Pauline Marois (Photo: Jacques Nadeau) Québec -- Pauline Marois est une politicienne aguerrie qui se double d'une femme d'État dotée d'une longue feuille de route. C'est pourquoi il est toujours étonnant de la voir manifester une candeur désarmante.
Au lendemain de son couronnement, dès son premier point de presse, jeudi, à titre de chef du Parti québécois, Pauline Marois a répondu -- avec franchise, n'en doutons pas -- à cette question d'une journaliste: serait-elle au pouvoir pendant un, deux ou trois mandats sans tenir de référendum? Oui, a-t-elle répondu, le plus spontanément du monde. «Ça dépendra du moment où les gens nous diront qu'ils veulent qu'on tienne un référendum.»
Du coup, Mme Marois laissait entrevoir la perspective que le Parti québécois puisse gouverner le «Québec province» pendant 10 ou même 12 ans. De quoi faire grincer des dents bon nombre de péquistes, et pas seulement les purs et durs.
Ce faisant, la chef péquiste répondait à une question hypothétique à laquelle les politiciens ordinaires refusent de répondre. Il y a quelque chose d'éminemment hypothétique dans la perspective que Pauline Marois se retrouve première ministre pendant trois mandats de suite -- jusqu'en 2020 -- et, qui plus est, sans qu'un référendum sur la souveraineté -- la raison d'être du PQ -- soit tenu.
Mais Pauline Marois ne faisait que tirer les conclusions de sa prise de position sur le référendum. Cela fait des années que les Québécois ne veulent pas entendre parler d'un référendum sur la souveraineté, et on ne peut pas prédire quand ils auront le goût et la volonté de se doter de leur propre pays.
Loin d'une première
C'est loin d'être la première fois que Pauline Marois fait preuve d'une candeur qu'on peut qualifier de brutale. En pleine course à la direction du PQ, en 2005, la candidate avait déclaré qu'au lendemain d'un référendum gagnant, le Québec traverserait une période de cinq ans de perturbations. Cette prédiction non seulement contredisait le credo péquiste qui veut que l'accession du Québec à la souveraineté se ferait sans heurts, elle donnait aussi des munitions aux fédéralistes, à commencer par Jean Charest, qui n'a pas manqué d'exploiter cette déclaration. Encore là, Pauline Marois a voulu faire preuve de franchise.
Dès le lendemain de la démission de Bernard Landry, en juin 2005, Pauline Marois ne s'était pas gênée pour confirmer sa candidature afin de lui succéder. On lui a beaucoup reproché cette précipitation. Sylvain Simard n'y était pas allé de main morte. «J'aurais apprécié que tout le monde attende que le cadavre refroidisse. Il y a des gens qui ont montré dans la vie un manque de sens de synchronisation, de timing, extraordinaire.» Mais pour Mme Marois, refuser de faire connaître ses intentions alors qu'elles étaient évidentes, c'était tout simplement de l'hypocrisie. Gageons que la chef péquiste se souvient de cette déclaration cinglante de M. Simard alors qu'il cherche aujourd'hui à rentrer dans ses bonnes grâces.
Citons un autre exemple où la franchise de Pauline Marois l'a mise dans l'embarras. C'était à l'automne 2001, alors qu'elle était ministre des Finances. «Techniquement, on est dans une forme de récession», avait-elle affirmé. Or il existe une règle tacite: un ministre des Finances ne peut pas évoquer l'arrivée imminente d'une récession. Une telle déclaration peut avoir un impact sur les marchés ou influencer le comportement des gens. Consciente d'avoir commis un impair, elle avait cette fois-là tenté de corriger le tir.
Pas de demi-vérités
Toute vérité n'est pas bonne à dire en politique. Or Pauline Marois entend faire le pari de la franchise. En dehors du secret budgétaire, de la discrétion entourant les projets de loi en préparation ou les négociations quand il y a lieu de ne pas négocier sur la place publique, la chef péquiste dira ce qu'elle pense. «C'est fini, ce temps des demi-vérités. Avec Pauline, un chat, c'est un chat. S'il est blanc, il est blanc, s'il est noir, il est noir, s'il est gris, il est gris», fait valoir son attachée de presse, Christiane Miville-Deschênes.
Les Québécois ne veulent rien savoir d'un référendum sur la souveraineté? Qu'on le dise. On ne sait pas quand ils en voudront un? Qu'on le dise aussi. Et le corollaire, c'est qu'un gouvernement dirigé par Pauline Marois continuera entre-temps de faire progresser le Québec au sein du Canada.
À la faveur de la «saison des idées» menée par Bernard Landry, le PQ avait adopté une stratégie proche de l'autosuggestion: un gouvernement péquiste tiendra un référendum le plus rapidement possible au cours du mandat. Comme le général qui ne peut qu'envisager une chose: la victoire. La guerre est déjà perdue si l'armée ne croit pas en ses chances. Même si cela ne correspond plus à la réalité.
Avec Pauline Marois, plus question d'en faire accroire. C'est le retour sur le plancher des vaches. Au pragmatisme. À la réalité la plus plate, même si elle désespère une bonne partie des troupes. Les dissidents n'ont plus qu'à rentrer dans le rang. La nouvelle chef a été plébiscitée alors que l'existence même du PQ est en jeu.
La candeur brutale de Pauline
La nouvelle chef du PQ entend faire le pari de la franchise
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