Rencontre des premiers ministres à Montréal

Le déséquilibre fiscal divise les provinces

Un rapport écarte le transfert de points d'impôt, formule que défendait Jean Charest

2006 textes seuls


Québec - Alors que le Conseil de la fédération amorce aujourd'hui sa réunion à Montréal, des divergences de vue entre les dix provinces surgissent sur la question du déséquilibre fiscal et, surtout, sur les moyens à prendre pour le corriger.
Le premier ministre de l'Alberta, Ralph Klein, présidera sa dernière réunion du Conseil de la fédération après l'année statutaire qu'il a passée à la tête de l'institution. La réunion devait avoir lieu en Alberta, mais, comme les premiers ministres voulaient rencontrer leurs homologues australiens avant leur départ du Canada, ils se retrouvent à Montréal. C'est le premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador, Dany Williams, qui prend la relève dans cette année cruciale au regard des négociations qui doivent se tenir entre les provinces et Ottawa sur le déséquilibre fiscal.
Les premiers ministres auront entre les mains le rapport commandé par le Conseil de la fédération sur le déséquilibre fiscal, rapport qui doit être rendu public aujourd'hui. Selon les informations obtenues par Le Devoir, le document préparé par Janice Stein, de l'Université de Toronto, et Robert Gagné, de l'École des hautes études commerciales, contient une quinzaine de recommandations qui préconisent notamment une refonte des transferts fédéraux vers les provinces, y compris la formule de péréquation.
Le transfert de points d'impôt, une formule que défendait pourtant le premier ministre Jean Charest, est écarté d'emblée. Les auteurs lui préfèrent une amélioration des transferts fédéraux en espèces et de la formule de péréquation.
Revendication traditionnelle du Québec, la formule de péréquation devrait être basée sur la comparaison de la capacité fiscale des dix provinces, pour inclure l'Alberta, au lieu de la formule actuelle qui se limite à cinq provinces (la Colombie-Britannique, le Manitoba, l'Ontario, le Québec et la Saskatchewan), recommandent les auteurs. En vertu de ce nouvel arrangement, les paiements de péréquation versés par le gouvernement fédéral passeraient de 9,4 milliards à 15,1 milliards. Cette somme sera toutefois sujette à un plafond, ce qui pourrait la réduire de quelques milliards à la suite des négociations à venir.
Les provinces riches comme l'Alberta et l'Ontario obtiendraient davantage d'Ottawa, car on éliminerait les restrictions accompagnant les transferts fédéraux qui leur sont versés. Toutes les provinces seraient placées sur un pied d'égalité: les transferts seraient fonction de leur population respective. Pour l'Ontario, cela représenterait un à deux milliards de plus en transferts fédéraux.
La question de la péréquation a toujours divisé les provinces. Cette situation n'a guère changé avec la création du Conseil de la fédération. Le rapport des experts «favorise le Québec et rejoint la vision» du gouvernement Charest, admet-on à Québec. Mais l'Alberta et l'Ontario risquent de recevoir le document avec moins d'enthousiasme, estime-t-on.
L'Alberta considère qu'elle apporte déjà une large contribution. «D'une façon générale, les Canadiens devraient reconnaître que les revenus des ressources naturelles qui sont générés ici bénéficient déjà au reste du Canada d'une façon considérable», a dit à l'agence CanWest Gary Mar, le nouveau ministre des Affaires intergouvernementales de l'Alberta. La province estime qu'elle verse 29 milliards en taxes et impôts à Ottawa et n'obtient en retour que 17 milliards.
Le Bloc québécois a toutefois calculé que le gouvernement fédéral avait fourni de l'aide totalisant 66 milliards à l'industrie pétrolière et gazière de 1970 à 1999.
Pour sa part, le premier ministre de l'Ontario, Dalton McGuinty, a réitéré à la fin février son exigence pour la tenue d'une commission royale d'enquête sur le déséquilibre fiscal. Contrairement au Québec qui reçoit de la péréquation, l'Ontario estime qu'il existe un écart de 23 milliards de dollars par année entre ce qu'elle verse à Ottawa et ce qu'elle reçoit en services fédéraux.
Quant à une province comme Terre-Neuve-et-Labrador, elle cherchera à préserver l'entente, conclue en 2004 avec Paul Martin, qui exclut les redevances sur le pétrole et le gaz du calcul de la péréquation.
Le chef de l'Action démocratique du Québec, Mario Dumont, juge que le gouvernement Charest a tort d'abandonner sa revendication portant sur le transfert de points d'impôt. «Il n'y a rien de pire que la péréquation comme système [...] sauf que, pour nous au Québec, malheureusement, à cause de notre appauvrissement, c'est ce qui devient le plus payant», a déclaré M. Dumont. Mais en vertu de sa vision autonomiste, le chef adéquiste croit que le Québec «est mieux de se donner des outils [les points d'impôt] et de se grouiller au plus vite pour sortir de notre position de faiblesse».


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