Dans un texte de La Presse du 28 avril 2022, on apprend que le gouvernement caquiste s’active – sous prétexte de « demande des parents » et pendant que l’on discute fort de la loi 101 au cégep et du projet de loi 96 – afin de «bonifier», encore une fois, l’enseignement de l’anglais à l’école. La CAQ souhaite mettre en place un programme d’anglais « enrichi » mieux structuré au primaire. En filigrane, on peut comprendre que le but éventuel est de faire de « l’anglais enrichi » le programme régulier d’anglais au primaire.
Disons-le d’emblée, l’obsession névrotique du gouvernement du Québec pour l’anglais depuis 20 ans a quelque chose de désespérant. Ce fut d’abord l’imposition de l’anglais en troisième année du primaire, puis de l’anglais en première année, suivi de l’anglais intensif en sixième année du primaire et, maintenant, de l’anglais « enrichi ». Pour l’anglais, le gouvernement du Québec est aux petits soins et ne ménage pas ses efforts et son argent. La seule logique qui prévaut est celle du « toujours plus ».
Pendant ce temps, les signaux d’alarme se multiplient voulant que le Québec français soit en train de basculer dans un processus d’assimilation collective. Au moins deux éléments majeurs donnent à penser que ce processus est enclenché:
1) Le niveau de bilinguisme des jeunes francophones est en hausse constante, recensement après recensement, et atteint maintenant des niveaux historiques et stratosphériques. Sur l’île de Montréal, les jeunes francophones de 20 à 34 ans sont davantage bilingues que les jeunes anglophones par une marge de 3 points (80,9 % vs 77,9 %). Tout pointe vers le fait que la « langue commune » à Montréal, à Laval, c’est de plus en plus l’anglais.
2) On constate que, sous la pression de l’univers numérique anglicisant, le profil de consommation culturelle des jeunes francophones s’anglicise à grande vitesse et ressemble de plus en plus à celui… des jeunes anglophones. Les jeunes francophones, par exemple, n’écoutent presque plus de chansons en français (9% du temps seulement chez les 15-34 ans vs 47 % du temps chez les 55 ans et plus). Une acculturation est en cours, acculturation qui est la première étape dans le processus d’assimilation linguistique (qui se déroule normalement sur deux générations).
Alors que les jeunes auraient manifestement besoin de plus de contacts avec la langue et la culture françaises et québécoises à l’école pour solidifier une base culturelle mise à mal par les Netflix et YouTube de ce monde, le gouvernement fait l'inverse sous prétexte de « demande des parents ».
Mais il faut se demander si cette « demande des parents » ne correspond pas à ceci : une projection du sentiment d'incompétence et d'infériorité de la génération précédente face à l’anglais plaquée sur la génération actuelle, qui n'a pas du tout les mêmes problèmes et évolue dans un univers radicalement différent. Les parents veulent plus d'anglais ? Alors qu'ils s'inscrivent eux-mêmes à des cours, car c'est de cela au fond dont il s'agit !
Les professeurs qui se mobilisent actuellement en faveur de la loi 101 au cégep – et qui sont ignorés par le gouvernement caquiste – nous avertissent que l’anglais des jeunes est si pétant de santé que l’on entend maintenant des jeunes francophones échanger entre eux en anglais dans les corridors des cégeps français et que certains l’utilisent même pour s’adresser aux professeurs. Dans certaines écoles françaises de Québec (!), l’anglais sert de langue commune pour certains élèves. Cela découle d’une survalorisation de l’anglais dès le primaire dans le réseau scolaire québécois, combiné à l’immersion anglaise permanente offerte par l’univers numérique.
Pendant ce temps, les événements des derniers mois nous ont appris que le bilinguisme des jeunes anglophones, qui nous est vanté depuis des décennies, est un mythe; l’immense majorité des jeunes scolarisés en anglais serait en échec si des cours en français leur étaient imposés. Pourtant, le ministre de l’Éducation lui-même disait encore en janvier dernier que le problème au Québec, c’était le niveau d’anglais des jeunes francophones et, qu’au lieu d’étendre la loi 101 au cégep, il fallait bonifier l’anglais au primaire dans les écoles françaises !
Dans un autre texte du Journal de Montréal, , on apprend que si le ministre responsable de la langue française affirme, de son côté, qu’il faudrait «bonifier» le français des jeunes anglophones, le ministre de l’Éducation, pour sa part, ne semble pas être d’accord. Il y a une asymétrie flagrante, qui remonte au sommet du ministère de l’Éducation, entre le soin accordé à la maitrise de l’anglais et celui accordé à la maitrise du français à l’école au Québec.
Pour inverser une affirmation célèbre de Gaston Miron : « Le vrai problème au Québec, c’est le français ! » Au Québec, c’est la connaissance et l’usage du français qui pose de plus en plus problème. Par les anglophones, premièrement, et, de plus en plus, par les francophones. Pas la connaissance et l’usage de l’anglais ! L’anglais est pétant de santé au Québec. Il faudrait en prendre acte avant qu’il ne soit trop tard.