L'agitation dans le bocal

On est en train d’opposer la classe politique en général et le Parti Québécois en particulier à la "perfectitude"

Chronique d'André Savard

Quand il s’agit de penser la cause indépendantiste, les Canadiens croient essentiellement que leur pays représente une alliance postnationale contre une bête identitaire. En bref, pour eux c’est un combat où ils représentent le Bien contre le Mal. Ils ne sortent pas des règles de l’argumentation.
Le mouvement indépendantiste de son côté, du moins beaucoup de ces chapelles les plus bavardes, obéit à certaines règles argumentaires. Un thème que les chapelles cristallisent sans arrêt, c’est que l’indépendance est mise en veilleuse et qu’elle se voit substituer un simulacre.
Les chapelles prétendent qu’une voie opérationnelle et intégrée ne peut pas aboutir. Il faut absolument que l’on pose des gestes de rupture. Mais à partit de là, on est au pays de la quatrième dimension. Qu’en est-il du transfert des compétences? Pas grave. On est des libérateurs de peuple qui libèrent des possibilités. Pas de quoi s’en faire.
Il y a dans ce tableau où on appelle au « libérateur de peuple », à l’éveil de la conscience populaire, au sursaut de la masse, à « la politique faite autrement », une saturation bucolique qui finirait par écoeurer un mouton. Et comme d’habitude les chapelles indépendantistes blâment le Parti Québécois, crachent sur le chef du PQ, quel qu’il soit, parce qu’un comité de surveillance n’a pas été mis sur pied pour veiller à l’approche de la date fixée pour la réalisation de cet idéal social.
Y a-t-il du nouveau par rapport à cet état de fait? Rien sinon que cette tendance agite beaucoup le bocal ces jours derniers et que les poissons sont bien heureux de s’étourdir en faisant des remous. On est en train d’opposer la classe politique en général et le Parti Québécois en particulier à la perfectitude.
Et si on lève le voile, ce qu’on voit dessous, c’est la vie, éternel recommencement. Ce n’est pas d’hier que les indépendantistes se dressent en sentinelles de la cause et qu’ils sermonnent le Parti Québécois comme des maîtres à danser et des professeurs de maintien. Que des gens comme Louise Beaudoin et Pierre Curzi rejoignent les chapelles n’annoncent pas une façon de “faire de la politique autrement”, au contraire.
Ce n’est pas se réadapter aux temps nouveaux que de rêver d’un retour au R.I.N.
D’ailleurs combien de R.I.N. ont été créés et ont cherché une publicité (fort complaisante) sur cette tribune. Caroline Moreno prêchait pour le parti Indépendantiste. Un chroniqueur s’est porté candidat pour Québec Solidaire. Beaucoup de druides inamovibles de la cause, c’est du moins ainsi qu’ils se perçoivent, ont atteint l’âge de la retraite en traitant toute leur vie le Parti Québécois comme un mauvais élève qui doit présenter sa mauvaise copie à l’estimation d’un rédacteur en chef.
Comme ils se prodiguent de grandes claques sur l’épaule entre eux, les druides, ils se croient merveilleux et proches d’une formidable mobilisation de masse. Année après année, ils décrient le chef du Parti Québécois comme un demi-solde qui va enfin céder la place à un essaim d’indépendantiste qui poussent la chansonnette indépendantiste avec aisance.
À les entendre, c’est fou comme la parole indépendantiste est efficace chez eux. On ne sait pas…Tout ce qu’on voit dans leurs annales ce sont des critiques virulentes du Parti Québécois. Ils étaient contre la gouvernance provinciale. Ils sont désormais contre la gouvernance souverainiste. Ils aiment le gouvernement national des Québécois mais ils sont contre l’affirmation nationale.
Ils font des manifestes où ils remâchent ça, référendum, gouvernance souverainiste, pouvoir, tout ça, c'est rien, et ils remâchent ça encore comme de l’herbe amère, des diversions, des réformettes qui ne canalisent pas l’énergie. Mais ils vous diront que la bonne parole prononcée par eux provoque l’enthousiasme, une vraie danse à succès et ils en voudront pour preuve leur millionième dénonciation du jour contre la résignation peu honorable du parti Québécois.
Les chapelles indépendantistes fondamentalistes, et cela ressort encore davantage depuis l’essor d’Internet, ne constituent pas un mouvement qui affronte l’unitarisme canadien. Les éléments plus pragmatiques du Parti Québécois essaient bien de le faire mais c’est le moindre souci de bien des chapelles indépendantistes dans leur ensemble. Pourquoi? Parce que le mouvement fondamentaliste indépendantiste met en scène un perpétuel affrontement entre la perfectitude et n’importe quelle suite opérationnelle par étapes qui risque de poindre. Pour eux, toute suite opérationnelle représente le mirage d’une condition extra-provinciale au sein du Canada, un mirage qui risque d’être fatal à la cause.
Cela donne des retournements tristes à pleurer. Au moment où cette chronique prêchait la Constitution québécoise, elle s’est vue opposée un véritable tir de barrage. Trop opérationnelle, trop technocratique, une réformette, une situation cosmétique qui endormirait l’opinion publique. Et ni une ni deux, ceux qui ne voyaient que réformettes dans la Constitution québécoise voient soudainement la solution miracle dans la Constituante. Contre la Constitution mais pour la constituante! Faut le faire.
Cette dynamique “vigilante” est incapable de se regarder dans le miroir. Être vigilant sans voir quelques signes dans le miroir et se montrer inapte à l’autocritique, cela donne des sentinelles prises dans une perception systématique. Combien de chroniqueurs sur cette tribune se sont identifiés à la mouche de coche? Le résultat, c’est une gigantesque boîte de poils à gratter qui finira par discréditer Vigile bien avant l’implosion du Parti Québécois que l’on se plaît à dire tant souhaitable.
André Savard


