L’énigme de Kamouraska-Témiscouata

Chronique de Louis Lapointe

Si j’étais Pauline Marois, je me méfierais. Elle a peut-être enlevé Kamouraska-Témiscouata aux mains des libéraux, mais elle n’a pas réussi à faire le plein de votes chez les indécis et les mécontents dont plusieurs ont préféré rallier l’ADQ.
Les derniers sondages nationaux donnaient 38% au PQ, 23 % au PLQ et 15 % à l’ADQ. Le score dans Kamouraska-Témiscouata est de 37% au PQ, 36 % au PLQ et 23 % à l’ADQ.
Même si Kamouraska-Témiscouata n’est pas un comté baromètre, il s’agit tout de même d’un comté fortement francophone. Or, dans le dernier sondage CROP, le PQ jouissait d’un appui de 45 % chez ces derniers.
Ce qu’il y a de plus préoccupant dans le résultat de cette élection partielle, c’est que, loin d’avoir atteint la cible de 45 %, le PQ a plafonné au score que lui donnaient les sondages dans l’ensemble du Québec, alors que le PLQ a fait 13 % de mieux et l’ADQ 8 %.
Dans une élection partielle avec un taux de participation aussi élevé, 58 %, on se serait probablement attendu à voir le PQ faire mieux, et ce, même s’il a remporté l’élection.
Ces résultats quelque peu décevants pourraient bien signifier que les indécis n’ont pas suivi le courant de grogne populaire qui prévaut actuellement au Québec et ont préféré voter dans une importante proportion avec le PLQ, alors qu’une moindre part de ceux-ci est allée rejoindre le vote de contestation qu’a réussi à drainer l’ADQ.
Bien sûr, il est difficile de donner un sens à une élection partielle. Il s’agissait d’un comté libéral où l’ADQ a toujours été très forte comme elle l’est depuis quelques années dans la région de Québec et, malgré cela, le PQ a tout de même fait meilleure figure en remportant la victoire.
En limitant notre analyse à ces quelques constatations, ne raterions-nous pas une belle occasion d'en tirer de meilleurs enseignements?
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Comme aucun des chefs n’a manifestement réussi à s’imposer, que les facteurs régionaux n’ont pas vraiment joué et que l’indépendance du Québec n'était pas un enjeu, je constate qu'un des faits majeurs de cette élection est que les deux partis les plus à droite ont mieux fait ensemble que les partis de gauche. PLQ-ADQ, 59% ; PQ-QS, 39%. S'agirait-il d'une polarisation du vote entre la droite et la gauche ?
Comme ce fut le cas lors des deux dernières élections générales, lorsque les élections portaient sur des enjeux qui divisaient la gauche et la droite, le PQ a difficilement réussi à aller chercher le vote des mécontents et des indécis pendant que de nombreux indépendantistes demeuraient à la maison.
Le fait que cette fois-ci les libéraux aient obtenu 36% du suffrage alors que le PQ l’a remporté à l’arraché avec 37 % du vote dans une élection partielle où les électeurs avaient l’occasion de clairement signifier au gouvernement leur haut-le-cœur s'avère pour moi une profonde énigme.
Historiquement, nous le savons, les indécis et les abstentionnistes ont toujours bien servi les libéraux. Aussi étonnant que cela puisse paraître, Jean Charest est venu à un cheveu de remporter cette élection alors qu'il est honni partout au Québec. Un sujet d'inquiétude pour le PQ?
Même si Pauline Marois a remporté une belle victoire dans Kamouraska-Témiscouata et que cela est de bon augure pour le prochain scrutin général, le PQ doit faire beaucoup mieux auprès de la clientèle francophone.
Se limiter à traiter les libéraux de corrompus ne semble pas être suffisant pour convaincre les Québécois de voter pour le Parti Québécois. Il semble même qu'en raison de la polarisation gauche-droite qui en résulte, ce discours profiterait davantage à l’ADQ et par conséquent aux libéraux qui pourraient miser sur cette division du vote et se faufiler dans plusieurs comtés comme ils l'ont fait en 2007.
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Comme l’indépendance a toujours été plus populaire que le PQ et ses chefs au cours des dernières années, est-ce qu’un discours résolument indépendantiste n’aurait pas permis au PQ d'obtenir un meilleur résultat dans un comté qui a voté OUI à plus de 50 % lors du référendum de 1995 ?
Une polarisation du débat autour de la question nationale aurait-elle profité davantage au PQ qu'au PLQ?
Pauline Marois ne souhaitait probablement pas prendre ce risque cette fois-ci et a préféré profiter de cette élection partielle pour renforcer son leadership auprès de ses membres. Un choix qu'on peut difficilement lui reprocher.
Toutefois, elle devra tôt ou tard se résoudre à parler d’indépendance de façon plus concrète. Elle éviterait ainsi une éventuelle polarisation gauche-droite entre les principaux partis politiques et par conséquent minimiserait le risque d’assister encore une fois à une fâcheuse remontée de l’ADQ qui pourrait venir brouiller les cartes à la prochaine élection générale.
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Récemment, sur le même sujet:
Le chat ou les neuf vies de Jean Charest
Le point de rupture
La barrière de la langue

