Éric Desrosiers - Un mouvement de contestation s'organise en réaction au projet d'accord commercial entre le Canada et l'Union européenne qui avance à grands pas.
Un groupe d'organisations altermondialistes, syndicales et environnementales a mis en garde les Canadiens, hier, contre le projet de traité, dit «de nouvelle génération», dont l'impact sur les pouvoirs d'action des gouvernements, les services publics, l'environnement et les droits des travailleurs menace, disent-elles, d'être pire que l'ALENA ou l'OMC.
Fraîchement créé, le Réseau pour le commerce juste compte à ce jour 24 membres, dont des organisations altermondialistes bien connues, comme le Conseil des Canadiens et Attac-Québec, de nombreux syndicats, à commencer par le Congrès du travail du Canada (CTC) et la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ), ainsi que des défenseurs de l'environnement (Sierra Club), de la culture (Conférence canadienne des arts) et de l'agriculture canadienne (National Farmers Union).
Le nouveau réseau a profité de l'ouverture, hier, à Ottawa, de la troisième période de négociations entre les représentants canadiens et européens pour lancer une campagne de sensibilisation et dévoiler de premières ébauches du projet d'entente. «On ne parle pas d'un projet d'accord commercial ordinaire, a déclaré en entretien téléphonique au Devoir Stuart Trew, chargé de campagne, Commerce, au Conseil des Canadiens. Sa portée est très grande, et les dommages qu'elles risquent de causer le sont tout autant.»
On dit craindre, entre autres choses, que les dispositions de ce traité, qui s'étendront également aux provinces et aux autres gouvernements locaux, leur fassent perdre leur pouvoir d'exiger de leurs fournisseurs ou des entreprises en général de répondre à des exigences minimales en matière de retombées économiques locales ou d'éthique. On redoute aussi l'abolition des limites de propriété étrangère des entreprises de télécommunication, la privatisation des services publics, de l'eau et de l'électricité, ou encore l'extension aux entreprises européennes du droit déjà reconnu, aux compagnies américaines et mexicaines, dans l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), de poursuivre les gouvernements dès qu'elles se sentent lésées.
«Il ne faut pas se laisser tromper par la réputation de politiques progressistes des pays européens, a prévenu Stuart Trew. Ce n'est pas eux qui négocient. C'est la Commission européenne, qui est animé part de toutes autres priorités.»
Déjà vu
«On entendait les mêmes critiques lors des négociations de l'ALENA, et plus récemment lorsque l'on cherchait une entente sur le Buy American Act.
Tout le monde convient maintenant que ces accords ont été bons pour le Canada», a rétorqué en entretien téléphonique au Devoir le ministre canadien du Commerce international, Peter Van Loan. Si les négociations entre le Canada et l'Europe attirent si peu l'attention aujourd'hui, selon lui, c'est justement parce que les Canadiens ont appris qu'ils avaient tout à gagner dans le libre-échange et qu'ils ne s'en font plus avec cela.
Quant aux pouvoirs que les provinces risquent de perdre, il a rappelé que leurs gouvernements ont été invités pour la première fois à participer directement aux négociations. «Ils sont de toutes tendances politiques et ils sont très bien capables de défendre leurs intérêts.»
Ces négociations avancent d'ailleurs «plus vite qu'on s'y attendait», a affirmé Peter Van Loan. On ne croyait pas pouvoir en aborder la phase la plus délicate avant la quatrième et avant-dernière période, prévue en juillet, à Bruxelles, mais on y était déjà hier en commençant cette étape censée durer cinq jours.
Le seul ennui est que plusieurs négociateurs européens sont restés cloués de l'autre côté de l'Atlantique à cause du nuage volcanique, a confié le ministre arrivé en poste au mois de janvier. «On devra peut-être faire une partie des négociations par vidéoconférences et prolonger les discussions durant le week-end, voire au début de la semaine prochaine». Le Canada et l'Europe ont dit vouloir en être arrivés à une entente d'ici la fin 2011.
D'autres actions
Le Réseau pour le commerce juste entend bien se faire entendre d'ici là. Un forum public a été organisé ce soir à l'Université du Québec à Montréal. Un autre doit avoir lieu demain, à Toronto. Des rencontres avec élus sont aussi prévues.
On y présentera notamment une étude alarmante de 27 pages dévoilée hier par le Centre canadien de politiques alternatives. II y aura aussi une déclaration en 11 points réclamant, par exemple, un processus de négociations plus transparent, la conduite d'études d'impact indépendantes et l'engagement formel des négociateurs de ne rien signer qui pourrait compromettre les services publics, la souveraineté des gouvernements ou l'environnement.
Libre-échange Canada-Union européenne
Le projet d'accord suscite de la contestation
Le Réseau pour le commerce juste appréhende des effets pires que ceux de l'ALENA ou de l'OMC
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