Le populisme, c'est défendre le peuple

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Une posture très noble





En 2015, la Grèce refusait l’austérité budgétaire par référendum. À l’été 2016, Podemos performait honorablement aux élections espagnoles et le Royaume-Uni votait son Brexit. À l’automne de cette même année, les Wallons bloquaient l’Accord économique et commercial global entre l’Union européenne et le Canada pendant une semaine. Quelques semaines plus tard, les États-Unis élisaient Donald Trump à la présidence. Au moment d’écrire ces lignes, c’est Marine Le Pen qui est en tête des intentions de vote en France.


Le verdict est impitoyable : une « révolte populiste » gronde en occident. Et ceux qui détiennent des positions hégémoniques dans l’espace public hésitent constamment entre la ridiculiser, l’ignorer pour ne pas l’alimenter, ou, au contraire, tenter de la tuer dans l’œuf en l’accusant d’accointances sataniques. Il est totalement impensable, pour les défenseurs de l’actuel système, de percevoir dans ces « attentats électoraux » des manifestations d’une colère qui soit, au fond, légitime. Il leur est même impossible de seulement envisager que le malaise populaire puisse être fondé. Ils ne peuvent effleurer l’idée qu’il puisse y avoir des racines profondes dans cette expression non-violente du désespoir. En 1984, le « socialiste » français Laurent Fabius avait causé tout un tollé pour avoir formulé que le FN apportait « de mauvaises réponses à de bonnes questions ». La classe politique et médiatique était entièrement fermée à réfléchir aux questions soulevées, comme si s'arrêter un instant pour y penser était incompatible avec le fait de démolir les mauvaises réponses des mouvements dits « populistes ».


Le « populisme » est aujourd’hui une des étiquettes les plus en vue pour éliminer du débat public un acteur politique, étant synonyme de néofascisme et d’autoritarisme. Plutôt que de suivre textuellement les recettes des grands experts du système, les populistes commettraient le crime de parler aux culs-terreux qui composent ce peuple si méprisable. Si le peuple n’en peut plus de se faire dire qu’il doit se serrer la ceinture, c’est qu’il est ignare. Et parce qu’il est ignare, il faut éviter autant que possible qu’il se mêle des affaires collectives.


Le populisme, à la base, est pourtant un terme absolument noble, signifiant la défense du peuple.


Historiquement, le Parti populiste américain était une alliance entre les ouvriers industriels et les petits paysans, proposant de renverser « le gouvernement de Wall Street, par Wall Street et pour Wall Street » par le « gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ». Parmi ses dirigeants, figurait la militante féministe Mary Elizabeth Lease, connue pour son activisme en faveur du droit de vote des femmes. Ce mouvement a eu un rôle marquant sur la mobilisation politique américaine, ayant notamment influencé un Martin Luther King.


En Russie, vers la fin du XIXème siècle, les populistes étaient des intellectuels opposés au tsarisme, issus des classes moyennes. Pour eux, la paysannerie détenait les modes d’organisation capables de renverser le régime. Ils furent alors traqués par la police et le mouvement ne connaîtra pas de lendemains. Quoi qu’il en soit, leur option était beaucoup plus intéressante que celle des Bolcheviks qui établiront une longue et meurtrière dictature qui durera plus de 70 ans.


Or, par un étrange retournement de situation, alliant sans doute malhonnêteté et ignorance, le populisme renvoie aujourd'hui à une forme contemporaine de fascisme. Le populisme, dans sa véritable signification, ne pourrait pourtant en être plus éloigné.


En 2017, le populisme ne peut être celui de ces mouvements disparus, ni s'incarner dans les partis qui se font coller, aujourd’hui, cette étiquette. Il faut cependant voir ces derniers comme l'expression d’un sentiment grandissant. Leurs succès électoraux sont le signe qu’un véritable populisme devrait être pensé pour offrir une réponse adéquate aux besoins du peuple. Si un populisme digne de ce nom n'occupe pas le terrain, les démagogues se chargeront de le faire. Un véritable populisme, digne de ce nom, aura besoin d’un programme positif qui constitue une vraie rupture face aux autres offres politiques interchangeables. Un projet qui redéfinisse le lien entre le politique et le peuple.


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Simon-Pierre Savard-Tremblay179 articles

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Simon-Pierre Savard-Tremblay est sociologue de formation et enseigne dans cette discipline à l'Université Laval. Blogueur au Journal de Montréal et chroniqueur au journal La Vie agricole, à Radio VM et à CIBL, il est aussi président de Génération nationale, un organisme de réflexion sur l'État-nation. Il est l'auteur de Le souverainisme de province (Boréal, 2014) et de L'État succursale. La démission politique du Québec (VLB Éditeur, 2016).





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