L'opinion de Bernard Landry #97

Les frais de scolarité

Université - démocratisation, gouvernance et financement


Il n'y a pas qu'au Québec que la question des frais de scolarité fait des vagues. Elle a même ébranlé l'inébranlable flegme britannique! Les étudiants anglais s'en sont pris au prince Charles, à Camilla et à leur Rolls Royce alors qu'ils se rendaient au théâtre. Il faut dire que la hausse britannique est spectaculaire par rapport à la nôtre et que leurs frais partent déjà de beaucoup plus haut que les nôtres.
Personne n'aime payer plus pour quoi que ce soit. Nos étudiants payent les frais les plus bas du continent. Ce qui en un sens est à notre honneur selon nos traditions de solidarité. Mais cette générosité, vue de près, consacre un certain nombre d'injustices commises de bonne foi, mais difficiles à justifier surtout dans le contexte budgétaire actuel.
D'abord, geler les frais aussi longtemps équivaut à les baisser. En raison de l'inflation, ils sont aujourd'hui beaucoup plus bas qu'il y a vingt-cinq ans. Cela n'est pas cohérent lorsque tout le monde paye plus pour tout, que d'autres payent de moins en moins. Surtout au moment où notre État national, déjà lourdement endetté, doit faire face à des frais de santé plus élevés et des revenus moindres en raison du vieillissement de la population. Il ne peut donc plus doter les universités des budgets requis pour empêcher la dégradation de leur qualité.
Autre problème: notre système de très bas tarifs équivaut à demander des efforts aux moins riches, pour transférer des ressources vers des gens plus à l'aise. En effet, les enfants de ces derniers fréquentent plus l'université que les autres. Lorsqu'ils seront instruits, ils gagneront généralement beaucoup plus que ceux qui n'auront pas fait d'études avancées. "Qui s'instruit s'enrichit", suivant la vieille formule. Il est bien qu'il en soit ainsi, mais cela ne doit pas servir à consacrer l'inéquité. On peut donc considérer ces hausses justifiées, comme de font bien des gens, dont les recteurs d'université responsables au premier chef de la qualité de nos institutions de haut savoir.
Le coeur de la question est très simple. Le droit à l'éducation dans une société solidaire, ne doit être lié qu'à la capacité et à la volonté de s'instruire, et nullement aux moyens financiers des intéressés. Si donc les hausses sont inévitables, il faut des engagements clairs et chiffrés à l'effet que la bonification du système de prêts et bourses garantira à tous nos jeunes d'aller au bout de leurs talents et leurs rêves, dans leur intérêt comme dans le nôtre. Autrement tout le monde est perdant.
On devrait aussi, dès maintenant, réfléchir à un système pratiqué notamment en Australie. Il consiste à abolir complètement les frais de scolarité avant le diplôme, et à les faire payer après, suivant la formation universitaire reçue et les revenus qui en découlent. De cette manière, l'accès universel n'est aucunement bloqué. Puis, ceux qui profitent du système remboursent raisonnablement une partie de ses coûts pour en faire profiter les autres. Cela fait concorder justice et savoir, intérêt personnel et collectif.
Bernard Landry


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