La solution au problème des urgences

Chronique d'André Savard

On passera sur le bilan du gouvernement Charest au chapitre de la santé puisque trop de fiascos s’accumulent. À moins de vouloir signer une chronique hebdomadaire de dix pages, impossible d’y arriver.
Le mieux serait que le gouvernement Charest laisse sa place et anticipe des élections. Malheureusement, tout ce que l’on peut faire, c’est de signer la pétition qui lui rappelle que la démission du premier ministre reste ce qu’il y a de mieux à espérer de ce gouvernement fier d’être provincial.
Pour le parti Québécois, reste à savoir si on osera passer à une autre étape du virage ambulatoire en santé. Rochon a voulu amorcer le virage ambulatoire. Même ses adversaires politiques l’admiraient en coulisses pour son courage devant l’affrontement que son projet suscitait. Si on veut diminuer le taux d’occupation des urgences, il faut déployer mieux les soins de première ligne.
Il est anormal de voir les hôpitaux craquer sous l’affluence des gens grippés.
Pour prévenir l’engorgement des urgences, on ne peut se borner à un programme mieux encadré de médecins de famille en clinique. Il faudra bien en venir à la question cruciale de la prise en charge des infirmières; des super infirmières mobiles et travaillant avec la pleine collaboration des omnipraticiens, prêts à les assister pour les diagnostics plus problématiques.
Plus de gens souhaitent à domicile. D’autres restent à la maison en attendant leur prochain rendez-vous de chimiothérapie. S’il faut absolument se rendre chez le médecin pour chacune des étapes du processus thérapeutique, nous n’avons pas fini d’entendre parler d’engorgement des hôpitaux.
Pour réorganiser les soins de la santé, on ne pourra pas se priver très longtemps de l’apport des infirmières. Il existe un orgueil de castes divisant médecins spécialistes, omnipraticiens. Ils craignent l’usurpation des infirmières et se redoutent entre eux. Plus moyen de repenser les milieux de la santé sans crainte de heurter des susceptibilités, un point parmi tant d’autres expliquant que le gouvernement Charest soit aussi lâche quand il s’agit de mettre de l’avant la formation des super infirmières.
Après avoir dit à Gyslaine Desrosiers, présidente de l’ordre, qu’on allait faciliter la prise en charge des infirmières et offrir un programme de formation plus poussée, le ministre de la santé s’est rétracté sous prétexte que le projet avait été surclassé par le programme de procréation assistée. Bref, toutes les raisons sont bonnes pour assurer les zones aménagées et bien connues.
Il faudrait un ministre de la santé qui dépasse les petites fiertés des professionnels, habitués à être des gens considérés brillants et qui se répètent entre eux : “Il y a nous et les autres”. Il faudrait un ministre de la santé sachant que ce qui est en jeu, ce n’est pas la dignité bafouée ou rehaussée d’un ordre professionnel aux dépens des autres. Il s’agit juste de l’exercice technique d’un appareil de santé qui doit profiter au maximum des compétences disponibles. Cela ne peut se faire en cloisonnant la pratique des infirmières et en faisant du zonage réglementé des pratiques des soins de santé à un tel point que plus personne n’ose bouger au risque d’empiéter une chasse gardée.
Il en va d’ailleurs non seulement de l’intérêt des patients mais aussi de la pratique médicale dans son ensemble. En général, un médecin de famille ne considère pas normal d’avoir à rencontrer ses patients à un rythme mensuel, voire hebdomadaire. Comme me disait l’un d’eux, quand on finit par connaître la plupart de ses patients par leur prénom, il y a quelque chose qui ne marche pas.
Le rôle des médecins de famille n’est pas de renouveler des prescriptions, faute du pouvoir dévolu aux pharmaciens de les renouveler et parce que l’univers de la santé, sous prétexte de sécurité, se sclérose dans ses canalisations. Le rôle du médecin de famille n’est pas non plus d’écouter les doléances d’un patient assez autonome pour rester chez lui mais qui n’a d’autres choix que d’essayer de rejoindre le médecin pour parler de son problème persistant de reflux gastrique.
Le champ de la pratique de la santé a atteint tant d’envergure avec le vieillissement de la population que l’effet d’entonnoir conduisant résolument au médecin pour tout avis autorisé est devenu impraticable.
Au fait, ce serait une bonne idée de demander à Gyslaine Desrosiers, présidente de l’ordre des infirmières, de se joindre à l’équipe du gouvernement qui remplacera le gouvernement Charest. Outre ses compétences d’infirmières, elle est diplômée en administration publique.
Ce qui attend le prochain gouvernement, c’est une reconfiguration des programmes d’assistance des malades aux malades et aux gens qui souhaitent juste demeurer en bonne santé. Ce sera le virage ambulatoire, prise deux.
André Savard


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