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Louis Lapointe534 articles

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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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6 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    13 mai 2011

    De quoi parle-t-on ici ? De la question de savoir si il faut poursuivre dans le provincialisme ou susciter des adhésions fortes pour l'indépendance ? Il me semble que cette question ne devrait même pas se poser. Gagner un comté contre les libéraux n'est pas l'enjeu et n'a rien changé. Cacher la nécessité de l'indépendance c'est abandonner les intérêts fondamentaux du Québec. Gagner les élections pour faire l'indépendance oui, mais pour autre chose ???
    GV

  • Archives de Vigile Répondre

    3 décembre 2010

    Je suis d'accord avec vous monsieur Boucher. Le PQ a gagné de justesse Kamouraska parce qu'ils y ont mis le paquet. Je parle bien sûr du PLQ qui est allé d'annonces, de parades des ministres, Bombardier, la mémoire encore vivante de Béchard etc..
    C'est donc une très grande victoire pour le PQ parce qu'aux prochaines générales, ils ne pourront pas en mettre autant. N'oublions pas non plus qu'un parti qui s'encroûtait depuis plus de 25 n'avait eu le temps de bien formater les cerveaux de la population et heureusement, il y en a bien 37% qui n'était pas encore lessivé et qui a exercé son droit de vote avec courage.
    En ce qui concerne les votes annulés, je puis vous affirmer que ni le PLQ et ni l'ADQ n'ont intérêt à revenir sur cela. Ils avaient le contrôle du dévoilement du vote puisqu'ils occupaient respectivement le titre de scrutateur et de greffier.Sommes-nous assez gogos pour croire qu'ils auraient annulé leurs propres bulletins?

    Je vais vous dire pourquoi Charest était si catastrophié le soir de l'élection. Il savait parfaitement que sans ce rejet des votes, la victoire du PQ risquait de se situer aux environs de 400 voies de majorité.
    BYE BYE les libéraux dans Kamouraska et nous avons toutes les raisons du monde de nous réjouir. Toutes mes félicitations vont à monsieur Simard qui a fait une campagne propre et qui s'est adressé à l'intelligence des électeurs!
    Ne cherchez pas des complots; c'est très claire!

  • Archives de Vigile Répondre

    2 décembre 2010

    Pourquoi parle-t-on d'énigme? Parce que les électeurs de ce comté ne sont pas au diapason de l'ensemble des électeurs du Québec? Mais voyons!
    Dans une société, il y a des sensibilités et des traditions régionales qui expliquent les comportements électoraux. Dans le cas qui nous occupe, il y a eu incontestablement un changement d'humeur, malgré l'attachement viscéral des citoyens de cette circonscription au Parti Libéral. La preuve, c'est que le parti qui était arrivé troisième il y a deux ans accède au premier rang cette fois-ci. En politique, l'important, c'est de gagner, et c'est ce que le PQ a fait. Bravo!
    Pierre Boucher

  • Lise Pelletier Répondre

    1 décembre 2010

    en réponse : ou sont les boîtes de vote par anticipation
    le DGE a changé le dévoilement des bulletins en intégrant au fur et à mesure les votes par anticipation..
    ceci dans le but d'éviter que l'élection ne soit pas gagnée à la toute fin de la soirée
    je trouve que c'est une bonne décision
    Mme Vallée, moi aussi je me demande si le processus pour les votes rejetés ne pourrait pas être plus transparent afin que les gens sachent la raison du rejet
    Pourquoi un citoyen qui n'est pas ni scrutateur, ni secrétaire, ni la personne qui biffe les noms, ne pourrait pas être mandaté pour vérifier le pourquoi des votes rejetés
    Lise Pelletier

  • Nestor Turcotte Répondre

    1 décembre 2010

    Où sont passées les boîtes du scrutin pas anticipation?
    A la dernière élection, dans ce comté et celui de Sherbrooke, les boîtes du scrutin par anticipation sont arrivées en toute dernière heure, faisant gagner les deux candidats libéraux.
    Que s'est-il passé cette fois-ci? On dirait que les deux vieux partis se sont arrangés ensemble pour d'autres types d'échanges à déterminer.
    Je me demande s'il y a encore des démocrates au Québec...

  • Archives de Vigile Répondre

    1 décembre 2010

    Curieux que le PLQ ne demande pas de recomptage, vindicatifs et rancuniers comme ils le sont. Et c'est Charest lui-même qui a évoqué ces bulletins annulés. Comme s'il savait de quoi ils retournent. De mémoire, c'est la première fois que j'entends un perdant faire ce genre d'analyse.
    Les libéraux savent-ils ce qu'il y a dans les boîtes de scrutin ??????? Et que sont ces bulletins annulés ????
    Le PQ peut-il demander une vérification ?
    Il y a anguille sous roche.