Langue d'enseignement au cégep

Le Québec a fait le bon choix

Cégep en français

Contrairement à ce que [M. Bernard Landry affirme->19984], le Québec ne s'est pas trompé en préservant il y a 30 ans le libre choix de la langue d'enseignement au niveau collégial. Les chiffres sont là pour le démontrer: de plus en plus d'allophones issus du secondaire francophone étudient aujourd'hui dans un collège public ou privé francophone (60,4 % en 2006, selon les derniers chiffres disponibles) plutôt que dans un collège anglophone (39,6 %).
La tendance des allophones à poursuivre des études collégiales en français après avoir complété un parcours secondaire francophone est d'ailleurs en hausse depuis 2001. Quant au nombre de francophones qui fréquentent un collège anglophone, il a diminué de plus de 10 % depuis 1997.
En dix ans, le nombre d'allophones et de francophones qui fréquentent le réseau collégial en anglais est resté rigoureusement le même: moins de 13 000 étudiants, ce qui représente 8 % de la population étudiante totale des collèges publics et privés. Il s'agit donc d'un phénomène limité. Il n'y a pas là de quoi conclure à la nécessité d'étendre au collégial -- un niveau d'enseignement post-obligatoire -- la disposition de la loi 101 en vigueur aux niveaux d'enseignement inférieurs.
Bouillon de culture québécoise
Ce qui ne veut pas dire qu'il ne faut rien faire. La situation du français au Québec mérite toujours la plus grande vigilance, mais plutôt que de restreindre l'accès aux cégeps anglophones, nous pensons qu'il faut consolider la capacité du réseau collégial à offrir aux jeunes et aux adultes les compétences linguistiques -- en français, en anglais et dans une autre langue -- dont ils auront de plus en plus besoin.
C'était d'ailleurs l'avis que la Commission des états généraux sur la situation et l'avenir de la langue française, mise sur pied par le gouvernement du Parti québécois, avait formulé en 2001. Tout en rejetant l'hypothèse du cégep obligatoire en français, la commission proposait dans son rapport final de considérer le collégial comme un lieu de maîtrise du français et de perfectionnement de l'anglais et d'une troisième langue. Elle suggérait dans la foulée que le réseau collégial devienne un «bouillon de culture québécoise dans toutes ses manifestations et une agora où se fréquenteraient les citoyens, toutes origines, appartenances ou allégeances confondues».
C'est dans cet esprit que travaillent tous les cégeps, dont ceux de langue anglaise. Par exemple, des activités sont coordonnées avec les établissements francophones en vue de favoriser les échanges entre groupes d'étudiants; dans plusieurs programmes techniques de certains secteurs névralgiques, comme la santé, les étudiants suivent une formation spécifique afin de maîtriser la terminologie française propre à leur champ de spécialisation; des événements, telle une semaine thématique consacrée à la francophonie, sont organisés dans des établissements afin d'exposer les étudiants à des oeuvres de la culture québécoise; et des stages, ainsi que des cours complémentaires, sont offerts uniquement dans la langue seconde dans un certain nombre de programmes.
Avancer sur d'autres fronts
Les cinq cégeps anglophones du réseau collégial public, qui compte au total 48 établissements, sont donc soucieux de consolider chez les étudiants la connaissance de la langue française et la capacité de fonctionner en français au Québec. Ces cégeps sont très conscients des enjeux liés à la francisation et à l'intégration à la société québécoise; ils prennent régulièrement des initiatives en ce sens et sont prêts à accentuer encore leurs efforts.
Cependant, on ne saurait faire porter uniquement aux cégeps la responsabilité d'intégrer les personnes immigrantes, de susciter leur adhésion aux valeurs et à la culture québécoises et de freiner le pouvoir d'attraction de la langue anglaise. Il ne fait aucun doute que les cégeps contribuent à ces objectifs par l'enseignement qu'ils offrent, les services qu'ils fournissent à la collectivité et le milieu de vie pluriel et dynamique qu'ils constituent. Mais croire que la fréquentation obligatoire du cégep en français résoudra la question de l'intégration des nouveaux arrivants, comme le laisse entendre M. Landry, est illusoire. C'est en outre faire porter un poids très lourd -- l'avenir de la langue française au Québec -- aux jeunes allophones, ce qui nous paraît démesuré.
Le débat doit plutôt s'engager sur ce que le Québec doit faire de plus, et mieux, sur d'autres fronts. Que l'on songe par exemple à l'accueil des personnes immigrantes, à la valorisation de la langue française, à la reconnaissance des diplômes étrangers et à l'intégration des nouveaux arrivants au marché du travail québécois. Il y a là, selon nous, des pistes autrement plus prometteuses que celle de rendre le cégep obligatoire en français.
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Gaëtan Boucher, Président-directeur général de la Fédération des cégeps

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