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8 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    25 août 2011

    C’est terminé !! L’indépendance du Québec ne fera pas. Pour le plus grand malheur du Québec, la profonde division des souverainistes assurera un quatrième mandat de suite et majoritaire pour Jean Charest et sa clique. Il faut être complètement déconnecté de la réalité politique pour s’imaginer que plus on divisera le vote francophone, plus grande seront les chances de déloger Jean Charest. On sait que c’est exactement le contraire qui se produira.
    Je suis estomaqué des discours et le bla-bla indépendantistes de certaines personnes. Comme si l’urgence était de tenir un référendum coûte que coûte le plus rapidement possible. L’urgence - LA VRAIE URGENCE - c’est de se débarrasser d’un gouvernement libéral corrompu et vil, D’ABORD ET AVANT TOUT. Et les que font les souverainistes ? Ils s’entredéchirent et publiquement par dessus le marché. Stupide !! Vraiment con et stupide.
    Que croyez-vous que Charest fera d’ici six mois au plus ? Il déclenchera des élections pour profiter au maximum que les souverainistes sont face contre terre. Il court-circuitera par la même occasion Legault et ses chimères politiques.
    C’est Jean Charest qui vous dit merci. Vous venez de lui servir sur un plateau d’argent le pouvoir de faire le plus de tord possible au Québec et croyez-moi, il ne s’en est jamais privé depuis 2003.

  • Archives de Vigile Répondre

    22 août 2011

    Prenez bien note M.Frappier!
    Il paraîtrait, suivant certains adeptes de la gouvernance provinciale, que vous, moi et combien d'autres ici, sommes "une bande d'agités suicidaires, des kamikazes, des Talibans de l'orthodoxie ect...
    Pitoyable! ils ne savent même pas que c'est plutôt Marois qui a décidé d'entraîner ses ouailles vers un suicide collectif.
    Je l'ai déjà dis. La peur, les menaces, la culpabilisation ça ne pogne plus avec moi. C'est terminé !

