Québec — Quatre voix ont finalement permis au gouvernement Charest de survivre à la motion de censure de l'opposition officielle, hier. L'opposition espère maintenant que le gouvernement sera désavoué dans Kamouraska-Témiscouata, où les électeurs de l'ancienne circonscription de Claude Béchard iront aux urnes, lundi prochain.
«C'est un jour sombre dans l'histoire du Québec», a soutenu Pauline Marois peu après sa défaite en Chambre en fin d'après-midi, autre épisode dans le long débat sur l'opportunité ou non de tenir une enquête publique sur la construction et le financement des partis politiques. Au total, 61 libéraux (sur 65) auront voté contre la motion et 57 députés des partis d'opposition auront voté pour. Expulsé du caucus libéral, l'indépendant Tony Tomassi ne s'est pas présenté au Salon bleu. Le président et les vice-présidents ne pouvaient pas exercer leur droit de vote, ce qui enlevait deux voix aux libéraux et une au Parti québécois. Une seule ministre n'a pas pris part au vote, Monique Gagnon-Tremblay (Relations internationales), qui représentait le premier ministre en France depuis lundi. Ce dernier avait décidé en fin de semaine d'écourter sa mission en France et de rester au Québec jusqu'à hier pour faire face à la motion de censure. Après le vote, il s'est envolé pour l'Hexagone, où il doit rencontrer le premier ministre et le président français, entre autres.
En matinée, dans sa réplique à la motion de censure, Jean Charest avait, d'un air solennel, soutenu qu'il s'adressait directement aux Québécois sur un sujet, a-t-il souligné, qui les «préoccupe beaucoup». «J'entends les Québécois», a insisté M. Charest, ajoutant qu'il comprenait leur inquiétude. À ses yeux, son gouvernement «prend les moyens pour aller au fond des choses». À preuve, selon lui, l'escouade Marteau, les multiples lois pour resserrer les règles et les exigences éthiques. «En tout, dans la foulée de nos actions, ce sont plus de 500 personnes qui sont aujourd'hui mobilisées pour contrer la collusion et la corruption dans la construction», a-t-il insisté.
De plus, il a évoqué d'autres mesures, celles-là «permanentes». «La réponse ne doit pas se limiter à une mesure temporaire. Il ne s'agit pas uniquement de faire un grand coup de balai, il s'agit de faire le ménage!», a-t-il clamé. Selon des informations recueillies par Le Devoir, le gouvernement songe à deux avenues: d'une part, confier à la Commission de la construction du Québec la responsabilité du placement des salariés sur les chantiers de construction. D'autre part, il envisagerait la création d'une escouade permanente sur le modèle du Department of Investigation (DOI) de la ville de New York, une unité de lutte anticorruption municipale.
Entre-temps, invoquant le sens des responsabilités des partis d'opposition, Jean Charest a demandé à ceux-ci d'adopter, avant la fin de la session parlementaire, quatre projets de loi: «le code d'éthique pour les députés de l'Assemblée nationale, le code d'éthique pour les élus municipaux et, pour l'encadrement des partis politiques [...], la loi antiprête-noms, la loi sur l'augmentation des pouvoirs de contrôle du Directeur général des élections.»
En fin de discours, le premier ministre a raillé le «manque de sérieux» de la chef péquiste en notant qu'elle souhaitait déclencher des élections générales un 27 décembre, «entre Noël et le jour de l'An [...] une première dans l'histoire du Québec».
Le pire premier ministre
Aux dires de Mme Marois, Jean Charest est «le pire premier ministre que nous avons eu des derniers 30 ans». «Nous avons offert à Jean Charest [...] d'être un homme d'État, et c'est malheureusement le Jean Charest partisan et déconnecté de la réalité que nous avons vu et entendu.» Mme Marois a déploré que le premier ministre et les libéraux aient décidé de «faire la sourde oreille à la demande d'enquête de millions de Québécois, qui sont en colère et des Québécois qui sont découragés aussi de leur gouvernement».
Plus tôt en Chambre, dans son discours précédant le vote, Mme Marois a martelé en avoir «assez que le refus du gouvernement de faire face à ses responsabilités nous mène à ce climat malsain de suspicion». Poursuivant sur le même thème, elle lança: «J'en ai assez que des personnes soient accusées, clouées au pilori sans pouvoir se défendre parce que le premier ministre n'agit pas de façon responsable, laisse durer ce climat malsain. J'en ai assez de voir la classe politique se faire tirer par le bas, parce qu'il y a un premier ministre qui laisse salir la chose politique et nos institutions. J'en ai assez d'avoir en face de moi un premier ministre qui n'écoute pas les Québécois, qui cherche seulement à les convaincre que les partis sont tous pareils.»
Débats acerbes
Toute la journée, dans leur discours, les députés de l'opposition ont tenté d'ébranler les libéraux pour les faire changer d'idée. Le député Bertrand St-Arnaud (Chambly) s'est demandé ouvertement s'ils avaient une «colonne vertébrale» ou s'ils n'étaient «que les pantins du premier ministre», avant de citer un chroniqueur du Soleil qui avait décrit le groupe parlementaire libéral comme des «poulets qui suivent le colonel Sanders jusqu'au bout».
Rentré temporairement de son congé de paternité pour le vote, Jean-Martin Aussant a pour sa part dit être «certain» que devant le «mécontentement [...] historique» dans la population, plusieurs députés dans le caucus libéral en avaient «plein leur casque». Il a ponctué son discours sur un «dehors les imposteurs!» sonore.
Plus tôt, le chef adéquiste Gérard Deltell avait rappelé la mémoire d'un «grand premier ministre libéral, Robert Bourassa, qui a tenu une commission d'enquête sur l'industrie de la construction».
Quant à Amir Khadir de Québec solidaire, il a plutôt proposé une autre avenue au gouvernement: la création d'une «commission de vérité et clémence» qui, à l'instar de la grande opération qui a suivi la fin de l'apartheid en Afrique du Sud, offrirait la clémence à ceux qui ont commis des crimes moyennant leurs témoignages pour établir la vérité: «Notre peuple, ce n'est pas la vengeance qu'il cherche, c'est la vérité, c'est qu'on mette fin à la corruption, pour savoir comment le financement du parti au pouvoir permet d'obtenir des nominations, des permis ou des contrats.»
Prochaine étape: Kamouraska-Témiscouata
Une fois la motion de censure rejetée, tous les regards se sont tournés vers l'élection partielle de Kamouraska-Témiscouata où, selon les sondages, les libéraux ont de bonnes chances de l'emporter.
Mme Marois semblait déjà, hier, commencer à justifier une éventuelle défaite, admettant que son candidat était «nez à nez» avec la libérale France Dionne. Elle a souligné que le PQ n'a pas réussi à prendre cette circonscription depuis 25 ans et que le PLQ y est donc bien enraciné. De plus, dans cette circonscription, les électeurs pourraient être sensibles à des injonctions, de la part des libéraux, à «rester du bon bord»: «Je trouve ça un peu dommage, parce qu'on ne doit jamais être du bon ou du mauvais bord. On est des citoyens», a-t-elle avancé.
Le gouvernement Charest survit
Jean Charest évoque de nouvelles mesures permanentes contre la corruption
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