Dans les milieux écologistes ou environnementalistes, on parle depuis un certain temps de « libérer le Québec du pétrole ». Dans l’imagination populaire, on pourrait penser à l’existence d’un plan pour éliminer la consommation d’hydrocarbures dans un horizon prévisible. Je ne devrais pas être le seul pour qui « nous libérer du pétrole » veut dire ne plus avoir à en consommer.
L’organisme Équiterre figure parmi les leaders de la sensibilisation des Québécois à leur potentiel de développement des énergies propres et renouvelables. Lorsqu’il propose de « libérer le Québec du pétrole pour 2030 », l’organisme explore cinq grands chantiers à mettre en oeuvre afin de diminuer la dépendance au pétrole : transformation de l’aménagement du territoire, du transport des personnes, du transport des marchandises, de l’agriculture et du chauffage. Ces cinq grands chantiers, nous en conviendrons, relèvent d’objectifs nobles, mais leur mise en marche ne permet aucunement de prédire la fin de notre consommation d’hydrocarbures pour 2030.
Deux objectifs
La transition de notre système économique vers une économie à faible teneur en carbone se fera en effet progressivement. Comme toute dépendance, y mettre fin paraîtra d’abord presque impossible et nécessitera des efforts extrêmement exigeants ainsi qu’un engagement soutenu. Les politiques publiques à mettre en oeuvre doivent non seulement recueillir un large appui dans la population, mais elles devront aussi résister aux changements de gouvernements, car les résultats ne se feront sentir qu’à la suite d’un engagement à long terme de la société.
Réduire la consommation d’hydrocarbures ne doit pas être qu’un objectif parmi d’autres. Les dirigeants d’Équiterre ont raison de rappeler qu’il faudra mobiliser de grands chantiers de la société québécoise. Il faudra le faire pendant une longue période. Et ce n’est probablement pas en 2030 que nous serons définitivement libérés du pétrole.
La transition énergétique du Québec devra réussir à concilier deux objectifs en apparence contradictoires : la production de pétrole québécois et la réduction des gaz à effet de serre (GES). Comme l’affirmait avec pragmatisme le président de l’AQLPA, André Bélisle, au moment de l’annonce de la Commission sur les enjeux énergétiques du Québec : « Je consomme du pétrole et je vais en consommer encore pendant un certain temps, alors je pense que c’est possible d’exploiter le pétrole québécois pendant la période de transition. »
J’aimerais proposer quelques pistes de réflexion qui s’appliquent à l’approvisionnement du Québec par des sources de pétrole québécois ou canadien :
Débat public et acceptabilité sociale. Le débat sur les gaz de schiste a dérapé en grande partie parce que les décisions gouvernementales avaient été prises en catimini, sur la base d’informations très partielles et partiales. Il ne faut pas craindre la transparence et le débat public. Au contraire, c’est du choc des idées que naissent les grandes avancées sociales. La modernisation écologique de l’économie ne se fera pas sans débats ;
Respect des normes environnementales les plus strictes. Un rehaussement du cadre législatif et de la réglementation est requis au Québec, car les hydrocarbures demeurent encore sous l’égide de la Loi sur les mines, qui est inadaptée aux sources non conventionnelles. Aussi, il faut donner davantage de moyens aux équipes de contrôle environnemental et aux équipes d’urgence ;
Rehaussement de la limite de responsabilité civile en cas de déversement. Il faut que l’industrie des hydrocarbures assume seule le coût des assurances responsabilité en cas de déversement. La limite actuelle est si basse qu’elle correspond à une subvention déguisée ;
Élimination des subventions et des aides fiscales à la consommation au secteur des hydrocarbures. Le Canada s’y est engagé auprès de la communauté internationale, mais il doit accélérer le pas ;
Assujettissement au système de plafonnement et d’échange des émissions de GES. Il faut comptabiliser ces émissions supérieures dans le système québécois et faire payer aux pétrolières le coût du carbone selon le principe pollueur-payeur ;
Les sommes récoltées par la vente de quotas d’émissions de GES devraient être investies dans des mesures de réduction de la consommation de carburants par l’aménagement du territoire, dans le transport des personnes, dans le transport des marchandises, dans l’agriculture et pour le chauffage ;
Réinvestissement des redevances provenant de l’exploitation des hydrocarbures dans le remboursement de la dette ou le fonds des générations, et non pas pour payer l’épicerie. Les ressources non renouvelables peuvent nous assurer de bénéfices durables à transmettre aux générations futures, tant qu’elles sont investies dans un fonds souverain ou appliquées à la dette publique ;
Augmentation des investissements privés et publics dans l’électrification des transports et dans les biocarburants de deuxième et de troisième génération.
L’ampleur des défis qui s’offrent à nous, tels qu’ils ont été relevés notamment par l’OCDE, requiert un effort significatif en termes d’innovation, ainsi que l’adoption à grande échelle des technologies propres.
Bref, passer du rêve à la réalité, c’est possible. Passer de la parole aux actes, bien sûr ! Mais cela requiert bien plus que des voeux pieux. Cela requiert un fantastique effort de mobilisation des forces vives de la société québécoise. Une mobilisation qui saura se hisser au-delà de la partisanerie politique et du clivage gauche-droite. Pas si facile, n’est-ce pas ?
Le casse-tête pétrolier
Ménager la chèvre et le chou ? A-t-on même ce luxe vu la rapidité à laquelle l'environnement se dégrade ?
Scott McKay3 articles
Député de L'Assomption et porte-parole de l'opposition officielle en matière d'environnement, de développement durable et de parcs
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé