La crise financière grecque n'est plus ni grecque ni financière. C'est une crise politique de l’Europe tout entière. Sa solution n'est plus financière. Elle est politique. Elle n'est plus à Athènes. Elle est à Bruxelles. L'enjeu est maintenant franco-allemand.
La Grèce ne pourra jamais rembourser ses dettes. Les multiples plans d’aide à la Grèce, s’ils sont parvenus jusqu’à maintenant à éviter le défaut, n’ont pas permis d’apurer le passif à long terme. L’on doit affronter une évidence, que l'on connaît depuis longtemps: aucune zone monétaire commune ne peut durer sans un pays dominant (comme la zone Franc) ou sans une forme de fédéralisme (comme aux États-Unis).
L’on ne peut sortir de la crise actuelle par une sortie de la Grèce de l'euro, qui mettrait à mal en quelques jours, à nouveau, le système bancaire européen, et augmenterait la dette publique des autres pays européens. Enfin, l’on ne peut demander à la Grèce un miracle, qui serait de régler en quelques mois trente ans de laxisme politique.
L’on peut encore longtemps épiloguer sur ce qu'il aurait fallu faire pour ne pas en arriver là.
Pour la Grèce, d’abord. Ne pas laisser la Grèce entrer dans l'Union économique et monétaire avec des chiffres faux. Ne pas laisser croître au-delà du raisonnable une dette bien trop importante par rapport aux fondamentaux économiques du pays. Forcer les Grecs à mettre en place des institutions fiscales et économiques efficaces.
Pour l’Europe, ensuite. En plus de dix ans de monnaie unique, l’on aurait pu mettre en place un ministre des Finances de l'Union pour contrôler efficacement la politique économique de chaque pays membre.
L’Europe aurait pu mettre à contribution, bien plus qu’elle ne l’a fait, les grandes banques européennes, dont tout indique –y compris le niveau des rémunérations qui sont présentement versées à leurs traders et dirigeants– qu’elles ont les moyens de faire face.
Enfin, parce que l’on sort d’une crise par l’innovation et la croissance, l’Europe aurait pu mettre en place un programme de soutien massif aux investissements de croissance de l’industrie européenne: lancer de nouveaux Airbus du rail, des télécommunications, de la voiture électrique ou de la génomique. Prendre des décisions européennes de nouveau courageuses.
Pour tout cela, il est trop tard. Si l’on laisse la Grèce faire faillite, c'est l'euro qui disparaîtra. C'est le principe même de l'Union européenne qui sera en cause. Le chômage augmentera encore, y compris en Allemagne qui bénéficie à ce jour d’un euro sous-évalué par rapport à son économie.
Si l’on laisse la Grèce faire faillite, une crise économique et politique pire que celle de 2008 nous attend.
Il faut donc changer de perspective. Ne plus penser au problème grec, mais au problème de l'Union européenne. Les solutions existent, il est urgent d’avoir le courage politique de les mettre en oeuvre: 1. Mettre en place un ministre des Finances européen;
2. Lancer un «plan Brady européen» qui consisterait à émettre des bons du trésor européens permettant: a. un financement sur vingt ans des problèmes de dette de la Grèce, du Portugal et de l’Irlande.
b. un Grand Emprunt européen pour les investissements d'avenir de l’Union.
3. Ces dettes seraient remboursées par la levée d’un impôt européen, une TVA européenne complémentaire d'assise large et de taux modeste (1%).
Il est urgent pour l’Europe de trouver une solution de sortie par le haut, permettant de sortir réellement de la crise et non de la repousser, telle la mise en place d’un «plan Brady européen» concerté, et de parvenir à relancer l’innovation par la mise en œuvre d’un grand emprunt européen.
L’Europe, à ce jour, est la plus grande économie mondiale, devant les États-Unis et la Chine. Nous avons les moyens économiques; l’Europe doit redevenir politique.
Jacques Attali
Le problème n'est plus grec
Si l’on laisse la Grèce faire faillite, une crise économique et politique pire que celle de 2008 nous attend.
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