  • Archives de Vigile Répondre

    22 août 2011

    Merci beaucoup monsieur Savard, je suis en parfaite syntonie avec votre perception des choses.
    Permettez moi de dire que je suis propfondément écoeuré par cette bande d'agités suicidaires qui ne se rendent même pas compte de la proximité du mur de béton vers lequel ils se dirigent fiévreusement à vitesse grand V.
    J'ai nettement l'impression d'être en présence d'une bande de Kamikazes, véritables talibans de l'orthodoxie de la pensée indépendantiste. Banzaï and fuck the rest!
    Ils sont en train de préparer un suicide collectif. Ça me rappelle certaines dérives célèbres. Vous parlez de chapelles, je dirais sectes.
    Je ne suis pas paranoïaque mais j'en suis quasiment à me demander si au moins certains d'entre eux peuvent encore comprendre ou concevoir que le résultat net de leur agitation est, soit la programmation de l'élection de Legault ou la réélection de Charest ?
    Tout cela est bien triste. Nous sommes tombés bien bas. Bien bas en vérité.

  • Pierre Cloutier Répondre

    21 août 2011

    [1] Si Vigile est si discrédité que cela, pourquoi profitez vous de votre situation privilégiée de chroniqueur de Vigile pour livrer votre fiel réactionnaire contre les indépendantistes?
    [2] Me semble que si j'étais à votre place, j'aurais eu la décence élémentaire de disparaître des écrans radars.
    [3] Je pense que vous devriez suivre un cours de droit constitutionnel 101 afin de faire la différence entre une constitution provinciale et une constitution d'un État souverain.
    [4] La Colombie-Britannique est une province du Canada et a une constitution provinciale adoptée en 1996.
    [5] La constitution canadienne de 1982 prévoit à ses articles 41 et 45 le droit pour les provinces d'avoir leur propre constitution sous certaines réserves.
    [7] Est-ce que cela fait de la Colombie-Britannique un État souverain?
    [8] Le plan Marois propose une constitution provinciale. Je propose une constitution d'un État souverain. Pas pareil. Pas pareil pantoute.
    [9] Écrivez ce que vous voulez, mais au moins de faites pas de désinformation.
    Pierre Cloutier

  • Jean-Pierre Bouchard Répondre

    20 août 2011

    Excellent texte de M.Savard. Plongé dans le continent de la consommation de masse. Dans une civilisation de la pensée de plus en plus superficielle qui parfois pense profondément sur le net. Des souverainistes convaincus proposent la révolution indépendantiste aux Québécois après 15 ans d'absence de pédagogie de l'indépendance, 8 ans de gouvernement libéral de régression sous-duplessiste. J.J.Charest se révélant le premier ministre du Québec le plus canadien que le Québec ait connu depuis Duplessis!
    La gouvernance souverainiste avec ou sans Pauline Marois n'est jamais qu'une manière de reprendre le terrain de l'identité québécoise sans recommencer à zéro comme à l'époque du RIN. Certains toutefois convaincus de posséder la vérité révélée sont prêts au retour à l'alternance entre deux partis fédéralistes à Québec pratiquant le déni de la condition québécoise. Exemple maintenant! Manchette et article de la Presse canadienne à 21 heures le 20 août sur le site du Devoir, les échanges entre F.Legault et le PLQ commencent comme si le PQ était déjà enterré.
    Nous verrons peut être en mai 2012, deux partis, le PLQ et la CAQ accaparer 120 des 130 nouveaux sièges de l'Assemblée nationale. 2012 qui aurait donc un goût de 1968: Legault jouant le rôle de J.J.Bertrand, Charest celui de J.Lesage. Le retour aux bleus conservateurs et aux rouges libéraux.
    Le Québec connaît une situation nationale comme en Catalogne en Espagne, comme moindrement la Flandre en Belgique. Le Québec n'est pas l'Algérie française, autrement sans changement de vision toutes ces chapelles ne feront que sombrer oui dans le fondamentalisme politique forcément stérile. Comme M.Savard, il est bon qu'une autre position puisse s'exprimer dans Vigile ou ailleurs.

