Personne n'a dû être très surpris de voir Bernard Landry asséner le coup de pied de l'âne à Pauline Marois. Au moment où le PQ dégringolait dans les sondages, au début de 2007, il avait multiplié les entrevues pour dénoncer le manque de jugement d'André Boisclair. Même ceux qui n'auraient pas vu son retour d'un trop mauvais œil avaient trouvé indécente cette offre de services implicite.
«Je ne veux pas tirer dans le dos de quiconque», s'est défendu M. Landry dans une entrevue à La Presse, avant de déplorer une crise de militantisme sans précédent au PQ et d'inviter la chef péquiste à «réfléchir». S'il avait fallu qu'il soit animé par de mauvaises intentions!
«Le fond des choses, c'est que le PQ a été fondé pour faire l'indépendance et non pour gouverner le Québec», a-t-il déclaré. Cela résume très bien le débat qui déchire le PQ depuis sa fondation et qui ébranle présentement le leadership de Pauline Marois.
L'ancien premier ministre devrait cependant se garder une petite gêne. Il est vrai qu'au congrès de 2005, il avait tenté de sauver son propre leadership en laissant les délégués adopter le programme le plus radical en plus de 30 ans. La plateforme électorale qu'il avait présentée en 2003, alors qu'il était en plein contrôle, n'avait cependant rien à envier sur le plan de l'attentisme à la «gouvernance souverainiste» proposée par Mme Marois.
«Un référendum ne sera tenu qu'en accord avec la population et lorsque la perspective d'une victoire apparaîtra clairement à l'horizon», pouvait-on y lire. En attendant, M. Landry semblait n'avoir aucune objection à gouverner une province.
Jacques Parizeau lui-même avait déclaré, durant la campagne électorale de 1994: «Un gouvernement d'abord, la souveraineté ensuite.» Il avait ajouté que «le véritable enjeu de cette élection, c'est de se donner un vrai gouvernement capable de sortir le Québec du marasme». Mme Marois ne dirait pas mieux.
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Le gâchis est tel qu'on peut comprendre Mme Marois de ne pas vouloir jeter de l'huile sur le feu. S'engager dans une polémique avec ses prédécesseurs leur donnerait simplement un prétexte pour en remettre. Déjà, provoquer M. Parizeau était une grave erreur.
De là à faire comme si de rien n'était, il y a cependant une marge. Convoquer une conférence de presse mais se refuser à tout commentaire sur une crise aussi grave était pour le moins bizarre. Ramener cette dernière à une simple distraction, comme l'a fait la chef péquiste, devrait lui valoir le prix de l'euphémisme de l'année.
Elle a dit vouloir calmer le jeu, mais la lettre qu'elle publie aujourd'hui dans Le Devoir n'apaisera certainement pas ses détracteurs. Présenter une plateforme électorale deux ans d'avance est pour le moins original, mais le premier ministre Charest se fera un plaisir de laisser au PQ tout le temps dont il a besoin pour s'autodétruire avant d'appeler la population aux urnes.
D'ici là, il ne manquera aucune occasion de souligner que le «nouveau PQ» ressemble à s'y méprendre à l'ancien, dans la mesure où la souveraineté est toujours inscrite à l'article 1 du programme, même si le référendum a été reporté au «moment jugé opportun». Et puis, les chicanes sont toujours à l'ordre du jour, que ce soit avec Ottawa ou à l'intérieur du parti.
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L'heure n'est pas encore au putsch. Le petit-fils de M. Parizeau, Hadrien, qui préside l'association de Crémazie, ne réclame plus la démission de Mme Marois. Il n'est plus question non plus que l'ancien premier ministre, Lisette Lapointe et Jean-Martin Aussant participent à un cocktail de financement.
De son côté, Mme Marois a évoqué le «droit à la dissidence» qui existe au PQ. Les statuts du parti lui permettraient de mettre l'association de Crémazie en tutelle, mais elle ne tient pas à relancer les hostilités. Le SPQ Libre n'avait pas eu droit à la même indulgence l'an dernier.
Un putsch n'a de sens que si on a un remplaçant sous la main. Certains voient en Jean-Marie Aussant un futur leader. Le député de Nicolet-Yamaska est indéniablement un homme de qualité et un souverainiste inconditionnel, mais il demeure parfaitement inconnu de la population. Le dernier baromètre des personnalités politiques de Léger Marketing indiquait que trois Québécois sur quatre ignoraient qui il était.
Pierre Curzi, qui partage le haut du palmarès avec François Legault, tiendra une assemblée publique pour expliquer sa démission à ses commettants de Borduas. L'automne dernier, certains de ses collègues péquistes avaient été surpris du peu de subtilité avec laquelle il avait affiché ses visées sur la direction du PQ, mais il semble aujourd'hui très déçu de la politique, que ce soit au PQ ou ailleurs.
L'ancien député «pur et dur» de L'Assomption, Jean-Claude Saint-André, invite les députés démissionnaires à s'employer à la formation d'une «nouvelle force politique». Il est probable qu'à la rentrée d'automne, ils cherchent à coordonner leur action, mais il serait étonnant que cela aille plus loin. N'en déplaise à Mme Marois, les prochains mois seront quand même très distrayants.
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