Commission Charbonneau

L’argent sale et la question nationale

Chronique de Louis Lapointe

Dans sa chronique publiée dans le Devoir de ce matin, Jean-Claude Leclerc pose une question fort pertinente.

À quoi servent donc tous les millions de l’argent sale ?

Sans répondre nommément à la question, Jean-Claude Leclerc termine sur une affirmation interrogative :


«Pour l’heure, s’ils veulent comprendre la corruption qui s’est installée dans leur société, les Québécois devront aller au-delà des histoires de pots-de-vin et de trous de golf qui meublent les temps morts de la commission Charbonneau. De la mafia et de l’Italie pourrie qui défraient la chronique et font la fortune du cinéma américain, ils devront passer aux « fleurons » de ce Québec moderne, diplômé et laïque en qui ils avaient mis toute leur complaisance, et qui aura réussi, ô progrès peu enviable, à s’auto-république-de-bananiser.»

Dans ma chronique du 31 octobre 2009, Les purs et les durs et l'argent de la corruption, quelques jours avant le scrutin municipal de 2009, je tentais de répondre à la même question en posant l’hypothèse que la question nationale avait été un terreau fertile pour la mafia italienne qui avait su tirer profit de cette lutte entre fédéralistes et indépendantistes, choisissant, bien entendu, le camp le plus fort, celui le plus susceptible de répondre à ses demandes, le camp fédéraliste.

Ce texte étant toujours d’actualité, je le reproduis intégralement.

Les purs et les durs et l’argent de la corruption

Billet — Louis Lapointe,
samedi 31 octobre 2009

«À la suite des irrégularités évidentes commises par le camp du NON à l’occasion du référendum de 1995, le Directeur général des élections du Québec n’avait pas pu enquêter sur les dépenses illégales du camp fédéraliste qui avaient rendu possible le grand love-in de la Place du Canada à Montréal trois jours avant la tenue du référendum sur la souveraineté du Québec. La tricherie et la corruption fédérale n’étaient pas de juridiction provinciale.

Quelques années plus tard, les fédéralistes se sont fait prendre à leur propre jeu parce que leurs organisateurs avaient eu le malheur de se prendre une cote sur l’argent versé par le gouvernement de Jean Chrétien au parti libéral du Canada via le programme des commandites. Si les firmes de communications et les organisateurs libéraux avaient fait preuve d’honnêteté et avaient remis l’intégralité des sommes destinées au parti libéral du Canada pour combattre le péril séparatiste, il est probable que la GRC ne serait jamais débarquée dans leurs bureaux, constatant qu’il s’agissait là d’un sujet d’intérêt national. On peut tricher lorsque l’avenir du Canada est en jeu, mais ce n’est pas une raison pour voler impunément les tricheurs du gouvernement !

En appuyant inconditionnellement le parti du maire Tremblay, le journal The Gazette nous indique bien encore une fois que la corruption est un moindre mal pour les fédéralistes inconditionnels à côté de la terrible menace que constitue le séparatisme québécois. Le message qu’il envoie à ses lecteurs anglophones ne peut être plus clair : sans argent pour soutenir les forces fédéralistes, l’unité canadienne est menacée, le régime de la corruption doit donc être toléré à Montréal et au Québec pour que le Canada demeure uni. Sans cet argent, le camp du NON aurait probablement perdu le référendum de 1995 et le Québec serait aujourd’hui un état souverain.

Une commission d’enquête publique mettrait probablement en évidence que la mafia a utilisé tous les ressorts de cette aversion contre les indépendantistes pour infiltrer les milieux politiques fédéralistes, devenant un indispensable allié dans la lutte contre l’indépendance du Québec. Sous cet angle, on comprend mieux les réticences du gouvernement de Jean Charest de constituer une commission qui ferait la lumière sur la corruption dans l’industrie de la construction.

Comme il faut beaucoup d’argent pour vaincre le péril séparatiste, les milieux mafieux ont compris qu’ils pouvaient tirer profit de la situation - on parle de 30% du coût des investissements dans les infrastructures - en achetant à grand prix les faveurs des politiciens fédéralistes au pouvoir. Voilà pourquoi ils ne veulent surtout pas prendre le risque de voir de nouveaux acteurs séparatistes venir mêler les cartes.

Si Benoît Labonté s’est fait prendre la main dans le sac, c’est probablement parce que ses bailleurs de fonds n’ont pas digéré le fait qu’il utilise leur argent pour faire élire Louise Harel, une dangereuse indépendantiste, leur objectif secret étant probablement de maintenir le régime actuel pour faciliter leurs opérations. L’argent de la corruption ne doit pas servir à faire l’indépendance. Le même genre de dilemme qu’a eu la mafia lorsqu’elle a dû quitter Cuba en 1959.

***

Qu’on le veuille ou non, tant qu’elle ne sera pas réglée, la question de l’indépendance du Québec sera toujours présente dans tous les débats politiques, même municipaux, ne serait-ce qu’en raison de la prépondérance des acteurs de la classe politique indépendantiste. Ils ne peuvent tout de même pas être absents des débats politiques municipaux quand les Québécois ont été 50% à voter pour l’indépendance du Québec. Alors, forcément, cette question conditionne tous les autres enjeux politiques, surtout à Montréal où le français est menacé.

