Imposer la NORMALITÉ LINGUISTIQUE, qui nous en blâmerait?

Tribune libre

Le témoignage de Caroline Moreno publié le 9 juillet dans Tribune libre de Vigile, LANGUE SALE, ne laisse pas indifférent. Appuyé par un échantillonnage significatif, le tableau d’horreurs linguistiques immigrantes qu’elle trace interpelle puissamment non seulement les francophones - qui trop souvent collaborent - mais interpelle surtout les instances politiques québécoises fiduciaires de la langue officielle. Qu’en ont-ils fait ? Comment s’étonner de l’échec ?
Depuis 1977, année de naissance de la Charte de la langue française, se sont multipliées les lâchetés de haut rang dont, entre autres, le charcutage majeur de la Charte par Claude Ryan en 1993 à la veille de la défaite libérale (quelque cent modifications) et dont celle, récente, du Premier provincial Jean Charest à Bruxelles parlant en anglais devant un auditoire francophone. Par ailleurs, la peur maladive du Parti québécois de déplaire soit aux non-francophones soit aux médias colonisés, peur doublée de calculs électoraux illusoires pendant ses 18 ans de pouvoir, a enrayé sa volonté de réagir adéquatement aux attaques anglicisantes des adversaires internes dont beaucoup d’affairistes ou politicailleurs, et externes dont le fédéral ou sa cour suprême. Perdant peu à peu la vision d’ensemble, la cohérence s’effritant, le gouvernement du Parti québécois avalait une à une les reculades brouillant à la fin le message linguistique à livrer aux immigrants, de même qu’aux autres citoyens. Ce fut donc le refus systématique d’opposer la disposition NONOBSTANT - pourtant prévue dans la constitution non signée de 1982 - aux attaques débilitantes successives. Ce qui fait qu’aujourd’hui, on se pose toujours la question : «Comment se fait-il qu[’] au Québec où le français est la langue officielle et celle de la majorité», beaucoup d’immigrants et de descendants d’immigrants oeuvrant dans la sphère publique préfèrent s’exprimer en anglais et méprisent le français sinon les francophones?
Madame Moreno revisite concrètement le problème connu d’anormalité immigrante. Ailleurs qu’au Québec, la normalité linguistique, c’est-à-dire adopter la langue de la majorité, s’impose généralement d’elle-même. Si pour des raisons hors volonté nationale, les immigrants reçus généreusement ne répondent pas à cette normalité, la nation représentée par son gouvernement n’est-elle pas en droit et en mesure de forcer cette normalité ? D’autant plus que la langue est de compétence québécoise. Qui, en dehors de tentatives outrageantes de culpabilisation, blâmera la nation de viser la normalité linguistique immigrante au nom du respect de la majorité ? Sans chantage, sans mauvaise foi et sans désir d’intimidation, qui blâmera le Québec de prendre les moyens à sa disposition pour que le français soit la langue courante de communication dans l’espace public, pour qu’il soit essentiel à la vie en société (hors privée)? Avec des nuances et des exceptions pour la minorité anglaise historique, c’est ce que voulait faire la loi 101 d’origine : créer des conditions normales et objectives en faveur du français, seule langue scolaire pour les immigrants, langue usuelle et non disqualifiante au travail, langue unique de l’affichage, seule langue officielle dans l’Administration, dans les organismes d’État, dans les raisons sociales et commerciales, et le reste. «Qui veut peut», mais…
Graduellement, la Charte de la langue française, ses organismes et ses agents sont émasculés, neutralisés et sacrifiés par les gouvernements. Montréal devient le théâtre principal des conséquences de ces mutilations et pleutreries répétées. Une minorité d’ici ou venue d’ailleurs impose à nouveau la langue anglaise à la majorité, scandaleusement dans des écoles francophones en dehors des cours, dans le paysage visuel et le quotidien du travail, des affaires et des loisirs où, là, souvent des autorités publiques complaisantes subventionnent sans égard à la langue (anglaise) des activités de masse.
Voilà, madame la Marquise, comment, loin d’être muets, ces filles et fils immigrants se solidarisent avec la minorité anglaise ; ce qui accroît la domination sinon l’arrogance de cette dernière. Le courage gouvernemental a manqué et manque dramatiquement. Personne ou presque ne proteste, surtout pas les médias mercenaires francophones à la solde du Canada.
Pour contrer l’agonie programmée, un prochain gouvernement du Parti québécois - par réalisme, faut exclure tout autre parti, fédéraliste ou non - osera-t-il rétablir une Charte de la langue française revue et fortement améliorée selon les principes Laurin d’origine? Sans tergiversations. C’est l’unique solution pour finir par faire du français la langue première d’attraction au Québec. Sa pérennité en Amérique est à ce prix. Je persiste à croire que «qui veut peut» en attendant le pays. Mais ce serait plus simple en l’ayant.


