L’histoire du Québec est directement liée à celle de l’opposition entre la France et l’Angleterre. En effet, les deux pays forment deux grandes puissances qui cherchent à asseoir leur domination sur l’autre afin d’étendre leur influence. Entre 1534 et 1763, la Nouvelle-France constitue un empire colonial beaucoup plus étendu que celui de l’Angleterre au sein de l’espace nord-américain. Il s’étend du Grand Nord canadien jusqu’à la Louisiane. Cependant, ce vaste empire français n’est peuplé que de 70 000 colons contre plus d’un million d’habitants au sein des Treize colonies britanniques. Les autorités françaises ont habilement manœuvré pour mener une conquête territoriale de l’Amérique du Nord qui encercle les Anglais. Ces derniers sont bloqués sur une mince bande le long du littoral atlantique et ne peuvent mener une expansion vers l’ouest. Face à un accroissement constant de la population des colonies, les Britanniques sont tentés de s’approprier les possessions françaises. Le contexte de la guerre de Sept ans en Europe fournis le prétexte idéal aux Anglais pour s’attaquer aux Français en Amérique du Nord.
En 1754, la Nouvelle-France et les Treize colonies britanniques possèdent tous deux environ 5 000 soldats. À ces troupes s’ajoute une milice formée, par la population locale, et des alliances avec les nations amérindiennes. Par exemple, les Français sont alliés aux Hurons, tandis que les Anglais sont alliés aux Iroquois. Cependant, le rapport de force est en faveur des colonies britanniques car elles ont un potentiel de mobilisation de leur population 20 fois supérieur à celui de la colonie française. Pour compenser sa faiblesse numérique, l’administration coloniale a organisé la Nouvelle-France selon un modèle de société militarisée. Par exemple, tous les hommes valides, âgés de 16 à 60 ans, ont l’obligation de servir dans la milice. La capitale de la Nouvelle-France, Québec, occupe une position stratégique. Elle se situe à l’embouchure du fleuve Saint-Laurent qui constitue la seule voie d’accès maritime à la colonie. La ville est donc fortifiée, tandis que les berges sont aménagés très en amont afin d’assurer une défense dans la profondeur.
Les militaires français s’appuient sur la population locale, les colons francophones et sur les alliés amérindiens qui connaissent très bien le terrain, pour organiser une défense territoriale à moindre coût. C’est dans ce contexte qu’en Nouvelle-France, les combattants pratiquent la « petite guerre » pour mener des combats asymétriques. Ils utilisent leur connaissance du terrain pour surprendre les Britanniques et les frapper là où ces derniers ne s’y attendent pas. Cet art de la guerre repose sur un ressort psychologique : l’effet de sidération. Il s’agit de désorganiser l’adversaire en pratiquant des actions de combats peu usités par les militaires en Europe comme les embuscades ou le scalp des prisonniers. Les combattants britanniques, habitués à la bataille en rang serré, n’ont pas de doctrine d’emploi de leur force leur permettant de faire face à un ennemi qui refuse tout combat frontal. Ils sont donc déroutés par les colons français qui ne se battent jamais en terrain à découvert, recourent systématiquement à l’art du camouflage et n’hésiter pas à pratiquer le scalp des prisonniers comme les Amérindiens. Malgré leur supériorité numérique, les Britanniques sont donc en grande difficulté face aux Français au début de la guerre de Sept ans. Par exemple, en 1754, George Washington, futur président des États-Unis, est mis en déroute avec ses miliciens lors de sa tentative de prise de contrôle de la vallée de l’Ohio. En 1755, le général Edward Braddock, à la tête d’une force de 1 500 soldats professionnels britanniques, est vaincu par 600 amérindiens et 250 miliciens canadiens francophones. Le général est tué et sa troupe se replie dans une débâcle la plus totale. Le bilan de cette bataille est de 500 tués chez les Britanniques et 23 morts chez les Français. Les militaires français cherchent à maintenir une pression constante sur les Anglais au moyen de raids qui vont frapper l’ennemi en profondeur sur son territoire. Le but de cette manœuvre est de terroriser les colons britanniques afin de les décourager de servir dans la milice.
