Le patrimoine? Même l’État s’en fout

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Il faut une véritable politique patrimoniale d'envergure nationale


Vous vous demandiez peut-être comme moi pourquoi le pic des démolisseurs se faisait aller aussi souvent dans les dernières années.


Les maisons Pasquier et Boileau, le Moulin du gouffre, l’Église Saint-Cœur-de-Marie, etc. Des exemples, il y en a tant.


J’ai mieux compris en lisant le rapport de la vérificatrice générale déposé mercredi.


Le 225, Grande Allée Est, siège du ministère de la Culture et des Communications (MCC), va trembler jeudi.


Dynamite


Car le texte du rapport est truffé de phrases ayant l’effet de la dynamite.


« La notion d’intérêt national n’est pas définie. » 


... n’a pas défini sa vision en matière de patrimoine immobilier.


... ne réalise pas de veille afin d’actualiser ses connaissances en patrimoine.


... ne fait pas preuve de proactivité en matière d’identification des immeubles pouvant présenter un intérêt patrimonial.


... ne détenait même pas l’information complète sur la valeur patrimoniale du parc immobilier » de l’État.


Une des plus drôles : « Le MCC n’a pas les outils informatiques requis pour colliger toutes les informations et générer des connaissances utiles sur le patrimoine. »


Nulle surprise qu’on mette une éternité (parfois 20 ans !) à classer des édifices qui, entre-temps, se détériorent et, devenant dangereux, s’effondrent ou sont démolis.


La « démolition par abandon » est une sorte de mûrissement. Le propriétaire vandale attend. Le fruit mûrit... puis la « pépine » et le pic le « cueillent ». Poétique, non ?


Pour des exemples concrets, abonnez-vous au groupe Facebook « L’évolution du patrimoine bâti et des paysages au Québec ». Ses artisans sont plus efficaces que le MCC, qui ne réalise pas de veille...


L’urgence


J’ai compris une autre chose avec ce rapport. La décision de la ministre Nathalie Roy, tombée vendredi, de signer un avis d’intention de classement pour l’église du Très-Saint-Sacrement à Québec.


Le geste a surpris même ceux qui ont réclamé un classement de l’édifice ! Le bien nommé cardinal Lacroix aussi, sauf que lui souhaitait la vente et la démolition. Il a qualifié le classement d’« irresponsable » ! (Jésus s’était attaqué aux « vendeurs du temple ». Triste ironie : aujourd’hui au Québec, le clergé est composé de « vendeurs de temples »...)


Revenons à la ministre, qui, récemment, a sans doute appris le dépôt imminent du rapport de la VG. Or, Mme Roy, depuis sa nomination en novembre 2018, n’a rien révolutionné en matière de patrimoine. Au contraire, on pilonne de l’historique à qui mieux mieux. J’imagine la scène : « Vite, trouvez-moi quelque chose à classer ! »


Permettez une autre hypothèse : après sa réaction initiale aux critiques de la VG (qui fut de jeter la responsabilité sur les gouvernements antérieurs), elle voudra annoncer... une autre enquête !


Ce serait une grave perte de temps. De beaux rapports indiquant quoi faire, ça ne manque pas. La VG le démontre : Arpin (2000), révision de la Loi sur le patrimoine culturel (2011), qui impliqua des mois de consultation ; Courchesne-Corbo (2016).


Assez de coûteux bla-bla ! Pendant ce temps, des « biens inestimables et irremplaçables » (dixit la VG) se détériorent, ou sont carrément démolis. La révolution en patrimoine, ce serait d’agir pour vrai.




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