  • Archives de Vigile Répondre

    20 août 2011

    Ce billet est certainement le meilleur appel à la raison dont j'ai pu lire ces derniers temps.
    Cela fait deux ans que je lis les échanges sur Vigile. En revanche, depuis les dernières semaines, je ne vois rien de constructif ou de complémentaire fait par un certain nombre de croisades menées systématiquement par certains habitués de ce site. Une vrai guerre de chapelle.
    Pour un ou deux individus en particulier, j'ai comme la vague et mauvaise sensation de me retrouver en arrière dans la période 1996-1999 avec les interminables commentaires ou lettres d’opinions de sire Stéphane Dion (je suis sûr qu'il se croyait ainsi) dans La Presse répondant du tac au tac de façon pointilleuse et condescendante à toute déclaration provenant du gouvernement péquiste d'alors. Que ses déclarations furent été vrais ou fausses (surtout pleines de sophismes), là n'était pas le but visé par les maitres de Dion. Le but était de sursaturer les débats de bruits discordants sans suites logiques et de rendre impraticable toute échange logique à tout les niveaux. Il exaspéré Bouchard et Landry et cela a malheureusement marché. Comme le prof Dion qu'il fût envers ses étudiants au 3200 Jean Brillant de l'udeM avant! Comme en faisait état son fameux livre LE PARI DE LA FRANCHISE!
    Pas une bonne référence passée crédible pour tout débat d'idées et de construction d'un programme politique, je sais. Pourtant, il y a des ressemblances avec certaines tendances actuelles...
    Encore merci pour votre appel Mr. Savard.

  • Archives de Vigile Répondre

    20 août 2011

    Pendant que beaucoup s'agitent effectivement, d'autres sont comme de véritables poissons accrochés aux rebords du bocal en faisant du bla, bla, bla.
    C'est tout ce qu'ils font d'ailleurs. Ils me font penser à ces deux grenouilles de l'annonce radio d'Hydro-Solution, qui croassent sur le manque d'eau chaude et qu'il faudrait en changer le réservoir. L'un d'eux n'a ni internet, ni le téléphone, pis il n'a plus d'eau chaude. Puis ils continuent à croasser comme si rien n'étaient.
    A bien y penser, j'aime bien mieux me retrouver parmi les poissons qui s'agitent pour se trouver un nouveau bocal où l'eau sera bien plus confortable!!!
    Voilà pour les fumeux de pipes en chaises berçantes qui jasent et qui jasent.
    Normand Perry.

  • L'engagé Répondre

    20 août 2011

    Votre analyse est intéressante surtout ce passage :
    «Parce que le mouvement fondamentaliste indépendantiste met en scène un perpétuel affrontement entre la perfectitude et n’importe quelle suite opérationnelle par étapes qui risque de poindre. Pour eux, toute suite opérationnelle représente le mirage d’une condition extra-provinciale au sein du Canada, un mirage qui risque d’être fatal à la cause.»
    Mais vous négligez l'autre côté de la médaille. Puisque que le parti s'institutionnalise, il peut devenir aussi usé que les partis qu'il doit affronter et si l'organisation et les actions ne sont pas à la hauteur, alors les objectifs même réalistes ne pourront être atteints.
    Vous êtes donc vous aussi atteint du mal de la perfectitude, comme si le PQ était par essence le porteur éternel de la cause, mais capable de l'incarner dans la « realpolitik». Or d'autres forces pourraient faire le travail et l'attachement sentimental au parti ne devrait pas empêcher les indépendantistes de demander lucidement si le PQ est encore le bon véhicule. Non parce qu'il aurait complètement changé, mais parce que les acteurs seraient présentement incompétents.
    Le PQ devait être un instrument à court terme, mais la lutte nationale dure maintenant depuis si longtemps qu'il est possible qu'elle connaisse plus d'un véhicule. Le RRQ réduit ses exigences et demande au PQ de simplement «tenir le fort», mais il est possible que comme organisation, à cause de problèmes administratifs, technocratiques amplifiés par la confusion de la pensée indépendantiste, que la «branche politique» du PQ ne soit plus qu'une coquille vide et incompétente.
    Dans ce cas, indépendamment des qualités du programmes, le parti est foutu et l'énergie des militants sera gaspillée. Il vaut mieux faire autre chose.
    Entendons-nous, le PQ est dans une crise grave et il devrait être capable de s'examiner et de changer si nécessaire. C'est pire qu'en 2007 et l'examen de conscience a été reporté, mais en évitant cette dernière chance salutaire, c'est la débandade assurée.
    L'écrire me fait mal, mais c'est en quelque sorte une supplication, une exhortation de dernière minute, on peut encore changer de cap. Mais le capitaine est sourd, qu'y puis-je?