Le vrai scandale de la Cour d’appel du Québec!

Chronique de Louis Lapointe

Heureusement que la Cour d’appel du Québec est présidée par un ancien président du Parti libéral du Canada. Il a pu venir en aide à un ancien président du Parti conservateur du Canada qui tardait à se récuser et dont on dit qu'il sera le prochain juge en chef. Les journalistes sont unanimes, le juge Jacques Léger aurait dû se récuser parce qu'il devait entendre un litige mettant en cause d'anciens clients, un groupe de motards criminalisés, les Hells Angels.

Pourtant, lorsque le juge en chef Michel Robert entend des causes en matière constitutionnelle opposant le gouvernement du Québec au gouvernement du Canada, il ne vient à l’idée d'aucun journaliste que ce dernier pourrait avoir plus de sympathie pour les thèses fédérales que québécoises. Comme la Cour Suprême du Canada, la Cour d’appel est un repaire de fédéralistes. Je l’ai écrit à plusieurs reprises, c’est d’abord là qu’il est le vrai scandale.

Ce n’est pas une commission d’enquête sur la Cour du Québec qu’il aurait fallu décréter, mais bien une enquête sur les nominations de juges à des juridictions supérieures qui relèvent du ministère de la Justice et du bureau du premier ministre du Canada.

Tous les avocats au Québec savent que lorsque les libéraux sont au pouvoir à Québec, il y aura plus de nominations libérales à la Cour du Québec et moins de péquistes, et lorsque c’est le PQ qui est au pouvoir, c’est l’inverse. Toutefois, nous savons tous que l’allégeance de ces juges n’aura aucune conséquence sur les jugements rendus puisque les litiges où sont nommément discutées les questions constitutionnelles relèvent de la juridiction supérieure (fédérale), là où les indépendantistes sont encore plus rares que les juges bilingues du reste du Canada nommés à la Cour Suprême.

Pas plus que la Cour Suprême n’est représentative des courants politiques au Québec et au Canada, la Cour d’appel ne l’est des courants politiques au Québec. Comme si les indépendantistes québécois n'existaient pas au Canada, comme si les avocats qui défendent ouvertement cette thèse étaient tous partiaux, alors que les fédéralistes seraient intrinsèquement impartiaux. Une situation tout simplement injuste, héritée du passé colonial du Canada où les Anglais étaient toujours meilleurs que les Canadiens français et où il fallait que ces derniers deviennent en tout point comme les Anglais s'ils voulaient réussir à gravir quelques échelons!

***

Si parler anglais est une nécessité pour un Québécois qui désire être nommé à la Cour Suprême du Canada, ne parler que l’anglais serait suffisant pour n’importe quel Canadien qui souhaite le devenir. Imposer la simple compréhension du français à un Canadien anglais du ROC empêcherait de choisir les plus brillants juges. Comme si parler anglais rendait les Québécois plus intelligents, alors que le simple effort pour comprendre le français ne saurait en aucun cas être une preuve d’intelligence chez nos congénères canadiens du reste du Canada. De la plus pure bêtise made in Canada!

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C’était un secret de polichinelle que l’ancien Bâtonnier Claude Masse, aujourd’hui décédé et qui a été professeur de droit à l’UQAM et à l’Université de Montréal, souhaitait ardemment être nommé à la Cour d’appel du Québec, mais nous qui le côtoyions savions pertinemment qu’il ne serait jamais nommé à cette cour parce qu’il était ouvertement indépendantiste. Bien qu’il avait toutes les qualités requises, jamais il n’aurait pu le devenir. Si présider un parti politique fédéraliste ouvre les portes des plus hautes cours, le simple fait d’être ouvertement indépendantiste fait automatiquement perdre toutes les chances d'être nommé juge à une juridiction supérieure.

Le jour où les bancs de la Cour Supérieure et de la Cour d’appel seront occupés par 50% d’indépendantistes à l’image de ce qu'est la société québécoise, je croirai à la justice, mais d’ici là, tant qu’on préférera nommé d'anciens avocats d'affaires des Hells plutôt que des indépendantistes au-dessus de tout soupçon, je ne pourrai affirmer sans m’étouffer qu’il y a apparence de justice au Canada.

Il faut vraiment être colonisé pour confier tous nos litiges en matière constitutionnelle à une cour former de juges fédéralistes et croire que justice sera rendue en faveur du Québec, alors que ces cours ont fermé leur cénacle à double tour à tous ceux qui sont ouvertement indépendantistes.

