Demain sera disponible en librairie l’excellent essai « Souverainisme de province » (Boréal) de Simon-Pierre Savard Tremblay. Disons le d’emblée, c’est le livre politique à lire cet automne. Proposé à la fois comme un compte-rendu et une critique de la genèse du mouvement souverainiste des années 60 jusqu’à aujourd’hui, l’essai nous renvoie au visage l’échec de la création du pays du Québec, l’insuccès du projet prétendument central du Parti Québécois. L’auteur y analyse longuement le paradoxe d’un parti souverainiste qui se contente des limites de la province, séparant sa raison d’être de l’exercice du pouvoir.
Alors que certains pensent que nous avons perdu la possibilité de faire un pays en 1995, Savard-Tremblay nous fait voir une autre facette de la réalité : et si nous avions échoué dès le départ ? Si nous nous n’étions jamais vraiment outillés pour réussir ? Et si l’indépendance n’était pas au centre des décisions du Parti Québécois depuis belle lurette, se contentant d’être un « bon gouvernement » ? Si « Le drame des indépendantistes, est que le vaisseau amiral (Le Parti Québécois) ne navigue que sur les eaux du politiquement correct » ? Et ce, depuis sa création ?
C’est en 1974 que Claude Morin et le congrès du PQ ont instauré l’obligation du référendum « En apparence cosmétique, écrit Savard-Tremblay, cet ajout relève du virage majeur dans la mesure où le référendum est désormais inévitable » c’est à partir de ce moment qu’on est passé de l’indépendance au souverainisme par étapes. La construction de la souveraineté type « modèle à coller » est-elle garante d’un éventuel succès, ou est-elle accessoire de ses échecs ? En lisant l’essai de Savard-Tremblay, on ne peut faire autrement que de se le demander.
Alors que l’indépendance était auparavant un processus, l’étapisme péquiste a transformé l’indépendance en événement en « croyance illusoire en l’imaginaire du « Grand Soir » qui relève de la pensée magique » écrit l’auteur. Il ajoute que « l’étapisme condamne à son tour le PQ à se convertir à cette matrice, car il l’amène à transformer les scrutins en élection pour un « bon gouvernement » à l’instar des autres formations, qui, elles assument pleinement leur consentement au Canada » se demandant si « un gouvernement péquiste performant ne démontrait-il par que le statut provincial suffit amplement pour assurer le développement de la nation québécoise ? » On se demande presque si le PQ de Lévesque, que plusieurs regrettent, n’était pas déjà en train de banaliser la souveraineté, à l’instar de ce que les plus récents gouvernements péquistes l’ont fait. Ne semblant pas la considérer comme urgente et remisant l’idée aux calendes grecques.
En lisant l’essai, on remarque que ce qui se passait dans les années 1970 est pratiquement conforme à la réalité d’aujourd’hui on croit pratiquement à un vulgaire duplicata. Comme quoi la spirale est continue et que l’histoire politique au Parti Québécois se répète en boucle. Répétons-nous dans le mouvement souverainiste, année après année, les mêmes échecs et erreurs ? Tant que les moyens et les objectifs ne changeront pas, serons-nous condamnés à revivre les cycles politiques ? Ne dit-on pas que tant que le destin n’est pas parvenu à ses fins, des histoires nous hantent toute notre vie jusqu’à ce que nous soyons confrontés à notre destin ? Einstein disait que « La folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent. » En ce qui concerne l’indépendance, certains auraient intérêt à mettre l’adage en pratique.
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Savard-Tremblay écrit qu’« Au tournant des années 2000, la souveraineté devient alors une affaire de valeurs, celles d’un Québec prétendument progressiste à la différence d’un Canada Conservateur. » Peut-on enfin penser que la différence fondamentale, entre le Québec et le Canada, c’est l’identité et non l’étiquette de valeurs ? Pourquoi ne pas revenir enfin au principe fondamental de la création d’un pays : la culture. L’essayiste mentionne qu’« Il importe de rappeler que la culture française n’est pas une abstraction, mais un mode de vie aux dimensions sociales et économiques profondes. »
Il a raison. La culture est le dénominateur commun entre gens d’une même société, le lien le plus évident de cette identité commune est bien entendu la langue. Qu’on soit de centre, de gauche ou de droite, ou appuyant seulement l’idéologie du « gros bon sens » on a tous une culture et une langue commune. Par contre, Savard-Tremblay ne se limite pas qu’à celle-ci et prône toute une doctrine socio-économique où l’intérêt national serait prédominant.
L’auteur invite « à ne pas se positionner sur l’axe idéologique et artificiel de la « gauche » et la « droite » comme le suggèrent une dizaine de jeunes auteurs dans « Lettres à un souverainiste » paraissant mercredi chez VLB, mais plutôt de mettre l’emphase sur « l’intérêt national qui transcende ces étiquettes qui détournent le mouvement souverainiste de sa mission et ne sèment que la division » Plutôt que sur un souverainisme nu, vidé de sa substance, et remis à la saveur du jour, comme le suggère l’ouvrage Lettres à un souverainiste alors que nous devrions plutôt adopter « une série de dossiers sur lesquels les intérêts supérieurs du Québec et ceux du Canada divergent fortement » Pourquoi ne pas miser sur le cœur de l’idée d’indépendance, soit l’identité et la culture ? Culture et langue auxquelles tout nouvel arrivant est d’ailleurs invité à joindre.
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En plein début de course à la chefferie, alors que le débat d’idées promis depuis avril par le PQ se fait toujours attendre, Le souverainisme de province est un livre qui changera notre conception du souverainisme moderne, en nous faisant comprendre ce qui se passe depuis les années 1970, et constatant que la modernité nous fait revivre exactement les mêmes événements.
« C’est ainsi que le souverainisme s’est déployé contre lui-même », écrit Simon-Pierre Savard-Tremblay dans les dernières pages de son essai. À l’ère d’une éventuelle renaissance, il serait sage de tenter de ne pas s’engluer encore une fois dans les boucles d’échec et pour une fois, d’oser le vrai changement.
Le souverainisme de province, Simon-Pierre Savard-Tremblay, Boréal, 2014, 226 pages
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