En agitant l’épouvantail du français et de l’indépendance comme elle fait, la Gazette sait très bien qu’elle contribue à polariser le vote anglophone contre Louise Harel. Si la Gazette préfère un maire qui a baigné dans tous les scandales, c’est parce qu’elle sait que sans l’argent de la corruption le Québec serait déjà un pays libre et français. La stratégie de la Gazette vise donc à exacerber le sentiment anti-indépendantiste chez ses lecteurs anglophones et allophones pour faire élire le maire Tremblay. Comme ce fût le cas lors du référendum de 1995, les sondages nous indiquent que les Anglais et les allophones ne seront pas plus de 11% à voter pour Louise Harel, une candidate clairement identifiée à l’indépendance du Québec.

Si le mouvement indépendantiste compte son lot de militants polarisés, ceux qu’on appelle communément les purs et les durs, force nous est de constater que chez les Anglais les purs et les durs sont en proportion beaucoup plus nombreux et, si on en croit les résultats des derniers sondages, 49% d’entre eux seraient même prêts à tolérer la corruption pour empêcher l’élection d’une indépendantiste à l’Hôtel-de-Ville de Montréal !

On peut traiter les purs et les durs indépendantistes de tous les noms, de caribous ou de zélotes, même rire d’eux comme ce fût le cas à L’autre St-Jean, mais on ne pourra certainement jamais les accuser de s’associer de près ou de loin à la mafia pour organiser leurs manifestations.»

Le 31 octobre 2009

***

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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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2 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    21 novembre 2012

    @ Pierre Tremblay
    Je suis entièrement d'accord avec votre excellent commentaire! Tout est devenu anesthésiant au Québec pour nous faire disparaître comme peuple; on le voit très bien avec cette immigration massive planifiée par les fédéralistes d'Ottawa avec l'aide de nos collabos provinciaux. Nous sommes victimes d'un génocide au Québec et personne ne monte aux barricades pour dénoncer ce suicide collectif bien programmé. J'ai hâte que le peuple du Québec cesse de s'écraser et qu'il se lève debout crisse! Il en va de notre survie collective.
    André Gignac 21/11/12

  • Archives de Vigile Répondre

    19 novembre 2012

    C'est exactement cela. Anglo et Italo: même combat: vaincre le fait français.
    Où est la GRC dans toutes ces enquêtes sur le corruption?
    Nul part.
    Il est évident que les fédé utilisent l'argent sale pour gagner du temps: assez de temps pour que de nouvelles générations se mettent en place au QUébec afin qu'on oublie le lac Meech, CHarlottetown , Lévesque et Trudeau et le rappatriement de la constitution de 1982 et les référendum de 1995.
    C'est ça l'objectif: gagner du temps. Pourquoi pensez-vous qu'aucun fédé du Québec ne parle du renouvellement du fédéralisme? Parce qu'il y a un risque de réveiller le peuple canadien français du Québec . Mais quand on aura la certitude que le Québécois d'origine française nationaliste ne sera plus que 10% alors on fermera le dossier à double tours.
    Pourquoi les Anglais aiment tant Layton? PArce qu'il a écrasé les souverainistes et le BLoc. Voilà!
    C'est très décourageant de nous voir nous écraser à petit feu. Ça fait pitié à voir. J'ai tellement honte d'être Canadien français. Quel peuple de larbins qui n'a aucune mémoire et qui va se faire noyer complètement d'ici à trois ou quatre décennies par Montréal.
    Je crois que c'est un complot mondial des anglo de mettre à terre la France et tout ce qui peut encore parler français. C'est historique et viscérale chez eux. Depuis DeGaule et bien avant, ils souhaitent l'écrasement de la nation française qui se met maintenant à s'angliciser par des milliers de termes anglophones dans son discours. Ça fait pitié. Pensez-vous qu'ils ont accepté de vivre sur leur petite ile alors que les Français sont installés sur la plus belle partie du Vieux Continent?
    On est faible et pas organisé. J'ai déjà indiqué qu'il fallait développer une économie souverainiste au Québec par et pour des souverainistes. Personne n'en parle. L'argent c'est le nerf de la guerre et on doit agir tous ici comme étant un . C'est facile pourtant. Personne n'en prend l'initiative. Lorsque les souverainistes ne sont plus capables de faire passer leurs idées par le gouvernement qu'ils ne peuvent plus contrôler, il faut mettre en place une structure qui verra à mener notre peuple quelque part étant donné son encerclement dans le Québec et le Canada. Ça prend une structure quasi politique et très économique qui voit au développement des indépendantistes et à les regrouper pour qu'ils continuent à se développer à l'intérieur des structures québécoise et fédérale actuelle.
    Sans cette union non pas seulement politique mais surtout économique, voilà comment vivre entre nous ces valeurs qui nous font avancer. Regarder comment vote l'Alberta. En bloc à Ottawa pour le pétrole et en bloc au provincial. Des conservateurs depuis des décennies. Voilà l'exemple à suivre.
    COmmençons à tous nous identifier et à nous reconnaître. Et agissons en commun, achetons en commun et votons en commun selon la même ligne de pensée. Devenons le plus grand groupe de pression du Québec à défaut de faire avancer les choses par le prise du pouvoir. Utilisons notre pouvoir d'achat et moyennons -le contre nos intérêts comme le font les juifs , les Italiens, et le reste.