Si le fait que le juge Jacques Léger ne se soit pas récusé parce qu’il allait entendre d'anciens clients - des Hells - est une grave erreur de jugement, le vrai scandale à la Cour d’appel est plutôt que les litiges qui concernent l’intégrité constitutionnelle du Québec ne soient entendus que par des juges fédéralistes.

Mais ça, les journalistes et les bâtonniers du Québec ne vous en parleront pas, ce n’est pas politiquement correct et risquerait de faire perdre à ces derniers la possibilité d'être nommés au saint des saints !

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Lire également à ce sujet :

De la nomination des juges;

Michel Bastarache devrait démissionner;

De la pourriture;

Il n’y a pas de véritable liberté dans un pays conquis;

Synopsis;

Le conseiller (1).

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Louis Lapointe534 articles

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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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5 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    8 mai 2010

    De multiples preuves tendent à accréditer la version de celui-ci : affaire de sous ministres au MRNF, de représentants de ce dernier à Santa Barbara, Californie ? et d’observateurs à la cour d’appel du Québec.

  • Archives de Vigile Répondre

    1 mai 2010

    J'avais abordé cet hiver la question des étonnantes nominations de juges juifs à la Cour suprême

    http://www.vigile.net/La-Cour-des-jugements-loufoques
    Entre 2003 et 2007, sur quatre nominations, trois étaient des juifs. Comme les Juifs font moins d'un pourcent de la population, il y avait anguille sous roche.

    La première de la série a été faite par Martin Cauchon. Comme Cauchon était un très junior à la Justice, je me doutais bien que ça venait du premier ministre Chrétien.Cette nomination m'avait étonné. Comment expliquer que Cauchon avait choisi un juge juif anglophone (Morris) pour représenter l'un des trois juges du Québec à la CS? Je me doutais bien que ca venait d'Eddie Goldenberg, qui connait le tout qui-est-qui du Montréal juif?

    Dans La Presse de samedi dernier, le brave Eddy a confirmé tout ce que je me doutais. Il ne parle pas de la nomination des juges juifs évidemment. Pas cave quand même!
    http://www.cyberpresse.ca/opinions/201004/23/01-4273702-nominations-politiques-des-comptes-a-rendre.php

    Il parle d'un sujet moins problématique: celui d'une femme. Mais dans le texte, Eddy confirme
    1) que le PM et lui étaient au courant de la nomination
    2) que le PM tient compte de l'ethnicité, du sexe et de la région d'un candidat dans sa nomination

  • Archives de Vigile Répondre

    1 mai 2010

    Rien n'a changé depuis la conquête au sujet de la justice. Nous sommes toujours jugés par les conquérants et leurs valets, leurs estafettes québécois.
    Rappelez-vous ces causes où nos pauvres compatriotes étaient jugés pas des unilingues anglais. Ils ne parlaient ni ne comprenaient l'anglais, mais le juge les jugeait quand même. La plupart du temps, ils ne savaient trop de quoi il en retournait.
    Et au suivant...

  • Archives de Vigile Répondre

    30 avril 2010

    Bien d'accord avec vous et, pour le dire autrement, contrairement à la Tour de "pise", qui penche naturellement d'un bord, nos deux Tours, notre Tour Suprême et notre Tour D'Appel penchent, elles, quand il y va des intérêts du québec confrontés à ceux d'ottawa, du bord de celui qui tire la corde qui les a bien attachées,... du bord du fédéral, et en ce sens, dire qu'elles penchent toujours du même bord n'est qu'un euphémisme!

  • Archives de Vigile Répondre

    30 avril 2010

    J'ai l'impression que vous allez lancer un jour un pavé dans l'édition avec un livre qui se situerait entre ''La charte des droits et libertés: la judiciarisation de la politique au canada'' de Michael Mandel et quelque chose dans la façon de ''History of the Supreme Court of the United States'' de Gustavus Myers (auteur que nous a fait connaître Pierre Falardeau dans sa conférence à l'UdeM). Un livre qui serait non seulement un grand succès de librairie mais une aide indispensable à notre libération et peut-être bien sûr à d'autres.
    Ou un collectif avec d'autres personnalités indépendantistes du monde du droit au Québec annexé à Ottawa ?
    En attendant ou sinon je continuerai de lire ici, bien entendu, sur Vigiles, vos admirables textes sur l'horrible univers du droit dans la colonie du Québec.
    Merci infiniment
    François Therrien