Guerre de mots entre Harper et Charest

Le déséquilibre fiscal est réglé pour l'un, pas du tout pour l'autre

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Charest <i>le nationaliste</i> et le "fédéralisme de fermeture"...

Victoriaville -- Le différend Québec-Ottawa sur le financement de la culture, les baisses d'impôt et le déséquilibre fiscal a dégénéré en guerre de déclarations entre Stephen Harper et Jean Charest, hier.
Le chef conservateur a renchéri en matinée sur ce qu'il avait dit la veille. «Nous avons donné tant d'argent au gouvernement du Québec qu'il a été capable non seulement de financer les programmes, mais de donner cet argent aux contribuables sur les coupures des impôts.» En campagne à Trois-Rivières, M. Harper a répété qu'à son sens, le déséquilibre fiscal était bel et bien réglé, une interprétation que Jean Charest a vigoureusement rejetée hier.
La promesse par le gouvernement Charest en pleine campagne électorale en mars 2007 de consacrer les deniers supplémentaires à des baisses d'impôt avait choqué le gouvernement conservateur à Ottawa. Hier, M. Harper a soutenu qu'il était «évident que le gouvernement du Québec, à cette époque, avait assez d'argent pour les programmes. C'est une décision qu'il a prise». À ses dires, le fédéral n'a plus de «grands surplus cachés» comme jadis. «Nous avons maintenant au fédéral un surplus modéré.» Par conséquent, les ministres québécois qui se plaignent des compressions dans les secteurs de la culture et du développement régional n'ont qu'à puiser dans le Trésor québécois pour les compenser ou alors ils n'avaient qu'à ne pas baisser les impôts.
Irrité, Jean Charest a répliqué sèchement. «Je n'ai pas de comptes à rendre, moi, au gouvernement fédéral sur la gestion des fonds publics au Québec. Les comptes que j'ai à rendre, c'est à l'électorat québécois», a-t-il martelé à l'entrée du caucus présessionnel des élus libéraux à Victoriaville. Une déclaration qu'il a répétée en anglais.
M. Charest a tout de même senti le besoin de justifier ses baisses d'impôt, une décision à laquelle il tenait «beaucoup, beaucoup», a-t-il dit. Il a souligné qu'elle lui avait d'ailleurs valu des félicitations de la part d'économistes, avant de souligner que neuf provinces sur dix avaient réduit les impôts après le budget fédéral de 2007.
Mais aux yeux du premier ministre québécois, il est faux de dire que le déséquilibre fiscal a été «réglé» par le versement de 700 millions par le fédéral en 2007. «Moi je vous dis que, du côté du Québec et du gouvernement du Québec, cette question-là n'est pas réglée et que l'on va continuer, nous -- avec d'autres gouvernements soit dit en passant -- à réclamer le financement entre autres pour l'éducation postsecondaire»; un dossier pour lequel Québec réclame encore 800 millions de dollars annuellement.
Il a tenu à rappeler que dans les années 90, le gouvernement fédéral s'était débarrassé de ses déficits en réduisant radicalement les transferts aux provinces en santé et en éducation postsecondaire. «Depuis ce temps-là le gouvernement fédéral a rétabli le financement pour la santé mais ne l'a pas fait pour l'éducation secondaire. Alors ce c'est pas réglé», a-t-il répété.
Culture : Marois prête à aider
Par ailleurs, Jean Charest n'a pas nié qu'il pourrait être forcé, par les partis d'opposition, à rouvrir le dossier constitutionnel. Les péquistes ont annoncé il y a une semaine qu'ils comptent déposer, dès le début de la session parlementaire, une motion réclamant le rapatriement de la compétence en matière de culture et de communications. L'ADQ, qui réclame entre autres la constitutionnalisation de la nation québécoise, a fait savoir au Devoir mercredi qu'elle appuyait le principe et qu'elle voterait en faveur, moyennant un libellé satisfaisant. Selon le député péquiste Alexandre Cloutier, l'adoption d'une telle motion déclencherait une procédure de modification constitutionnelle et Ottawa, Québec et les autres provinces seraient soumis à l'«obligation de négocier» définie par la Cour suprême en 1998. «Je ne peux croire, a répondu M. Charest lorsque ce scénario a été évoqué hier, qu'avec tout ce qui se passe en économie, que Mario Dumont et Pauline Marois vont relancer le débat constitutionnel. Ça me semble tellement invraisemblable qu'ils fassent ce choix.»
M. Charest croit cependant que si Mme Marois est prête à l'appuyer dans sa quête d'une maîtrise d'oeuvre en matière de culture, «ce serait une bonne idée». À Québec, la chef péquiste a réitéré hier qu'elle déposerait une motion de modification constitutionnelle concernant la culture. Mais elle n'a pas exclu de conclure une entente avec MM. Charest et Dumont sur la maîtrise d'oeuvre, «pour faire avancer le Québec». Il n'y aura toutefois pas «d'ententes à rabais», a-t-elle spécifié.
Un nouveau front
Pendant ce temps, deux autres ministres québécoises multipliaient les flèches à l'endroit des conservateurs. La ministre de la Culture, Christine St-Pierre, lors un point de presse à Victoriaville, a qualifié d'insuffisant l'engagement des conservateurs pour assurer la représentativité québécoise au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes. De plus, elle a dit craindre de nouvelles compressions fédérales de 15 millions en culture, cette fois à Téléfilm Canada.
Pendant ce temps, à Québec, la ministre Monique Jérôme-Forget, ouvrait un nouveau front contre le parti conservateur, en réitérant son opposition au projet du parti de Stephen Harper de créer une commission fédérale des valeurs mobilières. Elle a prévenu que si ce dernier formait un gouvernement majoritaire et s'avisait de déposer un projet de loi créant une telle commission, le Québec irait jusqu'en Cour suprême pour défendre sa compétence en la matière.
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Avec Hélène Buzzetti et Robert Dutrisac


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