Le Québec s’efface

Ottawa — tendance fascisante

Le Québec, dans le Canada, pèse de moins en moins lourd. Bientôt, si la tendance se maintient, le Canada pourra mener sa barque sans même s’en préoccuper. Qui a dit que la question nationale était dépassée?
Un récent projet de loi présenté par le gouvernement Harper vise à augmenter le nombre de députés à la Chambre des communes, en le faisant passer de 308 à 338. L’objectif affirmé de ce projet est de corriger la sous-représentation fédérale de certaines provinces (Ontario, Colombie-Britannique, Alberta) qui ont connu une forte croissance démographique. Le résultat, pour le Québec, est inquiétant. En 2001, avec ses 75 députés, il détenait 24,35 % des sièges de la Chambre des communes, ce qui était à peine plus élevé que son poids démographique (24,12 %) dans la population canadienne. Si le projet de loi est entériné, sa représentation passera à 22,2 % des sièges, pour une sous-représentation de 1 %, sur la base des données de 2009. Concrètement, cela signifie presque qu’un gouvernement fédéral pourrait obtenir une majorité au Parlement en se passant du Québec.
Le Bloc québécois a proposé une motion visant à préserver l’actuelle représentation du Québec. Elle a été appuyée du bout des lèvres par le NPD, mais rejetée par les Conservateurs et les Libéraux. Ces derniers savent bien, en effet, que toute concession faite au Québec se paie en perte d’appuis ailleurs au Canada. C’est comme ça qu’on nous aime dans le ROC (Rest of Canada).
Il ne saurait y avoir d’indication plus claire que le Québec n’a plus rien à attendre du fédéral. On dira, pour justifier l’affaire, que le principe de la représentation selon la population est sacré, mais ce sera faux. Six provinces canadiennes sont surreprésentées au fédéral. Le Québec, pourtant reconnu comme une nation, n’aura pas droit à ce privilège.
En 1867, un Canadien sur trois était francophone. En 1971, c’était un sur quatre. En 2006, ce n’était plus qu’un sur cinq. Les Canadiens français sont passés du statut de peuple fondateur à celui de minorité parmi d’autres. On dira qu’ils n’ont qu’à faire plus d’enfants et à intégrer plus d’immigrants, mais ce sera faux. La compétition démographique n’est jamais équitable entre une majorité et une minorité.
Le Canada, c’est clair, n’ira plus dans le sens du Québec. Même le critère du bilinguisme pour les juges de la Cour suprême est actuellement remis en cause. Le renouvellement du fédéralisme est une voie totalement bloquée, et c’est une illusion de croire que, en délaissant le Bloc pour rejoindre les Conservateurs ou les Libéraux afin de participer directement au pouvoir, les Québécois pourraient avoir plus d’influence. Cette solution a déjà été essayée et ne fonctionne pas.
On soulignera, cette année, le 30e anniversaire du référendum de 1980, le 20e anniversaire de l’échec de l’Accord du Lac Meech et de la fondation du Bloc québécois, de même que le 15e anniversaire du référendum de 1995. Ce seront là de belles occasions à saisir pour relancer le discours souverainiste, pour rappeler que, s’il veut s’assurer un avenir en français, libre et ouvert sur le monde, le Québec ne peut compter que sur lui-même. Sinon, c’est la louisianisation, l’effacement (comme aux cérémonies des Jeux olympiques ou dans les instances internationales) et la soumission à un gouvernement fédéral au service du Canada anglais qui nous guettent.
Louis Cornellier
louisco@sympatico.ca
P.-S. Juste un mot pour souligner la fin d’une belle aventure. Le mois dernier, le bar L’Azile, situé juste en face du cégep, fermait ses portes. Lieu de rencontre à l’ambiance décontractée, petite salle de spectacles axée sur les artistes indépendants, voire marginaux, L’Azile était jeune, cool et sans façon. Je salue ses artisans –Francis Boucher, Marc-André Lessard, Antoine Rivest et Simon Rochon. Ils ont fait et nous ont fait faire un beau bout de chemin.


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