Le centre se vide

Les résultats des élections qui s'annoncent difficiles, voire pénibles, pour le Parti libéral du Québec n'ont probablement rien de surprenant.

Élection Québec 2012 - analyses et sondages


LÉON COURVILLE L'auteur est professeur associé à HEC Montréal et propriétaire du vignoble Domaine Les Brome, dans les Cantons-de-l'Est.

Les résultats des élections qui s'annoncent difficiles, voire pénibles, pour le Parti libéral du Québec n'ont probablement rien de surprenant. Au-delà des arguments comme l'usure des mandats successifs ou la réanimation des velléités souverainistes, il me semble qu'un mouvement important a frappé les démocraties occidentales. Ce que nous vivons, bien qu'ancré dans nos valeurs propres, n'a sûrement pas échappé à ce courant.
Le centre se vide. L'électorat ne s'y positionne plus. Pourtant, depuis 50 ans, tout gouvernement, fût-il à droite ou à gauche, ne pouvait pas échapper à apposer le vocable centre à son orientation. Et, effectivement, les partis élus de centre gauche comme de centre droit gouvernaient au centre.
Certes, le goupillon avait un biais, mais l'eau bénite se répandait pas mal partout. En science politique, ce phénomène est connu par le théorème de l'électeur médian, qui soutient que le résultat d'une élection va refléter les préférences de cet électeur. L'électeur médian est celui qui a autant d'électeurs à sa droite qu'à sa gauche. Ce théorème est issu d'une observation de l'économiste Harold Hotelling émise en 1929; il notait que les concurrents dans un marché avaient des offres très semblables et se différenciaient très peu. D'où l'observation moult fois entendue que les vieux partis se ressemblent.
Les campagnes électorales voyaient donc les gens de droite aller vers la gauche pour se remplir de votes additionnels, et même chose pour la gauche. Robert Bourassa disait que le but est d'ajouter et non de réduire. Évidemment, ce théorème n'a pas force de loi éternelle, et l'autre façon de dire que le centre se vide est d'admettre que l'électorat se disperse vers les extrêmes.
Les dernières années en France, en Angleterre, en Italie ou aux États-Unis témoignent de cette polarisation vers les extrêmes de droite et de gauche; il y a de moins en moins de monde au milieu. La dernière élection en Grande-Bretagne m'a inspiré cette observation, que m'a confirmée l'élection du gouvernement Harper au Canada, le succès du NPD et les débats lors des récentes élections françaises. Aux États-Unis, lors des primaires des républicains, les candidats étaient tirés vers la droite, extrême droite diront certains, et non vers le centre. Le président Obama renforce ses positions de gauche et ne bouge pas vers le centre, à mon avis parce qu'il est vide.
Ce qu'on appelle le printemps érable, alors que la récolte de sirop a pourtant été mitigée, a aussi polarisé les gens d'un bord ou l'autre. C'est blanc ou noir, il n'y a plus de gris. Il y a les bons et les méchants, comme disait la chanson de Charlebois.
Le Parti libéral du Canada tout comme le Parti libéral du Québec, qui ont occupé les parlements plus souvent qu'à leur tour, ont été des maîtres pour réunir une coalition qui leur assurait un courant favorable de l'électorat. Ils tapissaient large à droite comme à gauche.
Les coalitions qu'ils cimentaient étaient puissantes et larges. Certains diront que les libéraux étaient où sont les néo-libéraux; l'examen de leurs actions révèle pourtant un bilan interventionniste et dépensier, teinté de corporatisme. D'autres diront que le PQ est à gauche; pourtant, les rigueurs budgétaires les plus draconiennes ont été imposées par ce parti à deux ou trois reprises.
Le modèle traditionnel ne fonctionne pas pour le moment. Les coalitions centristes n'auront donc pas de succès électoral, peut-être parce qu'elles parlent dans le vide. C'est le véritable dilemme du Parti libéral, tant au Québec qu'au Canada.


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