Chers amis indépendantistes, l'heure est grave. Très grave! Pour défendre notre projet de pays du Québec, nous avons de moins en moins d'arguments. Les ridicules de ce monde annoncent notre débandade totale. Alors fuyons, rentrons dans nos terres et demeurons-y à jamais!
Nous devons fuir parce qu'hier un premier ministre conservateur a fait une déclaration révolutionnaire à la Chambre des communes: le Québec forme une nation... dans un Canada uni pour toujours, toujours, toujours et très certainement encore plus. Sans pouvoir aucun pour faire évoluer ce statut national, bien sûr. Une nation, voyez-vous cela! Non, mais, je ne m'en serais jamais douté! Quelle nouvelle! Qu'attendiez-vous, vous mes frères d'armes, pour me glisser pareille confession à l'oreille? Vous ne saviez pas que les secrets sont faits pour être partagés?
Celui qui estime qu'Harper vient de couper les deux jambes aux indépendantistes, c'est Jean Charest, alias le censeur de Sherbrooke. Comme il dit toujours la vérité celui-là, même à propos de ses châteaux, nous sommes bien forcés de le croire. Quel jour triste donc. Notre rêve vient de se briser parce qu'on a avoué, au coeur de l'institution qui gère notre asservissement, que nous sommes ce que nous sommes : une nation inféodée à une autre. Je n'aurais jamais pensé que nous étions si faciles à battre! Et moi qui nous croyais si près du pays, encore plus près qu'en 1995. Quel naïf fus-je!
Ainsi ébranlé par l'attaque foudroyante des forces fédéralistes qui a sûrement exigé des années de préparation fort sérieuse, je tentai de me ressaisir, avec les énergies du désespoir. Et si c'était justement la force récurrente du mouvement indépendantiste qui imposerait ces petites caresses sans lendemain? Ne m'en voulez pas de me poser la question. C'est là le seul réconfort que j'ai trouvé après avoir été rossé comme un vulgaire roquet. Je me suis aussi demandé, et j'aurais dû le faire bien avant, ça m'aurait évité de trembler autant devant la puissance du blitzkrieg fédéraliste, cuvée 2006, quels arguments, diable, avais-je bien pu ainsi perdre dans la lutte que nous menons pour la liberté.
J'ai eu beau me creuser les méninges, je n'ai rien trouvé. Et j'y ai bien réfléchi quelques dizaines de minutes, promis, juré, craché. Comme c'étaient des gens très très très importants qui affirmaient de telles choses, fallait bien leur accorder l'attention qu'ils méritent. Et c'est ainsi que j'en suis venu à une conclusion presque aussi profonde que l'analyse Ô combien éclairée de Charest : mon argumentaire indépendantiste, malgré la sortie « terrorisante » du chef des conservateurs, est toujours intact, n'en déplaise à ceux qui souhaiteraient que le Québec s'écrase définitivement. Par contre, le sottisier des fédéralistes, lui, vient de se garnir d'une nouvelle perle que nous frotterons longtemps!
Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que le Canada se dit prêt à reconnaître la nature « particulière» du Québec. La dernière en lice eut lieu seulement quelques semaines après la frousse du 30 octobre 1995. Les troupes désorganisées de Jean Chrétien avaient alors imposé l'adoption en chambre d'une résolution affirmant que « le Québec forme au sein du Canada une société distincte ». La résolution indiquait aussi que la chambre « s'engage à se laisser guider» par la notion de société distincte et qu'elle «incite» les pouvoirs législatifs et administratifs à «prendre note» de cette reconnaissance et à «se comporter en conséquence». Malgré la crise qui sévissait à l'époque, le geste posé par Chrétien ne fut jamais rien d'autre que symbolique, n'accordant rien de concret aux Québécois. Comme quoi, même au bord du gouffre, le Canada ne concède jamais rien de déterminant au Québec. Il faut maintenant en prendre acte, une fois pour toutes! Et, surtout, s'en souvenir!
Malgré les précédents et les évidences, Jean Charest voudrait aujourd'hui nous faire croire que nous vivons un grand jour, et ce, parce que le gars d'en face a été un peu plus respectueux à notre égard qu'à l'accoutumée. Que cette fois, Harper-le-champion-de l'ouverture-sans-lendemain-pour-le-Québec, avec son admission qui va encore moins loin que celle défendue par les libéraux en 1995, va faire « avancer de façon très significative la place du Québec à l'intérieur du Canada ». À l'évidence, il faut sortir tambours et trompettes et célébrer ce discours fallacieux. Après tout, on nous dit, dans un français hésitant, que nous formons une nation! 40 ans de lutte indépendantiste pour ça. On doit décidément faire moins peur qu'on ne le croit.
Si Harper, acculé qu'il est au pied du mur et qui voit ses appuis au Québec fondre comme neige au soleil, ce qui le pousse à faire tout et son contraire pour obtenir une majorité en chambre à l'issue des prochaines élections, tient vraiment à soulager le drame que vit l'État du Québec dans le Canada, il n'a qu'à poser un geste significatif : régler le déséquilibre fiscal. En redonnant une partie de l'argent que le fédéral vole bon an, mal an au Québec, il serait plus crédible lorsqu'il se dit conciliant envers le Québec qu'en articulant ce qui est une évidence pour tous, c'est-à-dire que le Québec forme une nation.
Et de grâce, chers amis péquistes et bloquistes, ne vous laissez pas déstabiliser comme je le fus par cette nouvelle chimère des fédéralistes. Je vous sais beaucoup plus solides que cela! Comprenons tous que la déclaration d'Harper, tout comme l'appui qu'y a apporté Charest, ce n'est que poudre aux yeux. Encore une fois, on tente de duper les Québécois pour ainsi mieux continuer de les exploiter!
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Non, mais, farces à part, reste-t-il des Québécois qui croient les fédéraux lorsqu'ils disent qu'ils ont à coeur nos intérêts? Y a-t-il des Québécois qui n'ont pas encore compris que nos intérêts, dans les faits, ce n'est rien d'autre que les leurs!?!
Patrick Bourgeois
Le Québécois, la libération par la plume!

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