Le côté abject des crises économiques

Pas facile de faire son autocritique lorsqu’on s’est cru longtemps les meilleurs et les plus gros au monde

Tribune libre 2009


Ce qu’il y a de plus abject dans les façons de faire face aux crises économiques, c’est que les entreprises, souvent en lien avec les gouvernements, font payer la facture des dégâts à ceux qui n’en sont pas les responsables. Dans la crise actuelle, les états ont contribué des subventions absolument faramineuses aux entreprises les plus touchées. La planche à billets a fonctionné sans discontinuer depuis quelques mois et les factures n’ont pas commencé à arriver mais ça ne saurait tarder.
Mais ceux qui casquent immanquablement à chaque fois, ce sont les travailleurs et leurs conditions de travail. Bien sûr, patrons et gouvernements en profitent également pour faire ou tenter de faire la peau aux méchants syndicats et ne se gênent pas pour les mettre à genoux. Prenons l’exemple des travailleurs et des syndicats dans l’industrie de l’automobile.
Dans ce cas précis, les employeurs et les différents paliers de gouvernements font porter en bonne partie la relance des trois grands nord-américains sur les épaules des syndicats. GM et Chrysler étalent sur la place publique depuis des mois les coûts salariaux de leurs employés syndiqués. Malheureusement, à moins que le reste de l’Amérique du Nord ait droit à beaucoup d’interventions médiatiques et de pub de la part des syndicats et que le village gaulois qu’est le Québec soit laissé de côté, le discours des syndicats a surtout été de dire que les réductions déjà consenties étaient suffisantes. À une reprise, le président des TCA a déclaré que la part que représentait la masse salariale dans la production automobile étant de peu d’importance, il faudrait cesser de mettre toute la pression sur les conventions collectives. Le président d’une des sections locales chez Chrysler en Ontario, où semble-t-il la tension monte sérieusement, vient de réitérer le même argument.
Je suis allé voir sur Internet quelle information était disponible sur cette question. J’ai déniché une brochure de trente pages produite par le Gouvernement ontarien en 2007 qui s’intitule "L’industrie automobile de l’Ontario – Moteur de l’avenir". Comme cette brochure a été conçue pour faire la promotion de la productivité des usines ontariennes dans cette industrie, elle fournit plusieurs informations comparatives entre usines et travailleurs ontariens et leurs vis à vis américains. On y apprend dès le départ que la masse salariale des travailleurs américains est de 5 à 6% plus élevée que celle des ontariens. Ce n’est pas rien et l’explication se trouve sans doute dans les coûts de santé américains. Étrange d’ailleurs que ce sujet ne fasse pas partie du débat aux USA. Les dépenses en soins de santé chez nos voisins du sud coûtent environ 50% de plus qu’au Canada et au Québec. Les dépenses totales en santé aux USA comptent pour 15% du PIB alors qu’au Canada elles sont à 9,9% du PIB selon des données publiées par l’OCDE en 2005 dans un document portant le nom de éco-santé. Si les états-uniens finissaient par se doter d’un système public comparable au nôtre, les économies seraient énormes. Le passage au système public aurait des effets concrets pour l’industrie US de l’auto et pour ses salariés, plus particulièrement ceux qui sont syndiqués car cela diminuerait l’écart des coûts d’assurance entre les usines syndiquées et non-syndiquées. Les trois grands feraient des économies et ils deviendraient plus concurrentiels face aux entreprises nos-syndiquées qui ont sans doute l’avantage additionnel d’avoir une main d’œuvre plus jeune donc moins coûteuse en assurances.
Mais revenons à la masse salariale. La brochure ontarienne compare également la productivité ontarienne vis à vis l’ensemble de la productivité nord-américaine. Les voitures dites intermédiaires prennent en moyenne 20,1 heures à être produites alors que l’usine automobile #2 d’Oshawa (GM) demande 15,7 heures de travail pour l’assemblage. C’est environ 20% de moins. De plus ça nous permet de constater que les coûts de main d’œuvre constituent une partie infime des coûts de production. Gruger dans la masse salariale des syndiqués a un effet minime sur les coûts. Ce qui doit constituer la majeure partie des coûts de production se retrouve dans toutes les composantes ( les pièces ) et dans la technologie de pointe utilisée sur les chaînes de montage.
Alors, il est où le problème ? Sûrement plus au niveau des directions qui ont été incapables de faire évoluer leurs produits et de les rendre concurrentiels en termes de fiabilité et de qualité face aux productions européenne et asiatique. Pas facile de faire son autocritique lorsqu’on s’est cru longtemps les meilleurs et les plus gros au monde.
Robert Lachance 20 avril 2009
LE CÔTÉ ABJECT DES CRISES ÉCONOMIQUES --- LA SUITE
Chrysler et les TCA se seraient entendus sur la réduction d’environ 19 $ l’heure exigée par la compagnie. Cette réduction représente près de 26 % du coût horaire moyen d’un ouvrier de la production qui est de 74 $. Rappelons que ce montant inclut le salaire horaire, les avantages sociaux, la part de l’employeur des régimes gouvernementaux comme l’assurance-emploi et la santé et sécurité au travail, sans oublier les primes diverses et surtout le régime de retraite La menace de se déclarer en faillite aura sans doute eu raison du syndicat et de ses membres.
Comme il est reconnu que la masse salariale des ouvriers de production représente moins de 6 % de ce que coûte un véhicule au sortir de la chaîne de montage, la compagnie, le gouvernement conservateur au fédéral, les libéraux au provincial et la compagnie Fiat qui est venue contribuer au concert des menaces auront permis d’économiser le coût approximatif de…trois enjoliveurs de roues. Tant d’efforts et des résultats aussi spectaculaires méritent un beau BRAVO !
Convenons cependant qu’elle est assez répugnante cette manière de faire inhérente au système capitaliste qui veut que pour redresser une entreprise, il faille immanquablement faire plier ses travailleurs.
Robert Lachance, le 25 avril 2009
PS : Jadis - mais est-ce que ça a changé ? - les ouvriers exprimaient leur colère et leur frustration de se sentir exploités et méprisés en sabotant la production. Il sera peut-être judicieux de bien choisir la marque de son véhicule à l’avenir.


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