Indignes et colonisés libéraux

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Le PLQ est devenu une simple antenne du PLC


Le 15 février est une date névralgique dans notre histoire. Le 15 février 1839, cinq patriotes furent pendus à la prison du Pied-du-Courant.


Les Patriotes incarnent le courage politique, le combat pour la démocratie et contre le pouvoir monarchique britannique et les intérêts marchands lorsque ceux-ci déploient leur puissance au détriment du peuple.


C’est à juste titre qu’ils sont considérés comme des héros, comme des emblèmes de la libération inachevée d’une nation conquise. Les Patriotes des origines représentent la genèse des luttes politiques de notre peuple. Et ça ne se limite pas qu’à l’indépendance du Québec : qu’on pense aux étudiants de 2012 ou au mouvement contre la construction de pipelines, tous sont, à leur façon, des héritiers des Patriotes.


Une récente usurpation du drapeau patriote, par des amateurs de sensations fortes raffolant de théories du complot, a de quoi donner la nausée. Mais nous ne devrions pas pour autant oublier qui les Patriotes étaient véritablement.


On pouvait donc s’attendre à ce que la classe politique salue et honore dignement la mémoire des Patriotes.


Les libéraux, égaux à eux-mêmes


Prenons le Parti libéral du Québec.


Historiquement, les libéraux sont les artisans de la Révolution tranquille, ayant cassé à la fois l’hégémonie étouffante de l’Église, ainsi que celle des trusts issus du grand capital anglo-canadien, rétablissant la légitimité du peuple québécois de prendre sa place chez lui et construisant un système de solidarité et de justice sociale.


Il serait donc parfaitement logique qu’une formation politique « libérale » encense et se réclame des Patriotes de 1837-1838, quand francophones, anglophones et Irlandais combattaient ensemble pour l’obtention de droits politiques. 


M’attendant donc à un beau message émouvant de la part du PLQ, je suis allé visiter la page du parti avant-hier, soit le 15 février. Quelle ne fut pas ma « surprise » de constater que nous n’avions droit, en la matière qu’à un vide abyssal, à un silence total.


Ah, mais non, j’ai dû regarder trop vite, il y a bel et bien un message de commémoration, rédigé dans la langue officielle du PLQ (le bilingue), mais pour saluer... le Jour du drapeau national du Canada/National Flag of Canada Day. 


On y voit une jeune femme tenant l’unifolié, dont la feuille d’érable a jadis représenté un emblème de chez nous. Objet d’une grotesque appropriation culturelle, elle est, à l’instar du castor, de l’hymne « O Canada », du nom « Canada » et même de la loi 101 et de René Lévesque, devenue tout simplement insignifiante à mesure qu’elle fut récupérée et dépecée de sa signification.


Le Quebec Liberal Party coiffe ladite photo du message suivant : 


« Soyons fiers de ce que nous sommes, sans ambiguïté. Parce qu'au PLQ, nous ne choisissons pas le Québec ou le Canada. Nous sommes Québécois et Canadiens.


We should be unequivocally proud of who we are. At the QLP we don’t need to make a choice between Quebec and Canada. We are both Quebecers and Canadians ».


Que font les libéraux à saluer un régime fondé par des élites coloniales dans le but de servir les intérêts financiers d’une minorité, pratiquant aujourd’hui le copinage avec les géants du numérique, signant des traités commerciaux pour le bien des multinationales, créant une banque d’infrastructure camouflant des projets de privatisations, fragilisant le consommateur au profit des seules banques, et adorant passionnément les compagnies pétrolières?


À quoi a donc pu penser le PLQ, ayant tant contribué dans le passé à ériger au Québec un modèle distinct, coopératif et social, avec davantage d’égalité et de liberté? 


Ah, j’oubliais! Les libéraux sont aujourd’hui les principaux défenseurs d’un régime contrôlé par une autre nation et par une élite au service des plus riches, et incarnent justement une rupture pure et simple vis-à-vis de l’héritage des Patriotes... 


Les Patriotes étaient des libéraux. Ils défendaient la liberté et des droits politiques pour tous. Pas surprenant que le PLQ leur préfère, le 15 février, l’aplatissement devant Ottawa.


***


 Simon-Pierre Savard-Tremblay, socio-économiste (Ph.D.)    


 Pour me contacter : simonpierre.savardtremblay@ehess.fr



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Simon-Pierre Savard-Tremblay est sociologue de formation et enseigne dans cette discipline à l'Université Laval. Blogueur au Journal de Montréal et chroniqueur au journal La Vie agricole, à Radio VM et à CIBL, il est aussi président de Génération nationale, un organisme de réflexion sur l'État-nation. Il est l'auteur de Le souverainisme de province (Boréal, 2014) et de L'État succursale. La démission politique du Québec (VLB Éditeur, 2016).