Le nouvel Observatoire démographique et statistique de l'espace francophone - À la rescousse d'un patrimoine menacé

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Allocution de M. Marcoux lors du lancement de l'Observatoire démographique et statistique de l'espace francophone, le jeudi, 9 avril 2009 à l'Atrium du Pavillon Charles-De Koninck de l'Université Laval
L'Observatoire démographique et statistique de l'espace francophone (ODSEF) a été créé suite à la signature d'un protocole d'entente entre le Gouvernement du Québec, l'Agence universitaire de la Francophonie (AUF), l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) et l'Université Laval.
La création de l'ODSEF s'inscrit à la suite de trois moments forts :
1) l'adoption par plus d'une centaine de chercheurs de la Déclaration sur la sauvegarde et la mise en valeur des recensements africains (Québec, juin 2007),
2) la tenue du Séminaire international sur la méthodologie d'observation de la langue française dans le monde (Paris, juin 2008)
3) et enfin, la résolution sur la langue française adoptée lors du XIIe Sommet de la Francophonie (Québec, octobre 2008)
Les deux objectifs que poursuit l'ODSEF s'inscrivent ainsi dans la continuité de ces trois événements qui se sont déroulés sur plus de deux ans et que j'ai suivis avec grand intérêt.
Le premier objectif de l'ODSEF est de contribuer à assurer la sauvegarde et la mise en valeur du patrimoine démographique des États de la Francophonie, un patrimoine qui est particulièrement menacé dans les États africains et qui nécessite ainsi des actions urgentes et bien ciblées.
Les membres de la Francophonie, et le Québec en particulier, ont joué un rôle de premier plan lors de l'adoption de la Déclaration universelle et des conventions de l'UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité culturelle. Il est donc essentiel d'assurer la sauvegarde des sources d'informations qui non seulement représentent un patrimoine mondial sur les populations mais qui, également, nous aident à rendre compte des éléments de leur diversité à travers le temps.
Assurer la sauvegarde
S'appuyant sur les réseaux de chercheurs de l'AUF et sur l'expertise québécoise et canadienne développée dans ce domaine, notamment à l'Université Laval, l'ODSEF préparera une série de missions auprès des institutions et pays africains de la Francophonie qui le souhaitent, afin de dégager un portrait des activités à mener et des moyens à mettre en place pour assurer la sauvegarde des informations démographiques qui sont menacées de disparition. Ces missions devraient également permettre d'identifier les ressources humaines des pays qui participeront aux activités de formation favorisant la mise en valeur et l'exploitation de ces sources d'informations.
Joignant ses efforts à ceux d'autres partenaires internationaux, l'ODSEF se veut donc une action concrète qui fait suite à la déclaration de Québec sur la sauvegarde et la mise en valeur des recensements africains, adoptée il y a deux ans.
La place du français
Le second objectif de l'ODSEF est d'appuyer l'ensemble des initiatives permettant de circonscrire les dynamiques démo-linguistiques et de mieux situer la place qu'occupe la langue française au sein des populations de la Francophonie. L'Afrique occupera à nouveau une place centrale dans les activités de l'Observatoire et non sans raison: c'est sur le continent africain qu'on observera les plus importantes augmentations de populations francophones au cours des prochaines décennies.
Les chercheurs des réseaux de l'AUF seront au coeur des activités liées à ce second objectif. Les expertises québécoises et canadiennes, plus que centenaires dans le domaine de la collecte et de l'analyse des informations démographiques sur les langues, seront largement mises à contribution.
L'ODSEF offrira dès cet été des possibilités d'accueil à des chercheurs de la Francophonie, ici à l'Université Laval. L'ODSEF organisera également des ateliers de formation qui permettront d'encadrer et d'enrichir la production d'une série de monographies démolinguistiques. La vingtaine de pays africains pour lesquels le français a le statut de langue officielle feront prioritairement l'objet des travaux des chercheurs associés à l'ODSEF au cours des quatre prochaines années. Des chercheurs du Mali, du Burkina, du Sénégal, du Cameroun et de la République démocratique du Congo ont déjà manifesté leur intérêt.
Vaste chantier de recherche
Il importe de signaler que l'ensemble des résultats de recherche produits par l'ODSEF seront mis à la disposition de l'Observatoire de la langue française de l'OIF de façon à lui fournir des données valides lui permettant de compléter, sur le plan démolinguistique, son tableau de bord de l'état du français dans le monde.
Mais au-delà de la contribution à l'élaboration de ce tableau de bord de l'OIF, c'est tout un chantier de recherche que nous vous proposons d'ouvrir à l'ODSEF, un chantier de recherche s'appuyant sur des collaborations internationales qui devraient largement stimuler les échanges entre les chercheurs de l'espace francophone. Un chantier de recherche qui s'intéressera à cette Francophonie de terrain, pour reprendre l'expression retenue lors du Sommet de Québec. Un chantier de recherche qui s'intéressera à ceux et celles qui habitent cet espace francophone.
Comme le disait le 25 mars dernier le Secrétaire général de la Francophonie, SE M. Abdou Diouf, «la langue française est le ciment de notre coopération, mais elle incarne également un système de valeurs». Or, parmi ces valeurs on trouve assurément le respect de la diversité, une diversité qui caractérise à merveille la Francophonie et qui se transpose même à travers l'expression de cette langue qui nous unit.
Ainsi, faisant de la Francophonie de terrain son objet d'étude, l'ODSEF s'intéressera évidemment à ceux qui se reconnaissent dans la langue de Molière mais également à ceux qui se reconnaissent dans la langue de Michel Tremblay, celle de Gérald Leblanc en Acadie, celle d'Amhadou Kourouna en Côte d'Ivoire. Ceux qui se reconnaissent également dans les personnages des excellents cinéastes de la Francophonie que sont Abdellatif Kechiche, Louis Bélanger ou feu Sembene Ousmane, pour ne nommer que ceux-là.
En somme, bien que les populations de l'espace francophone aient le français en partage, ce français s'entend et s'exprime de façon différente et en interrelation avec d'autres langues. Comment rendre compte empiriquement de cette diversité des réalités des populations francophones? Voilà l'un des beaux défis que se donneront les chercheurs et les étudiants qu'accueillera l'Observatoire dans les années à venir.
***

Richard Marcoux, professeur titulaire à l'Université Laval et directeur de l'Observatoire démographique et statistique de l'espace francophone

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