L’inévitable gratuité

C’est, comme l’était la Révolution tranquille, un projet de société que nous avons devant nous. Pas un caprice d’enfants gâtés, pas une folle dépense comme certains le disent, mais un choix de société. Ce choix, nous l’avons fait collectivement dans les années 60.

Conflit étudiant - grève illimitée - printemps 2012



Pour célébrer cette fête des mères, si vous avez des enfants dans la rue, racontez-leur l’histoire de la gratuité scolaire en leur expliquant qu’elle fait partie d’une réflexion qui s’est amorcée à la fin des années 50 au Québec. Dans Le Devoir de samedi dernier, Odile Tremblay signalait la reprise, au cinéma du Parc, du film de Jean-Claude Labrecque, L’histoire des trois, tourné en 1990 et qui raconte l’aventure de trois étudiants de l’Université de Montréal, Francine Laurendeau, Bruno Meloche et Jean-Pierre Goyer, délégués par leur association après des grèves étudiantes dans les universités québécoises afin de réclamer la gratuité scolaire auprès du célèbre Maurice Duplessis qui n’avait pas la réputation d’encourager l’éducation de son peuple.
Les trois jeunes ont fait le pied de grue devant les bureaux du premier ministre, sans jamais réussir à obtenir une seule rencontre avec le grand homme qui les a traités avec mépris comme le fait le PM d’aujourd’hui avec ceux et celles qui sont de nouveau dans la rue depuis trois mois eux aussi. Les membres du fameux trio ont perdu leur année scolaire en 1958, mais ils avaient acquis une expérience qui valait bien des diplômes et qui allait faire d’eux des citoyens engagés pour toute leur vie.
Avec la Révolution tranquille en 1960, on a vu se dessiner ce que j’appelle « les deux colonnes du temple » que sont les dossiers de la santé et de l’éducation. Ils allaient permettre à la société québécoise de faire un rattrapage important, après des siècles de bondieuseries qui en avaient fait des spécialistes du péché mortel et du prix des cierges et des lampions, mais certainement pas de l’apprentissage des sciences et de la culture générale. Cette période a souvent été décrite comme la fin de la Grande Noirceur.
En peu de temps, on a vu que les soins de santé pouvaient être autre chose qu’un privilège réservé à ceux qui avaient les moyens de se l’offrir. Dorénavant, les pauvres et les riches seraient sur un pied d’égalité face à la médecine. Et ç’a été vrai pendant un bon moment. Je conviendrai avec vous sans difficulté que le système a été perverti avec le temps. Les gouvernements successifs ont trop souvent bafoué les valeurs à l’origine du système de santé qui est maintenant plein de trous, mais certainement pas irréparable. Il suffirait de quelqu’un avec un peu de courage politique, et ce ne sont pas 200 $ de plus par année qui vont nous faire retrouver ce que nous considérions comme un énorme succès au début. Il faut bouger avant que le mal soit irréparable.
La deuxième colonne du temple, c’est l’éducation. C’est le rapport Parent sur l’éducation qui a vraiment repris la question de la gratuité scolaire jusqu’à l’Université. La réforme de l’éducation proposée par le rapport Parent était si importante que tout ne pouvait pas se faire d’un seul coup. L’éducation a été repensée entièrement. On a tout remis sur la table, tout revisité, tout réévalué et le ministre de l’époque, Paul Gérin-Lajoie, a eu l’audace et le courage de tout bousculer quand c’était nécessaire, mais surtout de convaincre les communautés religieuses et les évêques de lâcher prise pour permettre à toute une jeunesse de prendre son envol. Les changements étaient si importants, si audacieux, qu’ils faisaient peur. C’est sans doute pourquoi la recommandation de la gratuité universitaire a dû être mise en attente pour que le démarrage puisse se faire pour tout le reste.
La gratuité aux autres niveaux a permis à des centaines de milliers de garçons et de filles de devenir des citoyens plus instruits que ceux qui les ont précédés. C’est ce que nous a rappelé Guy Rocher à quelques reprises récemment, lui, l’un des auteurs du rapport Parent, qui n’a pas hésité à dire que la gratuité universitaire serait un bienfait pour notre société.
C’est, comme l’était la Révolution tranquille, un projet de société que nous avons devant nous. Pas un caprice d’enfants gâtés, pas une folle dépense comme certains le disent, mais un choix de société. Ce choix, nous l’avons fait collectivement dans les années 60. Il est difficile à mener à terme parce que les oppositions de tous ordres ont eu le temps de développer leurs moyens de sabotage. Mais la valeur des choix qui ont été faits, il y a plus de 50 ans, est bonne puisque les citoyens ordinaires continuent à les défendre chaque fois qu’ils sont attaqués.
On pourrait épargner de l’argent dans l’arrêt des subventions aux écoles privées, la fin des dépassements de coûts des contrats gouvernementaux, l’arrêt du gaspillage érigé en système, de meilleurs contrôles des dépenses des entreprises d’État (Hydro-Québec, Loto-Québec, SAQ et autres babioles). Rangez-vous du côté de vos enfants. Ils savent ce qu’ils font.
Bonne fête des Mères.


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