L’énigme UPAC-Guy Ouellette

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Josée Legault s'enligne sur la thèse de Vigile

Eh non, cette saga est encore loin d’être terminée. Depuis l’arrestation le 25 octobre dernier du député Guy Ouellette par l’UPAC et ce, sans accusation portée, l’énigme perdure. Qui croire?


Croire le député libéral et maintenant indépendant qui se dit victime d’un coup monté? Ou croire l’UPAC qui semble le soupçonner d’avoir contribué à des coulages médiatiques dommageables sur l’enquête Mâchurer, laquelle porte sur des allégations de corruption au PLQ sous le tandem Jean Charest-Marc Bibeau?


La réponse, semble-t-il, n’est pas pour demain. Loin s’en faut. En attendant, soulevons néanmoins ensemble quelques pierres parmi tant d'autres.


***


Première pierre : de quel «amour» parle-t-on?


La première pierre est celle de la réaction étrange du premier ministre suite à l’arrestation sans accusation de son propre député Guy Ouellette. Sa réaction initiale fut en effet un très long silence de six jours.


Puis, sortie de nulle part, vint une grande déclaration d’amour envers son député. Du moins, après seulement que le président de l’Assemblée nationale ait lui-même prononcé un discours historique à la défense des droits et privilèges des parlementaires face à un possible abus de pouvoir de l’UPAC.


Philippe Couillard a donc dit ceci : «On aime Guy Ouellette. On a combattu politiquement avec Guy Ouellette. Il fait partie de notre équipe. Il porte notre chandail de hockey».


Avant de verser une larme ou deux, ce présumé «amour» sonne tout de même bizarre.


Premièrement, cette déclaration du premier ministre est tombée après plusieurs jours de silence. Deuxièmement, si la Parti libéral aime Guy Ouellette à ce point, comment se fait-il qu’il n’a jamais été nommé ministre? Ni par Philippe Couillard, ni par Jean Charest. M. Ouellette était pourtant un enquêteur chevronné et hautement respecté. Se méfiait-on de sa trop grande expertise policière pour lui donner un ministère? Mystère et boule de gomme.


Ce qui rappelle d’ailleurs le sort réservé à un autre ex-policier, Robert Poëti, limogé par Philippe Couillard alors qu’il s’apprêtait à faire (enfin) le ménage au ministère des Transports, le plus gros donneur d’ouvrage au Québec. Un grand ménage qui, soit dit en passant, se fait toujours attendre.


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Deuxième pierre : dans l’angle mort de Philippe Couillard


L’affaire UPAC-Ouellette a également confirmé l’affaiblissement du leadership de Philippe Couillard au sein même du PLQ.


Il faut dire que déjà malmenés dans les sondages, les libéraux sont inquiets. Et avec raison.


Dans cette saga, peut-être une de trop pour des troupes libérales nerveuses, on a vu le ministre Pierre Moreau sortir du rang sans la moindre hésitation.


Il fut en effet le seul parlementaire à s’abstenir de voter en faveur d’une motion félicitant le président de l’Assemblée nationale pour son discours historique.


En cela, M. Moreau a fait fi de la «ligne de parti» et refusé de suivre le mot d’ordre de son chef.


Si l’autorité du premier ministre était sans faille, Pierre Moreau n’aurait jamais osé poser un tel geste. Et ce, même si ce dernier suivait aussi ses propres convictions.


Or, Pierre Moreau est également celui qui, en 2013, causa la surprise en arrivant deuxième derrière Philippe Couillard dans la course à la succession de Jean Charest.


À l’époque, il avait beaucoup impressionné. Au point même de reléguer l’ex-ministre Raymond Bachand au troisième rang en fin de course à la chefferie.


Même s’il est vrai que Pierre Moreau n’est pas un putschiste, ses ambitions de chefferie n’ont sûrement pas disparu depuis 2013. À suivre après la prochaine élection...


Parlant de Raymond Bachand, le 4 novembre, le Journal rapportait ceci :


«L’ex-ministre Raymond Bachand se porte à la défense du député de Chomedey, Guy Ouellette. «Guy, c’est le gars le plus intègre que j’ai connu de toute ma vie. Il y a juste une chose qui compte dans sa carrière, c’est l’intégrité», lance M. Bachand. (...) M. Bachand se range dans le camp du président de l’Assemblée nationale Jacques Chagnon pour évaluer le travail de l’UPAC à l’endroit du député de Chomedey. «Quand tu arrêtes quelqu’un, tu viens de salir sa réputation d’un coup sec. Et là, tu ne déposes pas d’accusations? Il a été politiquement carrément neutralisé.»»


Le 2 novembre, j'avançais d’ailleurs ici la même hypothèse:


«Entre Guy Ouellette et Robert Lafrenière, patron de l’UPAC, qui dit vrai ? Bien au-delà de cette énigme, il reste surtout un fait troublant. En arrêtant M. Ouellette sans porter d’accusation, l’UPAC vient de neutraliser celui qui présidait la commission des institutions chargée d’étudier le projet de loi 107 élargissant les pouvoirs de l’UPAC


Un jour, la suite des choses saura confirmer ou infirmer cette hypothèse partagée.


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Intéressant, tout de même, comme phénomène.


Voilà donc les deux candidats défaits à la chefferie du PLQ qui, dans cette saga UPAC-Ouellette, en profitent aussi pour dire tout haut ce qu’ils en pensent vraiment. Et ce faisant, allant aussi à l’encontre de ce qu’en dit Philippe Couillard ou de ce qu'il n'a pas voulu en dire.


À moins d’un an des élections, à moins d'un revirement majeur, ça n’augure rien de très bon pour un premier ministre et un chef de parti déjà en perte de vitesse dans les sondages.