L'hémorragie normale

Pacte électoral - gauche et souverainiste


La politique n'est pas faite pour les âmes dépressives, mais il faut vraiment avoir un moral d'acier pour ne pas se laisser abattre par l'hémorragie qui se poursuit au PQ.
À la mi-septembre, quand l'exécutif de l'association de Nicolet-Yamaska a démissionné en bloc dans la foulée de son député, Jean-Martin Aussant, le président du PQ, Raymond Archambault, a parlé d'un «événement marginal».
Malgré le départ fracassant du président de la région de Montréal-centre et de celui de l'association d'Hochelaga-Maisonneuve, deux semaines plus tôt, il n'y avait apparemment aucune raison d'en faire un plat.
Cette semaine, la démission du président de l'association de Saint-Henri-Sainte-Anne, François Lemay, est apparue tout aussi normale à M. Archambault. Il en survient chaque année et dans tous les partis, a-t-il expliqué, sauf que les médias n'y portent pas autant d'attention.
Peut-être, mais ceux qui passent le relais s'abstiennent généralement de dénoncer l'incurie du chef, son manque de flair et son refus obstiné de faire les changements qui s'imposent au moment où le parti est menacé de disparition.
Peu importe, l'entourage de Pauline Marois, qui semble incapable de la moindre autocritique, y verra sûrement une nouvelle tentative de saper son leadership. La théorie du complot est très à la mode cet automne.
Alors que la «gouvernance souverainiste» est perçue par plusieurs comme une façon de renvoyer le référendum aux calendes grecques, voilà que le président de l'association de Charlesbourg, Patrick Voyer, claque la porte à son tour, reprochant plutôt à Mme Marois de sacrifier l'économie à son obsession référendaire. Encore normal, je suppose. Après tout, il faut bien que la capitale affirme sa différence.
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Cette remarquable normalité n'en force pas moins la direction du parti à multiplier les entourloupettes pour tenter de limiter les dégâts, comme en témoigne le chambardement de l'ordre du jour du conseil national qui se tient aujourd'hui à Drummondville.
Le PQ étant ce qu'il est, la «rénovation démocratique» initiée par les propositions de Bernard Drainville, dans lequel certains voyaient une façon de sortir de la crise provoquée par le projet de loi 204 sur l'amphithéâtre de Québec, est en train d'en créer une autre.
Il est vite apparu que le renvoi des propositions du député de Marie-Victorin et de deux de ses collègues, Sylvain Pagé (Labelle) et Pascal Bérubé (Matane), à un comité présidé par la nouvelle présidente du caucus, Monique Richard, était perçu comme une mise aux oubliettes.
Les militants voulaient en débattre, mais le conseil national de Drummondville venait un peu trop tôt pour permettre une gestion efficace du dossier. Il était hors de question de laisser M. Drainville, maintenant tenu en haute suspicion, s'adresser directement aux militants, mais confier la présentation de ses propositions à Mme Richard aurait pu faire mauvaise impression.
On a donc décidé de tenir un autre conseil national à la fin de novembre. Entre-temps, la commission politique du PQ sera saisie du dossier et c'est son président, Alexandre Thériault-Marois, qui sera alors chargé de faire rapport.
Ceux qui espèrent amender le programme officiel du parti pour y inclure la «rénovation démocratique» risquent toutefois d'être déçus. Dans une entrevue au Soleil, Mme Richard a indiqué que les délégués auront à «apprécier» les diverses propositions. Cette semaine, Mme Marois a cependant expliqué au caucus des députés que le débat se fera dans un forum organisé en marge du conseil national et non pas dans le cadre du conseil lui-même. Il ne s'agira donc pas d'une instance décisionnelle. Tout cela peut sembler un peu chinois au commun des mortels, mais la démocratie péquiste est parfois assez tortueuse.
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Quoi qu'il en soit, les militants réunis à Drummondville discuteront plutôt de ressources naturelles, un dossier dont Mme Marois entend faire une priorité d'ici les prochaines élections générales.
Pour l'occasion, trois députés feront un exposé: Martine Ouellet (Vachon), qui est la porte-parole du PQ en matière de mines et de gaz de schiste, Luc Ferland (Ungava), porte-parole en matière de développement nordique, et Nicolas Marceau (Rousseau), porte-parole en matière de finances et de développement économique.
Curieusement, Bernard Drainville, qui est le porte-parole en matière de développement et d'indépendance énergétique, ne fera pas partie du panel. Un oubli pour le moins étonnant au moment où on apprend que le potentiel pétrolier de l'île d'Anticosti pourrait dépasser les 40 milliards de barils. Lors d'un conseil national précédent, les délégués avaient beaucoup aimé entendre M. Drainville expliquer qu'entre l'indépendance énergétique du Québec et son indépendance tout court, il n'y a qu'un pas.
C'est la première fois que Mme Marois rencontrera ses militants depuis le congrès d'avril dernier, alors qu'elle avait reçu l'appui de 93% des délégués. Le cliché selon lequel six mois sont une éternité en politique a rarement été aussi bien illustré.
Heureusement, le rapport Duchesneau lui évitera de s'étendre indûment sur tous les malheurs qui se sont abattus sur le PQ depuis avril. Les démissions survenues cette semaine font malheureusement craindre que l'hémorragie se poursuive normalement.


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