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9 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    20 août 2009

    Je suis de l'avis que nous n'avons pas à attendre la permission du Fédéral et de sa cour Suprême pour exercer les droits qui sont de juridiction québécoise. Nous (via notre Assemblée nationale) sommes les seuls à avoir ces compétences et particulièrement celle de promouvoir et affirmer notre langue identitaire; quitte à signer à l'avance tous les documents "non-obstant" qu'il faut... en attendant d'être maîtres chez nous. Nous n'avons même pas besoin d'aller en cour pour en débattre; cessons de nous percevoir comme des impuissants; nous n'avons qu'à agir, particulièrement en réhabilitant la loi 101.

  • Archives de Vigile Répondre

    19 juillet 2009

    Aussi longtemps que le Québec ne deviendra pas un pays souverain, nous nous devons de faire savoir aux immigrants qui s'associent aux anglophones minoritaires du Québec pour nous angliciser, qu'ils ne sont pas bienvenus chez nous: on n'a pas à se gêner devant tant d'ingratitude.

  • Raymond Poulin Répondre

    17 juillet 2009

    @ monsieur Archambault
    La clause dérogatoire ne peut être utilisée pour se soustraire à un jugement de la Cour suprême. Du moment que cette dernière a invalidé des clauses de la Loi 101 au moment où la clause dérogatoire ne s’appliquait plus, tout simplement parce que le gouvernement québécois ne l’avait pas reconduite, on ne peut légalement reprendre ces clauses, ou la loi en entier, ultérieurement, avec ou sans clause dérogatoire. Ne me demandez pas pourquoi la clause dérogatoire n’a pas été reconduite (elle doit l’être tous les cinq ans, si ma mémoire ne me trompe pas), ce qui a d’ailleurs été le fait autant du PQ que des Libéraux. Là-dessus, le PQ nous a foutus dans la merde autant que les Libéraux. Il paraît que ces messieurs éprouvaient des scrupules à le faire... Les colonisés ne sont pas tous du même bord, on dirait...

  • Archives de Vigile Répondre

    17 juillet 2009

    Suite
    Et si elle ne le peut pas, ce serait une bonne occasion d'appeler le peuple souverain à invalider tout État ne s'étant pas nommément soumis aux voix du peuple souverain du Québec pour que soit légitimement reconnue la légalité légitime de leur Constitution sur son territoire national du Québec. Ce qui, tant et aussi longtemps que le Canada n'aura pas obtenu le OUI qui le validerait il pourra être tenu pour illégitime et invalide sur le territoire du Québec, cela, à la face du monde.
    Ainsi, l'Assemblée nationale aurait un pouvoir réel pour forcer Ottawa à se soumettre aux voix du peuple. Son refus d'adhérer à la Constitution du Canada de 1982 se transformerait en répudiation et invalidation de la Constitution de 1982, plus besoin de recours à la clause dérogatoire puisque que le peuple souverain du Québec l'aura autorisée à déroger en tout, à tel État invalide et telle Constitution d'un État à la légalité invalide et illégitime, puisque déclaré illégitime et invalide nommément par l'Autorité Suprême en démocratie, à savoir, sur son territoire national, les voix du peuple souverain du Québec.
    Il pourra même exiger que les institutions fédérales sur le territoire du Québec cessent d'être bilingues... ET si le Canada résiste, il faudra qu'il soumettent nommément aux voix des Québécois(es) l'actuelle Constitution qui seule ainsi validé démocratiquement par le peuple, pourrait forcer l'État du Québec et son Assemblée nationale à retraiter.
    Jamais le Canada ne pourra obtenir tel OUI. Les Québécois veulent majoritairement un État unilingue français, seul moyen de protéger la diversité culturelle de l'Humanité en Amérique du Nord et qui fait du français la langue officielle de l'État du peuple souverain du Québec.