Cependant, face à des combats qui s’enlisent en Amérique du Nord, l’Angleterre décide de réagir en renforçant son effort de guerre dans cette région du monde. Le Premier ministre William Pitt ne cesse de renforcer son effectif de soldats. Les militaires britanniques finissent également par s’adapter à la tactique utilisée par les Français. Par exemple, en 1758, ils se dotent de compagnies d’infanterie légère dotée de tenues aux couleurs permettant un meilleur camouflage. De son côté, la Nouvelle-France reçoit également des renforts militaires. Les officiers qui arrivent de métropole sont formés à l’art de la guerre à l’européenne et ne rejettent les modes d’action mis en œuvre jusque-là avec succès. Par exemple, en 1756, le général Montcalm, nouvellement affecté à la tête des troupes de la colonie, se plaint au ministre de la Guerre que les combattants de la Nouvelle-France ne connaissent rien à la guerre. Il s’insurge contre le fait que les miliciens canadiens francophones se battent « comme des sauvages ». De fortes tensions apparaissent donc entre les militaires français venus de métropole et les miliciens. Pendant ce temps, le rapport de force entre la Nouvelle-France et les Treize colonies britanniques ne cesse de pencher en faveur des Anglais. Le décalage entre les effectifs de l’armée anglaise présente en Amérique du Nord et de l’armée française se creuse.
La guerre de Sept n’est pas qu’un conflit terrestre. En effet, pour soutenir leur effort de guerre, la France et l’Angleterre doivent entretenir une logistique militaire considérable entre l’Europe et l’Amérique du Nord. Les deux pays se mènent donc une guerre impitoyable pour le contrôle des océans. La supériorité de la marine britannique constitue un atout majeur pour l’Angleterre. Elle empêche la France d’envoyer les renforts nécessaires dans sa colonie. En 1758, les Anglais prennent la forteresse Louisbourg qui permettait aux Français de contrôler l’accès au fleuve Saint-Laurent. Le Premier ministre Pitt décide d’exploiter cette situation à son profit. Il charge le major général Wolfe de s’emparer de Québec qui, en tant que capitale politique, économique et culturelle de la colonie, constitue le centre de gravité de la Nouvelle-France. Cependant, Wolfe est confronté à la stratégie défensive très efficace de Montcalm. Pour affaiblir la résistance des colons français, Wolfe ordonne de bruler toutes les communes qui résistent aux Anglais. Loin de les effrayer, cette stratégie de la terreur radicale les habitants. Les Canadiens français vouent une inimitié toute particulière aux Britanniques et se montrent prêts à se battre jusqu’au bout. Au final, le général britannique est contraint de préparer huit plans d’attaques différents. À cours de solutions, il finit par s’appuyer sur le dernier plan que lui ont préparé ses subordonnés. Il décide de mettre en œuvre l’un des principes fondamentaux de la guerre à savoir la concentration des efforts militaires contre le point faible de l’adversaire. Il fait donc débarquer ses troupes en amont de Québec à l’Anse au Foulon le 12 septembre 1759. Ce faisant, il dispose d’une position d’artillerie lui permettant de mieux frapper la ville. Il possède également une force de 4 000 soldats. En face, le général Montcalm est en infériorité numérique. Il redoute également que les Anglais ne renforcent leur artillerie. Son impulsivité et son impatience l’empêchent d’attendre le renfort des 3 000 hommes commandés par Bougainville. Le 13 septembre, il décide d’attaquer les forces anglaises sur les plaines d’Abraham. Fidèle à sa réputation d’homme courageux, Montcalm se bat avec fougue sur le champ de bataille ce qui lui vaut d’être mortellement blessé lors des combats. Wolfe meurt lui aussi pendant les affrontements. Cependant, le rapport de force est en faveur des Britanniques. Les Anglais s’emparent de Québec. La ville capitule le 18 septembre 1759. Il s’ensuit alors une période d’intenses négociations entre la France et l’Angleterre. Montcalm a fait deux erreurs stratégiques majeures. La première est qu’il n’a pas pris en compte tout le terrain. En particulier, il n’a pas envisagé l’Anse de Foulon comme point de débarquement possible pour les Anglais. Sa deuxième erreur, toute aussi grave, est d’avoir, une fois de plus, rejeté l’art de la petite guerre. Il a lancé toutes ses forces à découvert contre les Britanniques dans la bataille des plaines d’Abraham. En se battant à l’européenne et en situation d’infériorité numérique, les Français ne pouvaient pas vaincre les Anglais en terrain libre.
