Le néolibre-échange et la course à la chefferie du Parti Québécois

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Course à la direction du PQ : boussole demandée

«Il n’y a pas de vent favorable pour celui qui ne sait pas où il va.» Cet adage interpelle particulièrement les candidates et candidats à la chefferie du Parti québécois, mais aussi toute la militance. Cette course fournit au parti l’occasion de rajuster sa boussole sur l’objectif à atteindre, en rapport avec les graves problèmes de l’heure.
Comme le remarque avec justesse Danic Parenteau, «la principale faiblesse du discours indépendantiste officiel tient à son apparente inactualité». Or, explique le politologue, une idée politique tire son efficacité de sa capacité de réponse aux enjeux criants de la conjoncture nationale et internationale. (Le Devoir, le 10 mai 2016)
Quels sont les enjeux criants de la conjoncture actuelle? Trois nous sautent à la figure: 1) notre habitat terrestre fragilisé par le réchauffement climatique et la dégradation de l’environnement; 2) l’État social et les services publics en voie de démantèlement par les affairistes au pouvoir; 3) la justice et la paix sociale mises en péril par le creusement des inégalités au sein de la nation et entre les nations.
Ces problèmes affichent une cause commune: le néolibéralisme. Le néobéralisme, c’est la primauté du marché sur le politique. C’est le monde cul par-dessus tête. Qu’à cela ne tienne! Pénétré de cette idéologie, le tandem Thatcher-Reagan a réussi à l’imposer chez eux d’abord, puis au monde entier. Toute la classe politique a fini par suivre. Et les accords de néolibre-échange sont venus transformer le néolibéralisme en programme politique.
Au Québec, c’est cette croyance fondée sur la primauté du marché sur le politique qui inspire toute l’action ou l’inaction du gouvernement Couillard-Barrette-Coiteux.
Voyons maintenant les questions pressantes auxquelles les candidates et candidats à la chefferie du PQ sont appelés à répondre.

Le projet d’indépendance répond-il aux enjeux criants de la conjoncture actuelle?

Quand l’idée d’indépendance a germé, dans les années 1960, c’était le temps du speak white. Dans ses mémoires, René Lévesque écrit: «Replaçons-nous à cette époque où, sur un ton résigné plutôt que révolté, on se disait encore volontiers qu’on était “nés pour un p’tit pain”. Ne parlons pas de la finance: l’argent ne se brassait sérieusement qu’en anglais.» (Attendez que je me rapelle…, p. 227) Nous étions alors les «nègres blancs d’Amérique», porteurs d’eau et scieurs de bois.
Pendant la vingtaine d’années qu’a duré l’élan du «Maîtres chez nous» de la Révolution tranquille, ce peuple, qui avait vécu deux siècles et demi de dépossession, a commencé à desserrer le vieux carcan de la domination coloniale. C’était un commencement…
Mais attention, nous demeurons encore aujourd’hui, et de façon plus insidieuse, un peuple foncièrement dépendant:
1. dépendant du gouvernement fédéral qui abuse de son pouvoir usurpé de dépenser pour s’inmiscer dans tous les domaines de compétence provinciale et municipale; ce qui fait que nous vivons dans une «maison de fous», dominés par le grand frère d’outre-Outaouais.
2. dépendant des politiques de dérèglementation et de privatisation prescrites par les accords de néolibre-échange que le gouvernement fédéral a signés pour nous; des accords qui, en fin de compte, minent la souveraineté nationale et conduisent au démantèlement du modèle québécois de développement.
La raison profonde de faire du Québec un pays est toujours d’actualité. Cette raison, c’est la liberté, la maîtrise de notre destin comme peuple. Cependant, les enjeux ont changé.

Qui osera défier les positions libre-échangistes néolibérales de l’establisment péquiste?
Aurons-nous l’heureuse surprise de voir une candidate ou un candidat à la chefferie du PQ braver l’establishment du parti, ancré depuis trois décennies dans l’idéologie libre-échangiste néolibérale?
Rappelons que l’idée d’un nouveau libre-échange a été lancée en 1985 par le duo Reagan-Mulroney. Parizeau et Landry ont aussitôt endossé ce projet, croyant qu’il s’agissait du bon vieux libre-échange traditionnel, qui ne portait que sur les marchandises. Ils se trompaient. Ce libre-échange dit de deuxième génération porte d’abord et avant tout sur les investissements, les services, les achats publics, la protection des brevets des multinationales et les produits agroalimentaires.
Parizeau a reconnu son erreur d’inattention le 4 novembre 1998, devant les étudiants du collège de Maisonneuve : «On n’a pas toujours fait assez attention aux dispositions de l’ALENA concernant les investissements, obnubilés comme nous étions tous par les flux commerciaux1».
Ces regrets, d’ailleurs très discrets, sont passés inaperçus. L’establisment du parti était déjà imprégnée de l’idéologie libre-échangiste, devenue un dogme universel. Toute la classe politique mondiale y adhérait. On ne pouvait se tromper en faisant comme les autres.
Et pourtant… De même que l’humantié s’est longtemps trompée sur la place centrale attribuée à la Terre dans l’univers des corps célestes, elle se trompe – est trompée – aujourd’hui encore sur la place centrale attribuée au marché dans l’organisation des sociétés.

Et si la croyance dans le néolibre-échange arrivait à la fin de son cycle?
«Le libre-échange serait-il arrivé à la fin de son cycle?», titre une dépêche de l’Agence France-Presse du 18 mai. On voit de plus en plus, des organismes internationaux, des économistes et des personnalités mettre en cause le libre-échange, tel qu’il s’est imposé dans le monde.
Dans un article paru dans le New York Times, l’ex-conseiller économique du vice-président, Joe Biden, écrit: «Nous devrions nous réjouir de la fin de l’ère des traités de libre-échange qui se sont depuis longtemps transformés en poignées de mains dans l’intérêt des sociétés et des investisseurs […], laissant peu d’espace aux travailleurs».
Même le FMI y met son fion. Une étude signée par trois de ses économistes met en cause l’austérité, les privatisations, le commerce planétaire et la globalisation elle-même (Finance & développement, juin 2016).
L’ancien patron du FMI (1978-1987), Jacques de Larosière, s’inquiète du phénomène de la «globalisation des échanges» qui a provoqué une diminution des revenus salariaux dans les pays riches (Le Devoir, le 18 mai 2016).
Dans son édition du 26 mai 2016, le Times publie un dossier choc intitulé: Capitalism: the Markets Are Choking our Economy, How to Save It. (Les marchés étouffent notre économie, comment la sauver.)


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