  • Archives de Vigile Répondre

    17 juillet 2009

    M. Raymond Poulin affirme avec raison :
    « Sans l’indépendance, le seul moyen de modifier la situation serait de refuser dans la pratique de se conformer à la constitution canadienne ou à des jugements de la Cour suprême, provoquant ainsi un affrontement avec Ottawa, mais il faudrait d’abord s’assurer que les Québécois appuient en masse, concrètement et jusqu’au bout, leur gouvernement... »
    Excellente observation.
    « ... la constitution de 1982, en dépit de la Loi 101, fait de l’ensemble du Canada, sans exception, un pays officiellement bilingue. [...] Il est vrai que L’Assemblée nationale, à l’unanimité, a rejeté cette constitution mais s’est cependant comportée par la suite comme si elle n’avait rien dit... »
    Pourquoi ?
    Parce que l'Assemblée nationale est aussi invalide que ne l'est l'État du Canada dont elle est subsidiaire. Telle invalide et illégitime Constitution ne peut être invalidée par l'une de ses composantes. Elle ne peut être invalidée sur le territoire national du Québec que nommément par les voix du peuple démocratique et souverain du Québec. Or, l'Assemblée nationale présidée par les souverainistes ne l'a pas appelé à se prononcer à cet égard. Pourquoi ?
    - Parce que le souverainisme étatique historique au pouvoir depuis, a toujours assujetti l'exercice plein et entier de la souveraineté du peuple à sa décision de fonder l'État souverain, comme si, l'une ne pouvait pas aller sans l'autre, comme si exerçant l'une sans l'autre, il y a avait des risques de ne pas obtenir l'autre. Autant donc ne pas user de la souveraineté qu'on a des fois qu'en en usant, on serait tenté de ne pas jouir de son plein et entier usage... Comme si l'appétit ne venait pas en mangeant... Comme s'il fallait affamer le peuple pour qu'il ait de l'appétit... ;
    - Parce que de leurs côtés les canadianisateurs ont bien sûr refusé de le faire ;
    - Parce que les fédéralistes-rénovateurs au pouvoir depuis, leur ont laissé le champ libre aux canadianisateurs, se peinturant impuissants en même temps dans le coin, alors que telle répudiation de l'actuelle Constitution du Canada détruisant le statu quo de blocage actuel, forcerait le Canada à se Constituer en fonction de leurs désirs. Pourquoi ne l'ont-il pas fait ? Parce que cela avait de grandes chances de tourner à l'avantage des partisans de l'État souverain du Québec ;
    Ce qui fait que l'Assemblée nationale ne peut rien... parce que chaque mouvance partisane a trouvé de bonne raison pour ne pas en appeler aux voix du peuple souverain. En cette abstinence, le pouvoir de désaveu de l'État du Canada annihile toute velléité d'indépendance de l'Assemblée nationale et la portée juridique et politique de ses votes, lois et motions. Le Canada n'a pas désavoué comme tel le refus d'adhérer du Québec, mais le fait de n'en tenir pas compte, est un désaveu de fait... Ça ne compte tout simplement pas... Pas la peine d'insister de ce côté.
    « Légalement, le Québec ne pourrait plus se prévaloir de la clause dérogatoire pour promulguer une loi modifiant cet état. »
    Pourriez-vous expliquer... la clause dérogatoire ne peut-elle pas être reconduite ?
    Suite ici-bas

  • Marcel Haché Répondre

    17 juillet 2009

    Nous avons moins besoin d'un peuple en lutte,que de dirigeants péquistes résolus et décidés.Le peuple veut bien appuyer massivement un gouvernement qui gouverne.Pas d'un gouvernement faiblard à la remorque des sondages.
    La clause nonobstant n'a pas été faite à l'intention de gouvernements séparatistes,elle n'est pas non plus applicable à toutes les situations,mais à y regarder de près,elle pourrait être un puissant détonnateur.
    Quand même ironique de penser que Jean Chrétien,qui était parmi les conjurés de la nuit des long couteaux,fut, parmi ceux-ci,celui qui fit avancer cette notion.
    Au lieu de toujours tourner autour du pot,le P.Q. pourrait dès maintenent prendre de la résolution,et le moment venu,si le peuple s'encourage lui-même dans cette résolution,les choses pourraient advenir,plutôt que de laisser penser tous et chacun que tout un peuple est sous hypnose

  • Michel Guay Répondre

    17 juillet 2009

    Le Canada bilingue, oui, mais seulement pour les Québecois et spécialement pour les frenchs canadians qui travaillent déjà quasi à 100% en anglais. Le Cannada dans la réalité est un pays entièrement unilingue anglais .
    La question linguistique au Québec trouvera sa solution que suite à l'Indépendance car alors le Québec sera déclaré pays francophone et les immigrants n'auront pas le choix de s'y conformer et surtout les impôts fédéraux ne seront plus disponibles pour les angliciser contre nous

  • Archives de Vigile Répondre

    17 juillet 2009

    Entièrement d'accord avec M. Poulin. On n'arrivera à rien si on n'a pas l’appui en masse des Québécois. C’est la base de tout si on veut réussir à la place de frapper un mur, le fédéral. Ça s’applique aussi à une solution constitutionnelle qui devrait aller chercher la masse pour l'autonomie du Québec avec ou sans vraie confédération avec le ROC en entier ou en partie.

  • Raymond Poulin Répondre

    16 juillet 2009

    D’accord avec l’ensemble de votre texte, tout en attirant votre attention sur ceci : la constitution de 1982, en dépit de la Loi 101, fait de l’ensemble du Canada, sans exception, un pays officiellement bilingue. Légalement, le Québec ne pourrait plus se prévaloir de la clause dérogatoire pour promulguer une loi modifiant cet état. Il est vrai que L’Assemblée nationale, à l’unanimité, a rejeté cette constitution mais s’est cependant comportée par la suite comme si elle n’avait rien dit... Sans l’indépendance, le seul moyen de modifier la situation serait de refuser dans la pratique de se conformer à la constitution canadienne ou à des jugements de la Cour suprême, provoquant ainsi un affrontement avec Ottawa, mais il faudrait d’abord s’assurer que les Québécois appuient en masse, concrètement et jusqu’au bout, leur gouvernement...