La guerre de Sept ans s’achève en Amérique du Nord avec la signature du traité de Paris du 10 février 1763. La Nouvelle-France disparaît pour devenir une colonie britannique appelée la « Province of Quebec » le 7 octobre 1763. Il s’agit de la première fois que le mot « Québec » est utilisé pour désigner le territoire où vivent les colons francophones.
Bibliographie :
René Boulanger, La bataille de la mémoire, Les éditions du Québécois, 2011, 156 p.
Sophie Imbeault, Denis Vaugeois, Laurent Veyssière, 1763 : le traité de Paris bouleverse l’Amérique, Septentrion, 2013, 420 p.
Louis Dechêne, Le peuple, l’État et la guerre au Canada sous le régime français, Boréal, 2008, 662 p.
Marc Durand, Histoire du Québec, Imago, 2011, 236 p.
Daniel Vernet, Le roman du Québec, Éditions du Rocher, 2008, 193 p.
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2 commentaires
Archives de Vigile Répondre
9 juin 2017J'ai regroupé mes principaux articles sur le Québec dans un livre intitulé "Chroniques d'Amérique du Nord (Tome 1)". Il est disponible sur Amazon à l'adresse suivante :
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Cordialement.
Yves Corbeil Répondre
27 février 2017Moi je préfère lire ceux-ci pour savoir d'où je viens. Pourquoi je suis comme je suis et que j'ai tendance à m'entendre avec tous le monde sans problème car la vie est un ensemble de bon procédés pour être capable de vivre ensemble.
Par contre je comprends aussi pourquoi j'ai de la misère avec ceux qui nous font sué depuis un crisse de bout et certains autres qui sont venu d'ailleurs et qui ne démontre aucune bonne volonté comme les anglais, les Iroquois et les Hollandais du temps, avec eux autres j'ai moins de tolérance et je ne cherche pas à comprendre pourquoi, c'est pas dans mon ADN de me laisser piler dessus.
Bien la guerre ont là perdu, mais on est en 2017 et nous n'aurions pas besoin d'une guerre pour retrouver notre automnomie...juste un peu plus de courage de certains qui font dans leur culotte en pensant au pire.
Auteur
Fournier, Martin, 1954- [5]
Titre
Les aventures de Radisson. 1, L'enfer ne brûle pas / Martin Fournier.
Éditeur
Québec : Septentrion, 2011. [200]
Description
317 p. ; 19 cm.
Sujets
Radisson, Pierre-Esprit, environ 1636-1710 -- Romans, nouvelles, etc. [4]
Roman historique [2094]
Coureurs de bois -- Canada -- Romans, nouvelles, etc. [3]
Canada -- Histoire -- 1713-1763 (Nouvelle-France) -- Romans, nouvelles, etc. [19]
Auteur
Fournier, Martin, 1954- [5]
Titre
Les aventures de Radisson. 2, Sauver les Français / Martin Fournier.
Éditeur
Québec : Septentrion, 2014. [200]
Description
434 p. ; 19 cm.
Sujets
Radisson, Pierre-Esprit, environ 1636-1710 -- Romans, nouvelles, etc. [4]
Roman historique [2094]
Coureurs de bois -- Canada -- Romans, nouvelles, etc. [3]
Canada -- Histoire -- 1713-1763 (Nouvelle-France) -- Romans, nouvelles, etc. [19]
Auteur
Fournier, Martin, 1954- [5]
Titre
Les aventures de Radisson. 3, L'année des surhommes / Martin Fournier.
Éditeur
Québec, Québec : Septentrion, [2016] [200]
Description
350 pages, 8 pages de planches non numérotées : illustrations (principalement en couleur), cartes ; 19 cm.
Collection
Les aventures de Radisson ; 3 [1]
Fournier, Martin, 1954- Aventures de Radisson ; 3. [1]
Sujets
Radisson, Pierre-Esprit, environ 1636-1710 -- Romans, nouvelles, etc. [4]
Coureurs de bois -- Canada -- Romans, nouvelles, etc. [3]
Canada -- Histoire -- 1713-1763 (Nouvelle-France) -- Romans, nouvelles, etc.
[19]
Après cela vous passez au travers de notre histoire avec Pierre Perrault, Michel Brault et plusieurs autres disponible dans toute les bibliothèques et à ONF l'office Nationale du film du Canada...c'est gratis.
Et j'ai pas de commissions là-dessus, je vends rien juste nos mémoires.
Et je suis sûr que plusieurs pourrait en rajouter de leur propre cru pour étoffer le contenue.