La bruxellisation de Montréal

Le point de non retour est fixé : en 2016, Montréal sera majoritairement anglaise

Anglicisation du Québec

Il y en a encore pour se dire surpris de la régression du français à Montréal. Les chiffres présentés par Pierre Curzi sont pourtant connus depuis un bon moment. À tout le moins, personne ne pourra prétendre ne pas avoir entendu l’alarme. Le point de non retour est fixé : en 2016, Montréal sera majoritairement anglaise.
Le Parti libéral s’est contenté de reprendre le refrain du politiquement correct avec une mise en garde contre la paranoïa identitaire. D’autres crieront probablement à l’alarmisme, surtout chez les praticiens d’une certaine démographie faisant tout pour neutraliser statistiquement la réalité de la régression du français en reconstruisant idéologiquement sans cesse les catégories permettant d’évaluer son état de santé.
Mais les faits sont têtus. Nous assistons effectivement à la désaffiliation progressive de la métropole par rapport à la société québécoise. Montréal comme Bruxelles accuse de plus en plus son contraste identitaire, linguistique et démographique avec la société dont elle est la métropole. On pourrait parler d’une bruxellisation de Montréal.
Cette dynamique de désaffiliation se concrétise avec l’apparition d’une « identité montréalaise » que revendiquent les élites de la métropole, même francophones. Parmi ces dernières, on en entend de plus en plus confesser qu’ils se reconnaissent plus d’affinités avec les Torontois, les New-Yorkais ou les Barcelonais qu’avec les gens des régions du Québec. Être « Montréalais d’abord » est la nouvelle manière tendance de se soustraire à la référence québécoise. Montréal a de plus en plus l’allure d’un laboratoire identitaire postnational et postmoderne. L’identité nationale, elle, appartiendrait à la préhistoire de la démocratie.
Cette nouvelle dynamique porte évidemment à conséquence dans notre rapport à l’intégration des immigrants. On l’a vu avec la crise des accommodements raisonnables quand on accusait les « Québécois des régions » de ne pas comprendre les subtils équilibres identitaires de la métropole, acclimatée en profondeur à la diversité. Conséquence de cela, on demande moins aux immigrants de s’intégrer au Québec français qu’à une métropole multiculturelle qui n’exige plus d’aucune manière de prendre le pli identitaire de la majorité historique québécoise. Comment le demander, d’ailleurs, dans la mesure où cette dernière est de plus en plus une « minorité audible » dans la métropole ?
L’identité québécoise trouve sa base démographique en régression à Montréal. Sans surprise, le français n’est plus la langue qui s’impose mais celle qu’on tolère. Et qu’on tolérera de moins en moins d’autant plus que les francophones les plus en vue sont les premiers à consentir à cette forme de bilinguisme faussement cosmopolite qui masque bien mal la disparition du français comme langue d’intégration sociale. Il n’est plus rare d’entendre, dans la jeune génération, une nouvelle forme de « parler bilingue » à la Justin Trudeau où l’anglais et le français s’enchevêtrent dans un sabir détestable sauf pour ceux qui font du bricolage identitaire un idéal émancipateur.
Chose certaine, sans une métropole moderne assurant une forme d’universalité francophone en Amérique, nous assisterons à la provincialiation de la société québécoise. D’ailleurs, les souverainistes devraient s’inquiéter de la dénationalisation de Montréal. Le mouvement partitionniste qui s’est déployé après le dernier référendum réclamait l’éventuelle partition du West Island en cas d’indépendance. Si la tendance se maintient, c’est Montréal dans son ensemble qui réclamera la même chose dans de semblables circonstances en cherchant à devenir une nouvelle cité-État postmoderne.
Il reste à l’opposition péquiste à se comporter comme une opposition véritablement nationaliste en ne se contentant plus de mesures de redressement dérisoires faites pour ne pas inquiéter les gardiens de la « paix linguistique ». La reconquête de Montréal est le nouvel horizon du nationalisme québécois. On y trouvera peut-être l’occasion de rafraichir un vieux slogan qui prend ici une nouvelle jeunesse : Maîtres chez nous.


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