’était pas volontairement bâclée pour qu’il y ait dérapage. « Je me questionne énormément sur la hauteur des barrières, sur le fait que la ville était barricadée au grand complet, mais c’est comme si on n’avait pas prévu qu’il y aurait une manif autour du congrès libéral. C’est à se demander si [le gouvernement] a fait [ses] devoirs », a-t-elle ajouté.
Si elle n’a pas les preuves pour confirmer ses dires, Mme Desjardins demande justement à la commission Ménard de déterminer s’il y avait oui ou non un lien entre les actions policières et la stratégie gouvernementale. Elle a également rappelé que c’est le gouvernement qui refusait une médiation et que c’est lui qui a fomenté la crise. « Si le gouvernement avait accepté de nous rencontrer après la première manifestation du 10 novembre 2011, effectivement, la grève n’aurait pas eu lieu », a-t-elle soutenu.
Police et menaces
Mme Desjardins est également revenue sur les motivations étudiantes, les menaces de mort qu’elle a reçues et qui l’ont obligée à avoir des gardes du corps et sur le mauvais traitement que réservait le gouvernement aux leaders étudiants. « On était traités comme des enfants », a-t-elle indiqué.
Concernant les policiers, l’ex-présidente de la FEUQ a admis ne pas avoir été témoin de « nombreux » comportements répréhensibles de leur part, en partie parce que son poste de présidente ne lui permettait pas d’être partout. Elle a toutefois mentionné que des policiers avaient affublé de surnoms « peu élogieux » les leaders étudiants.
L’après-midi a fait place à d’autres témoignages. Sylvie Joly, qui travaille à la CSN, a expliqué comment elle et ses collègues ont été « gazés » alors qu’ils quittaient pacifiquement les lieux d’une manifestation devant le Palais des congrès de Montréal en avril 2012. Mme Joly a eu une vertèbre cassée. « Pour moi, c’était la fin de l’innocence, a dit la dame qui ne comprend pas pourquoi les policiers ont agi de la sorte. Je vais toujours avoir des séquelles. »
Impliqué dans l’association étudiante à l’Université Concordia, Chad Walcott a livré un témoignage et Paul Bélanger et sa femme, Heide Marie Bollinger, ont raconté comment ils ont vécu une manifestation qui a mal tourné.
Ils ont ainsi tour à tour répondu aux questions de M. Ménard, mais également des commissaires Bernard Grenier, ancien juge, et surtout de Claudette Carbonneau, ex-leader syndicale. En plus de s’intéresser à certains détails, les commissaires ont souvent insisté pour savoir si le numéro de matricule du ou des policiers mis en cause dans l’incident avait pu être relevé… Impossible, ont répondu les témoins.
La commission, un exercice utile ?
Même si elle a des réserves sur les travaux en cours — trouvant le mandat trop large —, Martine Desjardins croit qu’il faut « saisir » la chance de « modifier certains éléments ». L’opposition à cette commission fait toujours rage. L’Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSE) réclame une commission d’enquête publique et indépendante, et la Fraternité des policiers de Montréal a une fois de plus fustigé cette commission « bidon ». « En déclarant en ouverture des travaux de la commission [...] que les événements de 2012 ont amené une profonde crise de confiance du public envers la police, Serge Ménard fait la démonstration que les conclusions de son rapport sont déjà écrites », a fait savoir le président de la Fraternité, Yves Francœur.
Sans pouvoir de contrainte, la commission Ménard a permis un retour sur les événements appelés « points tournants » du printemps 2012, qui découle de la contestation de la hausse des droits de scolarité.
Rien qu’à Montréal, entre février et septembre 2012 (sept mois), il y aurait eu 532 manifestations, impliquant environ 750 000 manifestants et plus de 34 000 policiers, selon la synthèse préparatoire de la commission. Les événements du printemps 2012 ont donné lieu à 211 plaintes en déontologie contre les policiers du Service de police de la Ville de Montréal.


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