Gros malaise dans l'industrie de l'anticorruption

Des élus municipaux pourraient utiliser une nouvelle « ISO » pour blanchir leur image

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Une norme qui jette de la poudre aux yeux





Jacques Duchesneau et son ex-complice Annie Trudel ont claqué la porte d’une des seules firmes québécoises proposant d’appliquer la nouvelle norme internationale « ISO anticorruption », dénonçant son caractère mercantile. Ils se disent aussi mal à l’aise avec l’usage « marketing » que certaines villes espèrent pouvoir en tirer avant les élections municipales de novembre.


« J’ai un problème avec le fait de monnayer une norme », nous a confié Annie Trudel à propos des services offerts par Lévesque Stratégie et affaires publiques, qu’elle a quittée en juin, firme dont le président est l’ancien député adéquiste Christian Lévesque.


Mme Trudel a travaillé auprès de Jacques Duchesneau dans l’unité anticollusion au ministère des Transports (MTQ).











Annie Trudel, analyste




Photo d'archives


Annie Trudel, analyste





Par la suite, elle s’est forgé une image d’intégrité comme analyste auprès de l’ex-ministre des Transports Robert Poëti jusqu’au début de 2016.


Son témoignage en commission parlementaire en juin de la même année avait permis de révéler des irrégularités au MTQ.


Excès de marketing ?


La firme Lévesque a récemment annoncé avec une affiche imposante sur la façade de son bureau sur Grande Allée, à Québec, la norme anticorruption ISO 37001, qu’elle propose aux municipalités (voir photo).


Mme Trudel estime que la lutte contre la corruption doit être vue comme une mission, pas comme une entreprise lucrative.


Elle craint qu’à l’approche des élections municipales, des élus veuillent se donner une image d’intégrité en annonçant qu’ils se lancent dans ce processus, mais sans y donner suite.


« J’ai l’impression que, présentement, au Québec, la norme ISO est utilisée comme un outil de marketing et je ne suis pas à l’aise avec ça », explique-t-elle.


Duchesneau à Saint-Jérôme











Jacques Duchesneau, BIPA




Photo d'archives


Jacques Duchesneau, BIPA





Quant à Jacques Duchesneau, il a quitté la firme Lévesque en mars. Il avait été mandaté par Lévesque pour proposer la norme ISO anticorruption à la Ville de Saint-Jérôme. Mais cette dernière lui a proposé le poste de directeur du Bureau de l’intégrité professionnelle et administrative (BIPA), ce qu’il a accepté. Cela a mis fin de manière abrupte aux liens entre les deux hommes.


Selon des sources bien informées, M. Duchesneau ne partageait pas non plus les valeurs véhiculées par Christian Lévesque, notamment son usage « mercantile » de la norme ISO. M. Duchesneau n’a pas rappelé Le Journal.


Lévesque réplique


Aux critiques de ses anciens collègues, Christian Lévesque répond en parlant d’un choc de visions. Selon lui, M. Duchesneau et Mme Trudel sont issus d’une « culture policière » s’accordant mal avec l’application d’une norme.








« La norme, ce n’est pas une enquête. Le but de la norme, ce n’est pas de faire la job de l’UPAC. La norme consiste à changer les habitudes et à permettre aux entreprises de prévenir la corruption à long terme. »


Il est du reste normal, selon lui, qu’une entreprise qui a développé une expertise puisse tirer des revenus de ses investissements. « Dans le monde policier, c’est le gouvernement qui paie pour tout. Dans notre cas, ce sont des gens avec qui on va collaborer qui vont investir pour leur croissance organisationnelle. Mais il faut au moins couvrir les frais de l’élaboration d’une telle norme. »


QU’EST-CE QUE LA NORME ISO-ANTICORRUPTION ?


L’ISO 37001 a été élaborée sous l’égide de l’Organisation internationale de normalisation et adoptée en octobre 2016 par 163 pays. Elle propose une série de mesures et de moyens de contrôle pour prévenir, détecter et traiter les problèmes de corruption dans les organisations. Ces mesures incluent notamment l’adoption d’une politique de lutte contre la corruption, l’évaluation des risques de corruption et l’instauration de procédures de signalement et d’enquête. Au terme de l’implantation de la norme, une certification est décernée par des « auditeurs » indépendants, qui s’assurent que le système de management de l’organisme est conforme aux exigences et correctement mis en œuvre.


DES EX COMME LOBBYISTES











Simon Durivage




Photo d'archives


Simon Durivage





Simon Durivage et Rémy Trudel, respectivement ancien animateur et ancien analyste à l’émission Le club des ex de Radio-Canada, sont employés par la firme Lévesque. Christian Lévesque lui-même a aussi souvent participé à l’émission.


Dûment enregistré au registre des lobbyistes, M. Durivage a présenté la norme ISO 37001 aux villes de Granby et de Brossard, entre autres, lesquelles ont accordé un contrat de gré à gré de l’ordre d’un peu moins de 25 000 $ à Lévesque Stratégies pour enclencher le processus d’obtention de la norme ISO anticorruption.




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