Le député libéral de Laurier-Dorion, Gerry Sklavounos, n’en est pas à sa première ineptie. En novembre dernier, il avait laissé entendre que le rapatriement des pleins pouvoirs en matière de justice criminelle ferait du Québec une destination de choix pour les criminels. Faire un rapprochement entre la crise étudiante et celle d’octobre 1970 en évoquant l’assassinat de Pierre Laporte ne témoignait pas du meilleur jugement.
M. Sklavounos a eu beau se justifier en expliquant qu’il avait simplement voulu replacer dans son contexte une citation de John F. Kennedy utilisée par Dan Bigras, cet incident illustre à quel point le climat qui règne actuellement au Québec est propice aux dérapages.
Il a cependant raison sur un point : déclencher des élections générales sans avoir trouvé un moyen de dénouer au moins temporairement la crise serait non seulement « grotesque », mais totalement irresponsable. Le PLQ pouvait toujours déménager son conseil général à Victoriaville, loin de la grande Babylone montréalaise, mais le premier ministre Charest ne pourrait tout de même pas y passer toute la campagne !
Il ne s’imaginait sûrement pas que son offre « globale » de vendredi serait d’un quelconque intérêt pour les associations étudiantes. On ne fait pas trois mois de grève simplement pour changer « quatre trente sous pour une piastre ». Manifestement, cette offre visait essentiellement à dissiper dans l’opinion publique la fâcheuse impression que le gouvernement voyait plus d’avantages à faire durer le conflit qu’à chercher un moyen d’y mettre fin.
En 1989, Robert Bourassa avait pu profiter d’une grève des infirmières pour redresser le cours d’une campagne qui avait très mal commencé, mais M. Charest ne peut pas s’offrir le luxe de laisser la situation se détériorer encore à Montréal.
Après un seul mandat, l’insatisfaction à l’endroit du gouvernement Bourassa était d’ailleurs bien moindre. Personne ne remettait en doute sa légitimité, alors que le gouvernement Charest ne dispose plus que d’une autorité morale très limitée. Les grévistes ne représentent peut-être que 35 % des étudiants de niveau postsecondaire, mais on pourrait répliquer qu’en décembre 2008, le PLQ n’a recueilli que 42 % des voix dans un scrutin où seulement 57 % des électeurs inscrits se sont prévalus de leur droit de vote.
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Certes, le gouvernement ne doit pas céder à la rue, mais il a aussi l’obligation de trouver une issue à une crise qui risque maintenant de s’éterniser. Gouverner, ce n’est pas simplement faire preuve de fermeté. Pas plus que le principe de l’utilisateur-payeur n’est synonyme de justice sociale.
Le grand succès des associations étudiantes est non seulement d’avoir su prévenir l’essoufflement du mouvement de grève, mais surtout d’avoir réussi à transformer le débat sur la hausse des droits de scolarité en véritable débat de société. Certains veulent encore y voir le combat égoïste d’une génération d’enfants-rois, mais trop de voix diverses se sont jointes à celles des étudiants pour qu’on se limite à une interprétation aussi étroite.
Aussi habile qu’il puisse être, il n’appartient pas à un médiateur de faire des choix de société. Cette responsabilité incombe à l’ensemble de la population qui aura à en faire les frais. L’important est de faire en sorte que le débat puisse se faire dans une relative sérénité.
L’automne dernier, M. Charest avait profité de l’ouverture du congrès libéral pour annoncer, à la surprise générale, la mise sur pied d’une commission d’enquête sur la corruption dans l’industrie de la construction, une heure à peine après que son ministre de la Justice, Jean-Marc Fournier, avait réitéré qu’il n’en était pas question.
Pourquoi ne profiterait-il pas de l’ouverture du conseil général, vendredi soir, à Victoriaville, pour décréter un moratoire, le temps nécessaire à la tenue d’élections générales ? À partir du moment où les étudiants retournent en classe, il n’y aurait plus rien d’« ignoble » à faire de la hausse des droits de scolarité le grand enjeu des élections.
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La semaine dernière, M. Charest a profité de l’étude des crédits du conseil exécutif en commission parlementaire pour faire l’éloge de Jean Lesage, qui n’avait pas hésité à faire porter les élections de 1962 spécifiquement sur la nationalisation de l’électricité. « Même ceux qui s’opposaient à Lesage à ce moment-là sont d’accord pour dire que c’était une bonne idée d’aller en élection, puis d’aller chercher l’appui de la population », a-t-il déclaré.
Pour les libéraux, cela pourrait bien être la meilleure carte à jouer. On aura beau multiplier les opérations de marketing du Plan Nord, le projet prête néanmoins flanc aux soupçons de favoritisme et de vente au rabais de nos ressources naturelles, dont l’opposition fera ses choux gras.
Sur la question des droits de scolarité et du respect de l’ordre, le gouvernement n’aurait aucun mal à opposer la clarté de ses positions à l’ambiguïté que Pauline Marois cultive depuis trois mois. Le PLQ sait parfaitement qu’il ne peut rien attendre des étudiants, mais le PQ aura fort à faire pour contrer l’attrait que présente la gratuité promise par Québec solidaire. Quant à la CAQ, elle est condamnée à appuyer la position du gouvernement.
mdavid@ledevoir.com
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